- Le
patronyme MORIDE ne figure pas dans le dictionnaire étymologique des noms
de famille (M.T. MORLET, 1991).
- Pierre
Moride, 1er connu du nom, épouse à Segré en 1613 une Segréenne, puis le
couple vit à Craon. Je trouve à Craon 3 couples Moride de 1622 à 1671, rien
avant, et un prêtre Pierre Moride en 1659. Tous liés, descendants de Pierre,
je n’ai pu faire à ce jour le lien exact.
- Les
Moride sont probablement venus d’ailleurs. Ils sont artisans et s’allient
à des artisans ou hôteliers. Tous savent bien signer, en orthographiant
leur patronyme « Moride » et non Morice.
- Or,
en 1600, la signature est l’apanage des familles notables. Il existe alors
un collège à Craon, probablement réservé à l’élite. J’en conclu que les
Moride sont relativement notables en 1620 à Craon. Ce sont des menuisiers
« haut de gamme », probablement des artistes.
- Les
patronymes se terminant par « IDE » sont rares et c’est un nom étranger
francisé ? Il y a en effet à Nantes beaucoup de cas, dont les Compludo qui
donnent à la même époque Complude etc…
-
menuisier
- Au
moyen âge, le seul meuble existant est le coffre, et celui qui le fabrique
un « huchier ». Le coffre est plus ou moins orné de sculptures, et le huchier
représente le sculpteur en bois.
- Le
lit apparaît au 14e tandis que le coffre passe sur pied, devenant buffet
puis armoire, enfin la table apparaît timidement pendant le 16e. Tous ces
meubles sont fortement ouvragés pendant la Renaissance, et seront même très
surchargés de sculptures avec Henri II. C’est le travail du « menuisier
».
- Sous
Louis XIV l’ébène arrive, donnant au menuisier qui travaille l'ébène le
nom d’ « ébéniste », qui restera ensuite pour les autres bois des meubles.
- Ils
diffèrent tous du “charpentier”, ouvrier qui exécute tous les ouvrages en
gros bois entrant dans la construction des édifices.
- En
conclusion, en 1643, le menuisier est ce que nous appelons aujourd’hui un
ébéniste, fabriquant des meubles de qualité.
-
hypothèse
espagnole
- En
2000, on trouve des Morido en Espagne, dont certains en Castille à Avila,
colonie romaine, puis ville musulmane de 714 au 11e siècle. En 1465
la noblesse y destitue le roi Henri IV de Castille au profit de son frère
Alphonse. Puis, la prospérité de la ville va souffrir au début du 17e de
l’expulsion des Morisques. On trouve également le patronyme Moreda.
- En
Bretagne, la présence des Espagnols est attestée au 13e siècle. Au 14e ils
fréquentent le port de Redon, ainsi les Magon qui fondent à Vitré une importante
maison de commerce. Les monnaies espagnoles ont cours en Bretagne.
- Des
motifs économiques les attirent en Bretagne, tandis que les Bretons se rendent
en Espagne pour un motif religieux : StJacques de Compostelle.
- Le
duc Jean IV signe la plus ancienne convention commerciale avec les villes
de la Biscaye : Vermmeo, Bilbao, Luquete et Plaisance. Son successeur Jean
V régularise les relations commerciales avec les rois de Castille et de
Léon et fait venir à Fougères et Vitré des industries inconnues. Puis, Pierre
II exempte de taille les étrangers qui désirent se fixer à Vannes. François
II maintient les relations commerciales, et, comme ses prédécesseurs, attire
en Bretagne de nombreux étrangers. Enfin, Anne de Bretagne compte dans sa
cour plusieurs Espagnols.
- Puis,
Louis XII, roi de France, confirme les privilèges des marchands de Castille
trafiquant en France.
- Les
villes de StMalo, Rennes, Morlaix, Vitré et Nantes profitent de ces activités
commerciales. Les Espagnols y fondent des colonies florissantes, et dans
certaines régions Bretonnes, les Castillans s’établissent en si grand nombre
que même après plusieurs siècles le type espagnol s’est conservé. Citons
les Rocaz, Consalvo de Compludo, de Contrerez, de Oustize, de Gournez, de
Heredia, Consalvo de Lerma, de la Presse, de Vildiago, de Harvyz, Martinez
et Ryago. Houys, Harrouys. La Chambre des Comptes naturalise entre
autres : Bernardin de Médines, Jean d’Ariagne, Michel Marquier (1492-1531),
François de Nantedilles, Ferrando de Astoudille, Lopez et Jean-Baptiste
Dache (1532-1546), André Ruys, Sanchez Deheriva, François Ferray, Gatien
d’Aragon, Jean Moneybras, François le Quetro, Francisque de Leon, Pierre
Colludo, Absencion de Acquiere, Rodrigo de Valtaze, Diago Victoria (1546-1555),
Diego de Bourgues, Pierre de Villiers-Real, Allonzo de Medines, Heurtino
d’Abarandaro, Haronce d’Aragon, Andoine Deredia, Alonzo d’Astoudille, Bernard
de Medines, Diago de Lessuma (1555-1561), Jean Mandiel, François de Carosse,
Balthazar de Saines, Ollivier Ferrer, Martin de Montibon, Lopez d’Asche
(1561-1571)
- Les
Harrouys, Santo-Dominguo, Myron, d’Espinoza, Marquez sont bien connus, mais
d’autres installés avant 1492 ont omis de faire enregistrer leurs lettres
de naturalité à la Chambre des Comptes. Ils sont commerçants et preneurs
d’offices, y compris dans la municipalité.
- Sous
le Duc de Mercoeur et la Ligue, la ville de Nantes est presque transformée
en cité espagnole. Même si le roi d’Espagne Philippe II entretient des rapports
fluctuants avec la Ligue, il envoit tout de même un secours de troupes.
Le port de Lorient, le Blavet est alors construit par les Espagnols. Les
troupes espagnoles cantonnées à Nantes y prennent goût, et le jour du départ
pour le Blavet, plus de 300 hommes sont portés « malades ». Ils préfèrent
s’éparpiller dans la nature pour rester en France.
- La
France envoit en Espagne poissons, blés, vins, fers, livres, papiers, cartes
à jouer, toiles… Les Espagnols envoient laines, armes, soies plates,
cuirs et gants fins, cire, ambre gris, chevaux…
- Conclusion
: Craon est à 40 km de Vitré, 65 km de Fougères, qui ont des colonies
espagnoles au 14e et 15e. Les Moride de Craon en 1621, peuvent être venus
d’Espagne via Vitré ou Fougères. En particulier, leur signature atteste
de leur appartenance à une certaine classe sociale éduquée.
C'est l'hypothèse la plus vraisemblable
-
hypothèse
basque
- Les
patronymes basques ont été étudiés par Philippe Oyamburu, dans son «
Dictionnaire des Patronymes Basques, en 3 volumes », qui couvre les
7 régions du Pays Basque Français et Espagnol.
- Mon
correspondant à Bayonne, Roland Bonfils, l’a consulté à la bibliothèque
de Bayonne. Il n'a trouvé aucun patronyme qui puisse rappeler, de près ou
de loin Moride ou Mauride. Voici les patronymes du dictionnaire : Marica
Marigo Marisco Marubi Maruri Maurica Mindurri Mauri ou Marauri Maurola Merika
Morabide Muri . Seuls les Morabide ont une vague ressemblance. Puis, la
présidente du Cercle Généalogique du Pays Basque et Bas Adour, a consulté
un relevé fait par son association, des patronymes anciens du Pays Basque
et n'a pas trouvé de Moride ou Mauride. Seuls les Moirie, Moyrie à
Bayonne, ont les racines à Tarnos (proche de Bayonne mais du département
voisin des Landes).
- Selon
Roger Moride, Paul Moride, son grand-oncle aurait possédé un dossier, dans
lequel les Moride descendaient de basques du Guipuzcoa fait prisonniers
sous Louis XIV et retrouvés ensuite à Mont-de-Marsan. Ils portaient un blason
avec une tête de Maure. Malheureusement ce dossier a été remis vers 1930
à un avocat parisien par la veuve de Paul. Originaux, dossier et nom de
l’avocat ont disparu.
- Cette
tradition familiale fait remonter les Moride à Louis XIV alors que je les
remonte plus haut jusqu’à Henri IV à Craon. Elle est donc erronée, et c’est
sans doute sous l’influence de son épouse Basque que l’oncle Paul aura songé
à cette légende, à une époque où bon nombre de légendes familiales ont vu
le jour, comme étant de très bon ton dans certaines familles.
- Histoire
du Guipuzcoa « Dès le milieu du 12e siècle au plus tard, les ports de
Biscaye et Guipuzcoa se lan-cent dans la pêche, parfois très au loin (baleine),
les chantiers navals se mettent au travail un peu partout. Ce serait ici
qu'on aurait inventé, du moins mis au point, le gouvernail d'étambot, indispensable
aux Grandes Découvertes. Un type de navire y est créé, la coca, qui conquerra
même la Méditerranée. Comme la région cantabrique est, plus encore que la
Suède, la grande productrice de fer, Bilbao et les autres chantiers fourniront
de nombreux navires à l'Angleterre et à la France, au Portugal - jusqu'en
plein XVIe siècle. Mais ces ports cantabriques déploient une intense activité
commerciale, en exportant la laine de la Mèsete, arrivée par Burgos (une
autre partie de la production fournit la draperie de Ségovie). Ainsi s'établit
la liaison entre le marin et le pasteur, entre le propriétaire ou affréteur
de navires et les négociants ou fabricants, d'une part, et les débouchés
d'Europe du nord, d'autre part. Les «gentz de les villes de la marine de
la seigneurie du Roy de Castille et del counté de Viscaye» forment une puissante
Her-mandad, qui tient tête au pouvoir royal et signe des traités avec des
rois étrangers.
- L'éveil
des rives atlantiques se fait aussi à partir d'autres foyers. Il procède
par ré-seaux qui entrelacent un autre réseau englobant les vins bordelais,
poitevins et de la Loire, le sel de la Gironde, de Brouage, des Sables d'Olonne,
de la baie de Bourgneuf et de Guérande qui remontent vers les ports anglais
et de la mer du Nord, grâce à la navigation française mais aussi en attirant
la navigation septentrionale. Avec les sapins pyrénéens, les chênes du Bazadais,
Périgord et Bordelais, et les brais, résines et goudron venus par les routes
terrestres, la bourgeoisie des cons-tructeurs de Bordeaux et Libourne, profitant
de l'embauche d'ouvriers des pays bas-ques, lance en mer gabarres et autres
navires. De même en Bretagne les forêts alimentent les chantiers du Croisic,
Nantes, Brest, Morlaix, St-Malo. La voilure est faite avec des olonnes.
Ainsi, des dizaines, voire plus d'une centaine de ports, de toutes tailles,
parsèment les côtes entre la Canta-brique et la Manche; plusieurs centaines
de navires, de provenances locales ou exté-rieures, sillonnent ces mers,
relient ces ports, rendent vivantes ces économies et sociétés de montagnards
forestiers et de pêcheurs, de paysans-marins, de bour-geois-fermiers, industriels,
Mds, seigneurs toujours aux prises de querelles de ligna-ges. Les chantiers
bretons travaillent pour les gens de mer de Zélande, Angleterre, Ecosse.
Le sel breton, par Bristol, gagne l'Irlande, qui grâce à lui exporte harengs
et poissons salés. Le fer de Biscaye s'insinue dans tous les ports, est
travaillé dans tous les chantiers et forges. Les bois et produits forestiers
de Kovno arrivent par Dantzig, contre le sel de Bretagne. Les toiles de
lin et de chanvre de l'industrie bretonne et rouennaise s'écoulent en Angleterre
et en Espagne, la draperie emploie d'abord les laines du duché, puis, dès
le XVe siècle, importe les laines castillanes. Les navires hanséates relient
Lubeck et Hambourg à La Rochelle, qui exporte les vins poitevins, comme
Nantes les vins de la Loire à desti-nation de la Flandre et des pays du
Nord. Nantes devient une plaque tournante, raccordant l'Espagne à Bruges
et aux côtes anglaises : fer de Biscaye, étain et plomb de Cornouialle et
Devonshire, textiles, cuirs, vins et sel, les produits de la tonnellerie
et de la construction navale. La Breta-gne ravitaille l'Occident péninsulaire
en céréales, légumes, viande et bétail sur pied ou salé. »
- Conclusion
: L’histoire du Guipuzcoa est tournée vers le commerce avec Nantes
et la Bretagne, et les charpentiers de navire peuvent expliquer des menuisiers.
Mais les patronymes basques se terminant par « ide », sont rares et aucun
Moride.
- L’hypothèse
Basque a été élaborée au siècle dernier par Paul Moride, qui a vécu près
de StJean-de-Luz.
- S’ils
ne sont pas Basques, les Moride sont sans doute des Morido d’Espagne venus
via le Guipuzcoa vers Nantes ou la Bretagne, avec leur savoir travailler
le bois.
-
Les
Morisques
- Le
patronyme Moride a une étymologie « maure ». Il est impossible de parler
de l’Espagne, sans évoquer le drame morisque. En 1492, 10 % des Espagnols
sont des musulmans non intégrés, appellés les morisques. De 1499 à 1609,
ils vont subir le baptême forcé, l’exil ou la déportation. La majorité d’entre
eux quitte l’Espagne de 1609 à 1611.
- Les
dates permettraient de les retrouver à Segré en 1613, mais ceci est impensable,
puisque les Moride de Craon portent des prénoms de baptisés et son intégrés
au culte catholique, donnant même un prêtre. Il
convient d’exclure l’hypothèse morisque.
-
hypothèse
italienne
- La
famille d’Anjou règne sur le royaume de Naples de 1266 à 1442. Elle y attire
à Naples Pétrarque, Boccace, et y développe le commerce avec Barcelone,
Marseille, etc. Or, Craon, où les Moride apparaissent en 1600 est située
en Anjou.
- En
1510, Pierre de Rohan, maréchal de Gié, revient de campagnes à Naples, où
règne Alphonse d’Aragon. Il fait construire entre Craon et Segré le château
de Mortiercrolles, œuvre de transition, inspirée des villas italiennes.
Pierre de Rohan a-t-il pu faire venir des artistes étrangers pour une œuvre
aussi nouvelle ?
- On
rencontre des Italiens en Bretagne (in MATHOREZ J., Les Italiens à Nantes
et dans le pays Nantais, extrait du Bulletin Italien, t13, 1913, N°2). Notamment
des gentilshommes verriers amenés par les Gondi : Jean Ferro installe en
1588 une faïencerie à Nantes, qui passe à Jean Babin qui épouse une Italienne
Angélique Du Buisson. Leur fille épouse Vincent de Sarodes (Saroldi) gentilhomme
verrier. Giovanni et Augustin Ferro possédent une verrie à Héric. Edouard
du Buisson, gentilhomme verrier, natif de Lhostel au marquisat de Montferrat
et habitant Héric depuis 30 ans lui succède. Virgilio Massari (Massart)
fonde une dynastie.
- Une
vérification effectuée à Naples en 2000 tend à exclure l’origine Italienne
faute du patronyme en Italie.
hypothèse
féodale
- Les
grands seigneurs ont souvent attiré leurs fidèles et artistes. La baronnie
de Craon est vendue le 30.5.1620 par la famille de la Tremoïlle à Louis
d’Aloigny, marquis de Rochefort, époux de Marie Habert de Montmaur. Le château
est alors ruiné car démantelé sur ordre d’Henri IV en 1604, pendant les
guerres de religion, car la ville avait pris le parti de la Ligue.
- Louis
d’Aloigny fait aménager ce qui est encore réparable et habitable du château.
A-t-il alors fait venir ses propres artistes ? Les dates coïncident avec
l’apparition des Moride à Craon. En outre, la nouvelle baronne est une de
« Montmaur », ce qui nous fait un petit clin d’œil maure !
-
HISTOIRE
DE LA FAMILLE MORIDE