Location d’une chambre par un baudroyeur, mégissier, Angers, 1613

Aujourd’hui, les 2 articles sont liés, car l’un donne l’acte notarié, l’autre une numérisation d’un ancien ouvrage illustrant un peu le travail du baudroyeur.
En 1613, le baudroyeur est un terme en voie de disparition. C’est probablement la raison pour laquelle il est ici qualifié de « bauldroyeur mégissier », en quelque sorte les deux termes étant alors usités, l’un vieilli, l’autre qui perdurera.

BAUDRIER : cuir de grain de forte vache, luisant, poli et lissé, et espais, et par apres teint. De telle couleur qu’on veut, qui sont toutes façons du Bauldroyeur, duquel on fait les ceintures, bandolieres, celles des veneurs à porter leurs trompes, et plusieurs autres choses, comme colliers à levriers d’attache et à dogues. Ce cuir au sortir des mains du tanneur est baudrié par le baudrieur, en ceste sorte apres l’avoir mouillé, est par luy à force de bras travaillé, avec un fer quarré emmanché d’une poignée couchée, appelé Estire, pour le vuider de l’eau dont il est mouillé, et puis estant seiché, et lissé avec un rouleau massif de voirre (verre) plat par dessous, appelé Lisse, qui est une autre façon à force de bras, et apres y avoir passé l’estamine, et peu d’autre menu appareil, teint de telle couleur qu’on la demande (Nicot, Thresor de la langue française, 1606)

BAUDROYER, v. act. vieux terme synonyme à courroyer ou préparer les cuirs, colorés seulement.
BAUDROYEUR, s. m. ouvrier qui courroyoit les cuirs de couleur. La communauté des Baudroyeurs est unie à celle des Courroyeurs, qui se qualifient maîtres Baudroyeurs-Courroyeurs. (Encyclopédie de Diderot et d’Alembert)

MÉGISSIER, s. m. celui qui prépare les peaux de moutons, d’agneaux, de chevres, lorsqu’elles sont délicates & fines. Voyez GANT, PEAU, &c. Ce sont aussi les Mégissiers qui préparent les peaux dont on veut conserver le poil ou la laine, soit pour être employés à faire de grosses fourrures, ou pour d’autres usages. Ils apprêtent aussi quelques cuirs propres aux Bourreliers, & font le négoce des laines. Ce sont encore les Mégissiers qui donnent les premieres préparations au parchemin & au vélin avant qu’ils passent entre les mains du parcheminier. etc… (idem)



Coffre couvert de cuir, fabrication 2008. Les inventaires après décès de la bourgeoisie, que j’ai dépouillés, montrent la présence du cuir sur le coffre. C’était une des applications du travail de notre baudroyeur mégissier, entre autres.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E36 – Voici la retranscription de Pierre Grelier : Le 25 février 1613 par devant nous Pierre Richoust notaire royal héréditaire à Angers, personnellement establis honorables personnes Etienne Grandière Me bauldroyeur mégissier d’une part,
et René Lebonnier Me carreleur savetier (c’est notre cordonnier) d’autre part, tous demeurant en cette ville d’Angers paroisse de la Trinité soumettant etc confessent avoir fait et font entre eux le bail à louaige qui s’ensuit,

c’est à scavoir que ledit Grandière à baillé et par ces présentes baille audit Le Bonnier qui a pris et accepte de luy audit titre de louage et non autrement pour le temps et espace de 3 ans qui commenceront au jour et feste de St Jehan Baptiste prochainement venant scavoir est une chambre haulte à cheminée située au hault de la maison dudit Grandière en laquelle il est à présent demeurant, sis sur la rue St Nicolas de cette dite ville et passage par l’allée et vie de ladite maison pour exploiter lesdites choses, et usage aux puits et privés (eh ! c’est le petit coin ! ce qui signifie tout de même au passage qu’il y en a un, car il pourrait très bien ne pas y en avoir. Ceci dit il ne doit pas être bien loin du puits, et doit bien contribuer à la pollution bactériologique de l’eau.) de ladite maison par la cour et chambre basse de ladite maison, laquelle chambre ledit preneur entretiendra en bonne réparation de carreau vitre et terrasse et les y rendra à la fin dudit présent bail que ledit bailleur y fera mettre au commencement d’iceluy et est fait pour en payer et bailler par ledit preneur audit bailleur par chacune desdites années la somme de 8 livres aux termes de Noël et Saint Jehan Baptiste par moitié, le premier terme de payement commençant au jour et feste de Noël prochain et à continuer etc
ne pourra ledit preneur céder ni transporter le présent bail à autres personnes sans le congé dudit bailleur
à ce tenir etc et à payer etc obligent etc ses biens prendre, vendre etc renonçant etc foye jugement condamnation etc
fait et passé audit Angers en notre tabler avant midy en présence de Allain Gaultier et Pierre Fresneau demeurant audit Angers témoins etc
Signé R. Grandière, R. Lebonnier, A. Gaultier, P. Fresneau

Plus de détails sur le travail du cuir, sur l’autre article de ce jour.

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Soldat de milice, Thorigné, 1689

La télé nous montrait récemment comment on achetait sous le manteau le numéro de permis d’un tiers pour se dédouaner de points en chute libre sur son propre permis. J’ai compris que c’était interdit mais que l’administration ne pouvait pas prouver qui était au volant.

Autrefois, on pouvait acheter un autre à sa place, en particulier pour partir à la milice : c’était tout à fait officiel, et nous avons déjà vu que cela était un marché passé devant notaire, donc par acte tout ce qu’il y a de plus authentique et officiel.
Naturellement, celui qui acceptait de partir à la place d’un autre avait pour seule motivation le besoin d’argent, et prenait le risque… Ici, il a femme et probablement enfants à nourrir… Lisez bien, il part pour que sa femme touche. Moi, j’en ai conclu qu’ils en avaient un besoin extrême, par contre j’ignore tous les détails de cette famille, en particulier le nombre de bouches à nourrir au moment des faits, c’est à dire le 15 mars 1689. Il s’agit de Pierre Planchet et Anne Houssin de Montreuil-sur-Maine.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E12 – Voici la retranscription de l’acte, à l’orthographe très médiocre : Le 15 mars 1689 avant midy, par devant nous Pierre Bodere notaire de la baronnie de Montreuil-sur-Maine y demeurant furent présents en leurs personnes establiz deument soubzmis et obligez soubz ladite cour prorogeant juridiction d’icelle, chascuns de noble et discret Me René Rigault prêtre curé de la paroisse de Thorigné sur Maine, honorable homme René Nigleau Sr de Haut Aviré,
h. h. Pierre Jallot marchand et Jacques Nail procureur de la fabrice dudit Thorigné y demeurants, iceux establiz tant en leurs noms privez que pour et au nom et sa faisant forts du général des autres habitants dudit Thorigné, promettant qu’ils ne conviendront à ces présentes ains les approuveront touttefois et quantes à peine etc ces présentes néanmoings etc d’une part,

et Pierre Planchet demeurant au bourg dudit Montreuil d’autre,

entre lesquelles parties a esté fait l’acte convention et obligations suivants, c’est à scavoir qu’iceluy Planchet s’est obligé et s’oblige par ces présentes d’aller au service du roy en callité (on a la qualité qu’on peut !) de soldat pour la milice pour la paroisse de Thorigné pendant le temps et espace de 2 années entières parfaites et consécutives qui commenceront lundy prochain 21 du présent mois et à continuer pendant ledit temps, et sans pouvoir pour quelque raison que ce soit s’apsanter (on s’absente comme on peut ! mais ouvez que phonétiquement on est parfait) dudit service sur les peines portées par les ordonnances de sa Majesté,

pour lequel cervice (service) ainsi faire iceux susdits establiz esdits noms et un chacun d’iceux seul et pour le tout sans divition de personne et de biens ont promis

et se sont obligez habiller ledit Planchet dudit abit (habit) complet avec chapeau bordé, une père de bas (paire), un père de souliers neufve, un fuzil, une épée avec un ceinturon, le tout conformément aux ordres de sa majesté, lequel abit fuzil et épée ils deslivreront audit Planchet dans cette présente semaine,

et oultre de payer audit Planchet la somme de 55 livres tournois en argent et 40 boisseaux de blé mesure du Lion d’Angers, savoir 25 livres dans ledit jour de son départ, et les 30 livres et ledit blé à Anne Houssin femme dudit Planchet, jusque à parfait poimant (paiement), sera de mois en mois à conter (compter) dudit jour de lundy prochain trente sols et 2 boisseaux de blé, et lors dudit poimant ladite Houssin en consentira acquits qui vaudront comme si fait estoit à la personne dudit Planchet,
à leffait (l’effet) de quoy il l’a des à présent authorisée avecq protestations faite par ledit sieur Rigault et establiz tant pour eux que pour le général des autres habitants de rendre responsable en privé nom ceux qui ont esté nommez pour servir à ladite milice, et de leur faire payer ladite somme et blé cy-dessus tant en principal que tous accessoirs pour cestre apsantez (s’être absentés) de ladite paroisse après ladite nomination, ce qui a obligé iceux establiz de conquester ledit Planchet et convenir avecq luy du prix cy-dessus attendu la nécessité pressante dudit soldat, pour ladite paroisse,

car les parties ont le tout respectivement ainsi voulu consenti et stipulé et accepté, à se tenir etc s’obligent solidairement comme dit est chacun en leur égard savoir lesdits establiz esdits nom au poiment desdites choses et ledit Planchet par corps comme pour les affaires de sa Majesté, à l’accomplissement de ce qui dit est le tout à peine etc renonçant etc dont etc
fait et passé audit Montreuil à notre tabler ès présence de vénérable et discret Me Jacques Jallot prêtre sacriste audit lieu, Jacques Bonjour tissier et François Lucas hoste demeurant audit Montreuil tesmoings, ledit Planchet a déclaré ne scavoir signer. Constat, por les 14 sols à quoy ils ont conveneu pour la semaine présente ledit Sr Curé les a présentement payées audit Planchet dont il se contente.

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Baguetier au 16e siècle : ancêtre du maroquinier

Avant-hier, nous avons vu Tannegy Le Veneur, qui passait en 1583 un bail à ferme avec Guillaume Jouhanneaux marchand Me baguetier, demeurant à Angers paroisse de la Trinité.

Voici mon avis sur ce métier de baguetier :

Baguette est un terme plus connu pour le petit bâton, de bois ou de pain etc…, mais il a parfois eu d’autres sens.
Ainsi, le Dictionnaire du Monde Rural, de Marcel Lachiver, donne, entre autres sens :

Baguette : Aux 15e et 16e siècles, bourse de cuir pour ranger de menus objets

Le même ouvrage donne ensuite :

Baguettier : Ouvrier fabriquant des baguettes et autres objets de mégisserie : « Les baguettiers ne feront écarcelles, qu’elles ne soient entièrement de marroquin ou mouton sans autres peaux »

En 1260 bagage, probablement venant du scandinave baggi, signifie Métériel d’une armée. (Larousse, Dictionnaire de l’Ancien Français, le Moyen âge, 1994)
En 1421, Bague : bagages, équipements. Bagage : 1-objets empaquetés nécessaires à ceux qui vont à la guerre ou en voyage ; 2. Affaires, objets (Larousse, Dictionnaire du Moyen Français, la Renaissance, 1992)

Au 16e siècle, date à laquelle nous rencontrons à Angers un Me baguetier, il est certain que BAG ou BAGGI des scandinaves, est parti dans plusieurs sens, dont les objets ou paquets, en particulier pour le voyage.
Or, pour voyager autrefois, c’est le plus souvent le cheval ou mieux, à pied. Les voitures sont rares et les chemins le plus souvent détestables.
J’ai toujours été étonnée, à la lecture des registres paroissiaux, de constater que le moindre voyageur à pied, si pauvre soit-il, avait toujours sur lui un extrait de baptême (ancêtre de la carte d’identité) et parfois plus.
A une époque où l’imperméable n’existait pas (d’ailleurs il est actuellement en voie de disparition, on dit impers, et même rien du tout, et il faut chercher déperlant dans les qualificatifs nouveaux, en outre il raccourci chaque année, et bientôt on le fera tomber jusqu’à la taille seulement), on portait certes la veste de drap de laine, épais et serré, laissant peu (?) passer l’eau. Mais il fallait bien mettre ses papiers à l’abri, et j’ai toujours supposé qu’on avait sur soi une sorte de pochette de cuir, plate, pas comme les bourses en forme de sac fermé d’un lien coulissant. Un peu comme ceci :

Bourse ancienne, cuir de vache, épais. Dimensions 17 x 11 cm, soit plus grand quune carte postale
Bourse ancienne, cuir de vache, épais. Dimensions 17 x 11 cm, soit plus grand qu'une carte postale

Songez aussi à tous ceux qui se déplacent avec des procurations etc… donc il a existé des formes de petis sacs divers pour le voyage que j’ai déjà rencontrés dans les inventaires après décès, ainsi : bougette s.f. Petit sac de cuir qu’on porte en voyage.
Je pense donc qu’il a existé des articles de maroquinerie pour le voyage, et que ce Me baguetier à Angers en 1586 est un ancêtre des maroquiniers, mais les objets fabriqués étaient fort différents.

ATTENTION : Gérard Boutet dans La France en héritage, 1850-1960, Perrin, 2007, donne le baguetier fabriquant de bagues de pacotille. OUBLIEZ cette définition, et gardez celle de Lachiver c’est à dire : maroquinier

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Lavoirs en Loire-Atlantique, cartes postales

Lavoirs
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Blain, Loire-Atlantique (on apporte le linge sur la charette à bras)
Blain, Loire-Atlantique (on apporte le linge sur la charette à bras)

Clisson, Loire-Atlantique
Clisson, Loire-Atlantique

Vertou, Loire-Atlantique (on apporte le linge sur les brouettes)
Vertou, Loire-Atlantique (on apporte le linge sur les brouettes)

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Du ciergier ferron au maréchal en œuvres blanches : la fabrique d’outils

La fabrication en usines des outils date de la première moitié du 19e siècle.

Avant, c’est un artisan, le maréchal en œuvres blanches, qui fabrique les outils qui servent aux charpentiers, charrons, menuisiers, tonneliers, jardiniers, bouchers, etc… En 1642, apparaît le terme « taillandier » pour désigner ce métier. Voir les métiers de la forge.

Il se fournit chez le ciergier ferronier : « Le 3 octobre 1659, devant Jean Bergé notaire des Ponts de Cé, Maurice Pelletier, maréchal en œuvres blanches, et son épouse Marie Garreau, demeurant sur l’Isle aux Ponts-de-Cé, reconnaissent devoir 33 livres à Yves Marchais, ciergier ferron à Saint Maurille des Ponts-de-Cé, marchandise de fer et acier.

(Archives Départementales du Maine et Loire) » « pour marchandie de fer et assiet vendu et livré » En paléographie, on a le réflexe de phonétiser dans sa tête afin de déchiffrer. Ainsi l’assiet ! et on a toujours en tête les termes d’époque : la marchandie, etc…
Marie Garreau reconnaît devoir avec son époux le paiement du fer livré, ce qui signifie que l’activité artisanale de son époux est une activité communautaire, et elle est solidaire de son époux dans cette activité. Les épouses sont toujours impliquées dans un achat communautaire, ainsi le veut le droit coutumier.
Le montant de l’achat est relativement important pour un artisan, et représente certainement la moitié ou la totalité de son revenu annuel.
Enfin, le marchand ciergier ferron est installé aux Ponts de Cé, qui est à la sortie d’Angers vers les terres de vignoble, où les tonneliers sont nombreux, et les outils demandés. Normalement, on ne rencontre le marchand ciergier ferron que dans les villes, car il exerce en grande partie un commerce de gros pour artisans.
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Quand mon grand papa mourra j’aurai sa culotte de drap ! Qu’est ce que le drap à l’époque ?

Voici cette chanson ancienne, comptine, telle que mémorisée à Nantes, grâce au commentaire laissé avant-hier sur ce blog. Merci à vous ! La version chantée est sur la page du drap de laine.

Quand mon grand papa mourra j’aurai sa vieille culotte
Quand mon grand papa mourra j’aurai sa culotte de drap
Oui j’aurai sa ch’mise et sa casquette
Oui j’aurai sa dépouille complète
Quand mon grand papa mourra j’aurai sa culotte de drap

Manifestement il n’existe que ce couplet, comme dans d’autres ritournelles anciennes, telle Une poule sur un mur, etc… Elle est beaucoup moins connue car le sujet est difficile à comprendre de nos jours, voire terrifiant pour des enfants habitués maintenant à changer de tenue chaque jour.

Autrefois, tout était fait pour durer, donc un tissu devait être résistant. Lors d’un décès, le notaire dressait un inventaire estimatif. Quelques jours plus tard avait lieu dans la maison même du défunt, une vente publique, aux enchères, lors de laquelle les voisins venaient acquérir tous les objets et vêtements, un par un, quelque soit l’état d’usure, scrupuleusement noté. Les vieux poêlons, les vieux tabliers, les vieilles vestes, tout partait refaire ailleurs une seconde vie, voire une troisième ou quatrième vie.
Je suis née, comme on disait dans les années 50, avant-guerre. Même après la guerre, et durant de longues années, ma principale activité de petite fille fut de mettre des pièces carrées pour réparer les vêtements de travail de mon papa, retourner les draps avant l’usure totale : on les coupait par le milieu en longueur, puis on faisait à la main, un mince surjet pour lier les deux bords moins usés, devenus le milieu et assurant quelque temps encore la résistance du tissu.
N’allez pas en conclure que j’étais dans une famille pauvre, pas du tout. Ce qui signifie que ces pratiques étaient le lot de l’immense majorité des Français.
J’ai de quoi parler pendant des heures de toutes ces récupérations… qui feraient l’objet d’un billet entier. Mais revenons au drap de la chanson-comptine.

Le drap de la chanson devait être non seulement résistant, mais aussi chaud, car nous avons vu que les fenêtes étaient sans vitre.
Il fallait donc des vêtements plus chauds que ceux que nous portons aujourd’hui. Le terme drap est devenu pour nous au fil des siècles un faux-ami, car nous l’utilisons uniquement pour désigner un drap de lit.
Le drap fut longtemps une étoffe de laine. Par extension, on dit Drap d’or, drap de soie, Étoffe dont le tissu est d’or ou de soie.
La fabrication du drap est liée au très ancien élevage du mouton. L’homme inventa de multiples façons de le tisser, mais l’achèvemement consistait à fouler, laver, lainer etc… ce qui était fait dans les multiples moulins à foulons qui ornaient autrefois nos rivières.
Notre drap de lit fut longtemps Linceul : drap de toile qu’on met dans un lit pour se coucher, et pour ensevelir. C’est ainsi qu’il est désigné encore dans des contrats de mariage ou inventaires après décès, mais en Anjou, je trouve toujours le terme plus moderne de drap pour désigner les draps de lit.
Dès 1639, dans mon plus ancien inventaire après décès mis en ligne il y a quelques années, les draps de lit sont désignés ainsi : 18 draps de toile de brin de 8 aulnes 44 L \ 16 draps de toile de brin en brin 22 L \ 12 essuiemains de grosse toille 2 L 10 s (Inventaire après décès de Madgeleine FEILLET, hôtellerie de la Fleur-de-Lys, La Membrolle 1639)
Un linguiste vous expliquerait alors que c’est le drap, un drap, et que l’étoffe est du drap. Quoiqu’il en soit, ma génération aura vu s’effondrer les vêtements résistants et chauds, d’origine natuelle, au profit du tout jettable et surtout pas si chaud que cela quoique la pub veuille bien chanter !
Mais me direz vous, et le lavage des vêtements en drap ! Ceci est un autre sujet, où j’ai des anecdotes croutillantes … mais retenez pourtant que ce tissu avait une qualité essentielle : il ne prenait pas les odeurs (sous entendu, comme les tissus modernes)

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