Tissier en toile, filassier , pour le lin et le chanvre – Sarger, sergier, serger pour la laine

Contrats d’apprentissage

C’est fou ce que la lecture (que dis-je la retranscription et frappe, seule méthode que j’utilise, car la lecture pourrait être en diagonale) des contrats d’apprentissage donne d’indications sociales et de détails des modes de vie. Je sais, j’ai la manie de prendre chaque mot pour une merveille, mais si je suis si émerveillée dans les notaires depuis plus de 15 ans, c’est que j’y ai lu beaucoup de petits détails qui nous restituent la vie autrefois, et qui sont à mes yeux de grandes informations.

Nous avions vu le cardeur, artisan travaillant la laine, et capable de faire un matelas, ce que je découvrais moi-même, car j’avais sous-estimé cet artisan auparavant.

Cette fois je vous emmêne au travail du lin et du chanvre, car le Haut-Anjou est pays de culture du lin et du chanvre sous l’Ancien Régime.
Le lin, plus noble donne un fil plus fin que le chanvre. Après la récolte, il y a d’abord le rouissage en rivière, mais il semble que cette phase ne soit pas toujours effectuée : on laissait parfois sur le pré. Une fois les parties dures ramolies, on passe à la braie ou broie.

Puis les filassiers (appelés aussi poupeliers en Anjou) en prépare la filasse mise en poupées, qui sera ensuite filée par toute la population.
Le filassier, aliàs poupelier, travaille à la journée, à l’extérieur, et comme tout journalier, il a des journées sans travail de filassier. C’est ce qui ressort du contrat d’apprentissage.
En fait il se déplace chez ceux à qui appartient la récolte. Or, la récolte appartient pour moitié à l’exploitant pour moitié au propriétaire, et certains propriétaires ont de véritables entrepôts. Le filassier n’est propriétaire d’aucune filasse, seulement un journalier. C’est selon moi, le plus bas échelon du travail du lin et du chanvre.

Selon Jocelyne Dloussky, dans son ouvrage « Vive la toile« , p. 26, le filassier ne lave pas toujours avec la méthode à l’eau et aux cendres, dite lessive, qui blanchit mieux le fil que les stratagèmes tels que le lait, le savon et l’indigo. Attention ce billet n’aborde pas le travail en blanchisserie, qu’on rencontre à Château-Gontier, Laval… qu’on pourra voir plus tard.

Ensuite, tout le monde file, partout, homme comme femme, et je dirais même dans beaucoup de milieux : dans les inventaires après décès, je suis surprise de trouver le rouet et le travaouil un peu chez tout le monde. Il n’y avait pas la télé, Internet et les SMS pour perdre son temps ! Alors il fallait bien s’occuper.
Le fil produit par chaque famille sera ensuite acheté par les marchands de fil, passant chez chacun, qui iront vendre à la foire de Craon, le fil qui partira à Laval ou chez des tissiers plus proches du Haut-Anjou. Je vous ferai ces marchands de fil une autre fois, car les inventaires après décès montrent leur fortune et leur mode de vie : il existe tous les échelons de fortune, et au sommet de cette pyramide, voir l’étude de Jocelyne Dlouskky citée plus haut, de la famille Duchemin, à la fortune considérable. Donc aujourd’hui, j’étais dans le bas de la pyramide sociale.

Le chanvre servira en partie à faire des essuie-mains, draps grossiers etc… partie à faire les cordes, à Angers surtout…

Le contrat d’apprentissage de Jean Dumesnil pour devenir tissier en toile, précise que son maître devra lui fournir « un pourpoint de toile, haut de chausse de meslin, bas de chausse de toile et une paire de choulier ». Le haut de chausse est l’ancêtre de la culotte. Il couvrait les hommes de la taille au genou, mais je ne pense pas que ce soit dans ce cas la culotte bouffante, courte, qui nous est familière avec les images connues d’Henri IV. Je m’imagine plus une sorte de bermuda (excusez la pauvreté de mes images), mais c’est ainsi que j’imagine mon apprenti, en pantacourt.

Le meslin ou meslinge est un produit local, qui est une toile mi-linge, toile intermédiaire entre la toile fine et la grosse toile. Ne m’en demandez pas plus et tant pis pour moi aussi si je ne comprends pas à quoi cela ressemblait.
La paire de choulier, vous avez compris, donc je passe.
Reste le pourpoint, qui est la veste courte, serrée, et arrivant à la taille. Une chose est certaine, il s’agit d’un costume d’été, car les deux éléments (le pourpoint et le haut de chausse) sont en toile. Une chose est certaine cependant, pas de sous-vêtement à cette époque, surtout dans ce milieu. On portait tout à même la peau, et ce qu’on a appelé chemise, lorsqu’elle existait car je la trouve peu dans les inventaires, était souvent en chanvre, et dure à la peau. Ouille ! (désolée mais il n’y a pas d’autre expression à cette idée, qui n’effraie moi-même).

Merci à Françoise pour cet essuie-mains de chanvre, datant de plus de 100 ans et toujours là (qu’en sera-t-il dans 100 ans des fabrications d’aujourd’hui, sans doute rien, même dans les musées). J’ai laissé la photo détaillée afin que vous puissiez voir le grain épais. Je peux aussi vous mettre un drap, qui est dans mon armoire, mais il faudrait un grand écran…

Et le sarger me direz-vous ? J’ai deux contrats d’apprentissage, mais je ne peux les mettre sur la page de la toile, car la serge, qui était le tissu le plus solide qui existe, était fait de laine (enfin, pour d’autres on en a fait de soie, mais je suppose que les sargers du Haut-Anjou, travaillaient la laine). Ce sont des tissiers en serge de laine…

Vous en avez assez de l’apprentissage, vous avez raison, vous saurez que ma page se mettra peu à peu à jour et qu’elle existe, et si vous avez des contrats vous-même, merci de coopérer, je vous citerai. Demain, nous voyons encore des documents rencontrés avant le contrat de mariage. Devinez lesquels ? Pour vous mettre sur la voie, souvenez vous que papa maman n’avaient pas la vie bien longue…

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

Cardeur de laine : paillasse et matelas

Le matelas était fort rare autrefois et nos ancêtres dormaient sur la paille,

c’est ce qui ressort des inventaires après décès. J’y trouve le plus souvent le terme paillasse.

De nos jours, le matelas sort d’une grande surface, c’est bien connu, d’ailleurs c’est là qu’on trouve tout… et on ne sait plus rien des sources et fabricants. Mais, qu’il soit à ressort, de mousse synthérique, ou de laine, le matelas est maintenant répandu. L’artisan qui les fabriquait ayant disparu, c’est le tapissier qui de nos jours refait ces matelas de laine, alors qu’autrefois le tapissier ne faisait que les fauteuils garnis.

Autrefois, la majorité de nos ancêtres dormait sur une paillasse, car c’est l’unique garniture que j’ai rencontrée dans la majorité des charlits dans les inventaires après décès que j’ai dépouillés. Comme son nom laisse à penser, elle était de paille, tandis que le matelas était de laine, crin et bourre. Voici les deux définitions selon le Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition,1762.

PAILLASSE. s.f. Amas de paille enfermé dans de la toile, pour servir à un lit.
MATELAS. s.m. Une des principales pièces de la garniture d’un lit, couverte de futaine, remplie de laine, de bourre ou de crin, & piquée d’espace

Mais quel artisan fabriquait donc ces matelas de laine si rares ?
C’est le contrat d’apprentissage de cardeur peigneur de laine, qui m’a fait comprendre quel artisan fabriquait autrefois le matelas. Eh oui, malgré tout ce que j’ai déjà fouillé, je découvre chaque jour encore des détails sur les modes de vie, et c’est fabuleux, car c’est chaque fois une joie de comprendre comment cela se passait alors.

Donc, j’ai mis en ligne un contrat d’apprentissage de cardeur peigneur de laine. Comme il s’agissait de laine, je l’ai mis sur ma page des foulons, qui eux aussi travaillent la laine pour le drap de laine.

Le maître, Jean Guyon, marchand cardeur peigneur de laine installé à Angers la Trinité, devra entre autres, montrer à faire les matelas quand il en fera. Notez qu’il est installé à Angers, où on livre plus souvent des matelas qu’en campagne. Pourtant la phrase laisse à penser qu’il n’en faisait pas tous les jours.
La formation durant 3 ans, j’avais trouvé d’abord qu’elle était bien longue pour quelqu’un qui peigne la laine sur des cardes (grands peignes). L’Encyclopédie Diderot est formelle, il s’agit d’une corporation réglementée :

Par ces statuts & réglemens, les maîtres de cette communauté sont qualifiés Cardeurs, Peigneurs, Arçonneurs de laine & coton, Drapiers drapans, Coupeurs de poil, Fileurs de lumignons. Aucun ne peut être reçû maître qu’après trois ans d’apprentissage, & un de compagnonage… Outre le pouvoir attribué aux maîtres Cardeurs de Paris, de carder & peigner la laine ou le coton, de couper toute sorte de poil, de faire des draps, &c. ils ont encore, suivant les mêmes statuts, celui de faire teindre ou de teindre dans leurs maisons toute sorte de laine, en noir, musc, & brun…

Certes, ceci est le règlement de Paris, et date des années 1691, alors que le contrat d’apprentissage angevin date de 1681. Quoiqu’il en soit, en y regardant de plus près, le métier de cardeur s’avère bien plus spécialité qu’un vulgaire peigneur, et j’y vois là un artisan ayant un réel savoir faire.
Comme quoi un terme peut en dire plus qu’au premier abord, et je dois beaucoup à ces contrats d’apprentissage, car ils me permettent de mieux situer certains métiers dans leurs compétences… oubliées…
Ceci dit on dort fort bien sur la paille, j’ai connu. Un été, lorsque j’étais jeune, j’étais en camp en Haute-Savoie dans une étable : on nous avait fait remplir une poche de paille, avant de nous allongés sur les pavés de l’étable. C’était très confortable (enfin pour un jeune), et l’odeur pure nature. A vivre une fois absoluement !

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Châtreur, greleur affranchisseur, restaurateur, maréchal, marchand briffon, puis hongreur, et enfin vétérinaire

On racontait autrefois qu’on appelait le « vétérinaire » dès qu’une bête avait un problème, mais qu’on attendait un peu pour appeler le médecin pour sa femme… Bien entendu, seules les méchantes langues racontaient de pareilles choses… Un proverbe dit cependant :

« La mort de sa femme n’est pas une ruine mais la mort de sa vache en est une »

J’ai mis en italique les métiers car leur nom était tout autre par le passé !
Méchantes langues ou pas ; il faut bien l’avouer, la santé des bêtes a compté pour l’homme de tous temps… surtout lorsqu’assurances et autres indemnités, même partielles, étaient inconnues. Il a fallu des spécialistes dont le métier était de soigner les bêtes, et bien sûr parfois de les chastrer.

Je mets ce jour sur mon site un 2e contrat d’apprentissage « d’affranchisseur, restorateur et grelleur », qui m’amène à faire le point sur ces études spécialisées. La durée est de 24 mois (en 1727 à Loiré) pour 30 mois (en 1746 à Louvaines). Si on veut bien admettre que la durée est fonction de la difficulté du métier à apprendre, c’est une durée qui atteste une certaine difficulté.
Le prix diffère du précédent contrat, car manifestement il est négociable au cas par cas.
Le détail des clauses particulières est toujours un plaisir à découvrir et comparer, c’est pourquoi je tente de récapituler ce que je sais de ces clauses (c’est en cours, mais vos relevés persos seront bienvenus).

L’apprenti bien sûr n’a pas le droit de s’absenter sans autorisation. Ce contrat précise le cas de maladie : « et si la maladie continue plus de 8 jours, ledit Boulay se retirera où il avisera bon être, et l’excédant au delà dudit 8 jours, sera récompensé par ledit Boulay au delà desdites années ». En d’autres termes, passé 8 jours pour maladie, la femme de son maître le met dehors car elle ne fait pas hôpital. Voilà, c’est cruement dit, mais c’est ainsi ! En outre, non seulement il sera prié d’aller se faire soigner ailleurs, mais il devra payer l’absence.
Bien entendu, il est aussi passible de la prison s’il n’effectue pas son contrat en entier : « et à tenir mesme par corps faute d’exécution de clauses et conditions cy-dessous ». Le terme « par corps » suffit à signifier qu’il répond de la saisie de son corps donc de la prison. La menace de saisie par corps est fréquente pour les contrats d’apprentissage long, c’est à dire 24 mois et plus.
Une autre clause est prévue : « il obéira à ce que le maître luy commandera, et en ce que sera honneste et licite, sans pouvoir cependant luy faire bucher (pour bêcher) ni labourer la terre ». Il faut croire que certains maîtres se seraient permis d’utiliser l’apprentis pour lui faire cultiver leurs terres… et qu’il est sage de borner le maître lui-même. C’est une jolie clause n’est-ce-pas ? … que certains stagiaires actuels envieraient sans doute…
Enfin, l’apprenti doit fournir à ses frais du matériel car « le maître fournira tout ce qui sera nécessaire pour sa dite profession à l’exception du baston, vice, et crochet ». Il est probable que vice soit vis, mais de toutes manières je ne connais pas l’usage de ces instruments, par ailleurs assez primitifs, sans doute pour maintenir l’animal ?
L’apprenti est orphelin, puisqu’il a un curateur. C’est un point notable, qui conforte mon hypothèse que ces contrats d’apprentissage touchent surtout les orphelins de père et les cadets…

Revenons au nom du métier lui-même. On voit que ces deux contrats d’apprentissage sont clairs sur le nom du métier de greleur affranchisseur et affranchisseur, restaurateur, greleur. Le greleur dans ce cas ne peut être assimilé au Grêleux : Campagnard qui se charge de nettoyer le grain. (Glossaire angevin, Ch. Ménière, Angers 1880). Définition reprise par d’autres dictionnaires. Il est utile de le rappeler car certains ont confondu parfois ces métiers, alors que ces contrats d’apprentissage confirment clairement le nom du métier. En effet, ces contrats d’apprentissage ne visent qu’un métier, portant plusieurs noms mis bout à bout afin de bien le décrire. C’est aussi la preuve que pour désigner les métiers des soignants les bêtes, il a existé beaucoup de vocabulaire.

Restaurateur, ou restorateur comme on l’a orthographié à la Renaissance, est un terme parlant : « qui restaure, qui guérit », appliqué aux bêtes en l’occurence.

Affranchisseur et châtreur sont équivalents, et les termes les plus anciennement nationaux, donnés par tous les grands dictionnaires, contrairement au hongreur, alors inconnu, mais qui sera utilisé plus tard pour dire la même chose.
Affranchisseur 1. Celui qui affranchit. 2. Homme qui fait le métier de châtrer les animaux. (Émile Littré, Dictionnaire de la langue française 1872)
Châtreur. s.m. Celui qui fait métier de châtrer des animaux. Châtreur de chiens. Couteau de châtreur. (Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition, 1762)

Hongrer : Chastrer un cheval. Hongrer un cheval. ce cheval est trop vicieux, il le faut hongrer. (Dictionnaire de L’Académie française, 1st Edition, 1694). Hongreur n’existe pas dans les dictionnaires nationaux. Il est donné par le Dictionnaire du Monde Rural (Lachiver, 1997)

Je trouve plus tard seulement le terme Vétérinaire : adj. des 2 genres. Il ne se dit qu’en parlant De la médecine des chevaux et des bestiaux. Médecine vétérinaire. Art vétérinaire. École vétérinaire. (Dictionnaire de L’Académie française, 5th Edition, 1798). Voulant comprendre quand on est passé de l’adjectif au substantif, j’ai sorti mon Dictionnaire Encyclopédique Quillet 1938, année de ma naissance, et constaté que le terme vétérinaire n’était alors qu’un adjectif. Ainsi j’ai vécu sans le savoir un grand tournant de l’histoire de ce métier, passé d’adjectif à substantif décrivant la profession.

Bien sûr, tout ou partie de ce corps de métier d‘affranchisseur, restaurateur, assistait aux foires aux animaux, pour prodiguer des conseils sur l’état des bêtes. J’ignore si les marchands, que l’on appelait joliement marchand briffon dans le Maine, et faisaient commerce des bêtes, avait suivi une formation pour reconnaître le vrai prix de chaque bête, et ne pas faire le maquignon, marchand qui trompe un peu sur la qualité des bêtes.

Mais, c’est aussi le travail du maréchal : Artisan qui ferre les chevaux, et qui les traite quand ils sont malades. On dit dans le même sens : maréchal ferrant, maréchal vétérinaire. (Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1872). J’avoue que je n’ai pas encore compris comment se répartissaient les taches entre tous ces métiers.

Bien sûr, ces ancêtres de nos vétérinaires, ont eu des variantes locales… et ce billet était typique de l’Anjou. En tous cas, j’habite une ville qui possède une école de vétérinaires, qui dispense la formation moderne de ce dont je viens de vous parler…

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Travail de nuit d’un apprentis en 1719 prévue dans le contrat d’apprentissage de tailleur d’habits

en cas de nécéssité. Ceci se passe à Brain-sur-Longuenée (49), et le tailleur est René Fourmond.

En poursuivant la lecture des contrats d’apprentissage que j’ai relevés, j’ai lu cette clause dérangeante. Puis, j’ai tenté de la comprendre, et merci de me faire part de vos suggestions.

Qu’est ce qu’un tailleur d’habits peut bien avoir à réaliser de si urgent, qu’il faille travailler de nuit en cas de nécéssité ?

Je vois la tenue de deuil, car dans ce cas, le tailleur n’avait que quelques heures, puisqu’à cette époque les inhumations ont lieu dans les 24 h qui suivent le décès.

Lorsque j’étais jeune, dans les années 1950, on portait toujours des vêtements de deuil, de couleur noire, et rien d’autre, souvent durant toute une année voire plus. Avez vous des souvenirs de ce type, car il semble bien que cette coutume soit en voie de disparition ?
Je crois qu’autrefois on portait des tenues de deuil, car j’ai trouvé à Angers un acte notarié par lequel une veuve payait son tailleur d’habits d’une telle toilette. Le montant était élevé, mais la dame cherchait en fait à se remarier… et la toilette de deuil devait être à la fois noire et coquette, bien que le contrat ne précise pas la couleur….

Il s’agissait aussi sans doute de noces, de ces noces villageoises, vite arrangées et expédiées, mais auxquelles tout le monde venait. Le tailleur local (on n’avait pas encore la planète entière pour acheter) devait effectivement être parfois totalement débordé…, car il était seul à pouvoir satisfaire les demandes locales…
D’autant qu’on assemblait à la main, et que nous avons vu qu’autrefois les tissus étaient solides et épais, pour durer. J’ai eu la curiosité d’aller voir l’Encyclopédie Diderot, et suis tombée en arrêt devant les points utilisés.

Cette planche ressemble à mes cahiers d’écolière. J’avais un cahier de couture, dans lequel on intercalait sous forme de fenêtre, nos exploits de couturière en herbe. J’avais une planche de points, mais pas aussi variée que celle-ci, qui illustre à merveille le besoin de coutures solides de tissus épais. Mais qui illustre aussi qu’il fallait beaucoup de temps pour assembler les étoffes, d’autant que les femmes n’étaient pas arrivées à la mini-jupe (moi non plus au reste).

C’est le seul contrat dans lequel j’ai lu le travail de nuit, mais par contre j’ai lu à plusieurs reprises une clause plus sympathique : le maître est aussi (après les clauses habituelles) tenu de traiter son apprentis humainement.
Poursuivant ma lecture détaillée, j’ai même un contrat dans lequel cette clause est rédigée ainsi :
le traiter doucement et humainement.

Cette phrase, hallucinante dans un contrat, signifierait-elle que certains maîtres auraient été plus que durs, et certains parents auraient-ils voulu éviter cela à leur progéniture ? Je pense qu’il faut la lire ainsi, enfin, c’est mon hypothèse.

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Contrat d’apprentissage de couturière, Angers, 1598

à Angers, avec exercice de paléographie et explications

Après le couturier, voici en 1598 la trace de la féminisation du métier.
Cette page est avec exercives de paléographie, comme beaucoup d’autres de mon site.

J’ai beaucoup forgé pour devenir forgeron (en paléographie) : le proverbe avait bien raison. Mais ce que j’ai fait, vous pouvez le faire, aussi je vous le transmet en formes d’exercices…, profitez-en. Exercez-vous.

Le métier de la jeune apprentie est écrit cousturière, avec un S devant le T, qui atteste qu’on est plus devant un dérivé du latin cultura, car on aurait eu alors un L devant le T. Ce qui confirme les explications difficiles tentées hier sur l’étymologie du terme couturier, qui fut d’abord un dérivé de cultura avant d’être un dérivé du latin populaire consuture.

Le contrat d’apprentissage est payant, ce qui est le cas le plus général. La somme de 12 écus pour une durée totale d’un an, représente 36 livres, ce qui est une jolie somme pour cette fin de 16e siècle. Il ne s’agit donc pas d’un métier totalement pauvre, pourtant le maître, tailleur d’habits, ne sait pas signer. Jolie illustration que pour prendre des mesures et confectionner à la demande sur mesure, et compter pour s’en faire payer, il n’est pas nécessaire de savoir écrire.
L’épouse du maître semble travailler avec lui dans l’échope atelier, car elle aura aussi la possibilité de donner des ordres, or, jamais le contrat ne permet d’employer l’apprenti aux taches plus ménagères… et j’en conclue qu’il ne s’agit pas de ce type d’ordre….
Et comme j’aime vagabonder par l’esprit, j’en conclue que c’est un métier dans lequel la femme a rapidement compris qu’elle pouvait aider son mari (ou il a compris que sa femme pouvait l’aider), et on est alors passé à la féminisation du métier. A moins qu’auparavant le métier de l’épouse n’étant jamais donné, sauf pour la sage-femme, elle était déjà au travail de couture avec son époux, mais jamais mentionnée comme tel. Je me souviens qu’il n’y a pas si longtemps (quelques décennies au plus) le travail des épouses comptait pour rien… et elles devaient même remplir les papiers administratifs en remplissant la case PROFESSION par NEANT. Horreur administative qui comptait le travail des épouses pour du beurre… et leur retraite aussi…

Mon esprit vagabondant encore, j’imagine aisément que si le maître prend une fille en apprentissage, c’est qu’il a probablement un fils à caser… voir un proche parent, car on travaille le plus souvent en familles et réseaux de proches parents.
On peut aussi imaginer que la mère de la fille introduit celle-ci en vue de la marier à un tailleur d’habits… sinon, les contrats d’apprentissage de filles sont rares (à l’époque), on ne leur apprend pas de métier autre que ménager.

Comme je suppose que vous avez bien retranscrit, corrigé et lu l’acte, je sais qu’à la fin vous voyez même du latin intempestif… Rassurez vous, il s’agit des droits des femmes, et nous reviendrons dessus, car elles en avaient… Eh oui… pas beaucoup, mais tout de même un peu….

Alors à bientôt si vous le voulez bien. En attendant je vais tenter de dresser un récapitulatif des contrats d’apprentissage (j’en ai d’autres à venir).
Si vous en avez, soyez sympa, manifestez vous, je vous cite… et la base de données sera plus parlante. Merci d’avance.

A votre avis, combien d’années durait l’apprentissage d’un apothicaire ? Merci de répondre… même si vous n’avez pas la réponse, pour le jeu….

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Couture, couturier

Le patonyme couturier et le métier de couturier : des faux-amis.

Le dictionnaire étymologique des noms de famille de M.T. Morlet, nous donne clairement le double sens :

Couture (s) issu du lat. cultura, forme populaire de culture, désignait un champ labouré, une terre cultivée, aussi n. de ham. très fréquent : La Couture (Aisne. Allier, Calvados, Charentes, Dordogne). DÉR.: Couturas (avec le suff. augm. -as) ; Couturat (Champagne, Massif central) ; Couturaud, Couthuraud, Coutoureau (Ouest) ; formes flam. Coutereel, Coutreel, var. de Couture!, désigne le propriétaire de la couture, comme le dér. Couturier, cultivateur.

Couture, anc. fr. costure, action de coudre, var. Coudure (Ouest). Dér. : Cousturier, Couturier, tailleur, var. Coudurier, -ié (Ouest, S.0.), var, picarde Couturieux.

Donc, si c’est un nom de famille que vous voulez comprendre, il n’y a pas de solution, car elle est à double sens.


Pour les noms de lieu, l’abbaye de la Couture en région des Pays de Loire est une magnifique illustration du sens cultiver du lieu-dit.

Reste le métier, pour lequel j’ai un acte notarié de 1547 sur mon site, avec d’autres dictionnaires donnant au Moyen-âge le couturier cultivateur, puis à la Renaissance celui qui assemble des étoffes, remplacé dès le 18e siècle par la couturière.
Et je vous propose l’acte de 1547 en exercice de paléographie.

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