Les hommes du 84° RI : le sergent fourrier Sielon

Fourrier, est un grade militaire, généralement du rang de sous-officier, et attribué au chargé de l’intendance. Le terme vient de fourrage ; il existe aussi sergent fourrier voire caporal fourrier. Je suppose que le fourrage rappelle le temps où une armée était surtout équipée de chevaux.

photo Leglaive

Je suppose qu’en juillet 1917 le bataillon a eu un peu de répit, puisque de telles photos ont pu être prises. Voyez le carnet de guerre d’Edouard Guillouard, mon grand-père.
Cliquez et reqliquez cette photo et vous verrez ses yeux et son expression de très près, tant la qualité et la définition de ces photos est extraordinaire, et surtout rien de comparable avec la mauvaise qualité des photos que j’ai connues dans les années 1960 etc…  qui n’avaient aucune définition correcte et surtout aucune conservation.

Les hommes du 84° RI avaient une chapelle dans la tranchée de Gastineau, 1915

photo Leglaive

Cliquez pour zoomer, car cet autel comporte tout ce qu’il faut pour dire la messe, et si vous avez lu le carnet de guerre d’Edouard Guillouard, mon grand-père, vous savez qu’il allait à la messe. Et je suppose qu’à cette époque, et par ces temps difficiles, beaucoup de ces militaires y assistaient, même dans les tranchées, bien sûr, quand ils avaient le bonheur d’avoir un prêtre de passage, sinon, ils pouvaient se recueillir devant cet autel pour prier.
Bon dimanche à vous
Odile

Les hommes du 84° RI manient l’humour : voyez leur « muraille de Chine » en 1915

Cliquez sur le titre l’article pour accéder aux commentaires.

Mon grand-père Edouard Guillouard parle dans son carnet de guerre 14-18 de la muraille de Chine :
7-12.9 Relève dans la matinée, cantonnement de Bailleulval, travaux le soir du 7 à la muraille de Chine, convoqué par Dussert-Vidolet, le 7 vu Henri Cassin partant pour sa 1ère permission

Lorsque le 84° RI stationnait à Bailleulval et Bailleulmont, ils avaient une longue tranchée, et divers lieux annexes de soutien, et chaque petit coin était donc dénommé non sans humour. Vous allez en effet pouvoir juger de l’immensité et solidité de ce qu’ils avaient malicieusement dénommé « la muraille de Chine », en souvenir de ce que l’école leur avait enseigné, car beaucoup d’entre eux avaient au moins le brever élémentaire. Donc, voici la muraille de Chine à Gastineau en septembre 1915 :

Photo Leglaive

Eh oui ! la muraille de Chine est bien là, à gauche. Elle mesure manifestement près de 8 à 10 m de long, et n’offre surtout aucune défense, tout juste cache-t-elle quelques hommes.

Mais cet endroit était si important au 84° RI que la photo de Leglaive fut l’objet d’une carte postale et un siècle plus tardn je trouve dans le fonds de mon grand père Guillouard cette carte postale, qu’il était trop heureux d’envoyer à son épouse et ses 3 enfants à Nantes. Par contre je n’avais pas identifié le nom plein d’humour que les hommes du 84°RI donnaient à cet endroit : la muraille de Chine. C’est grâce à la légende ci-dessus, sous la photo de Leglaive que je peux dire que ce mur est la muraille de Chine.

Carte postale envoyée par Edouard Guillouard

et on trouve une telle carte postale aux Archives de la Vendée !

Archives Départementales de Vendée

et comme à cette époque on écrivait au verso des cartes postales, voici le détail du message :

Archives Départementales de Vendée

Voici la cote :
1 Num 1/133-9 –
Berles-au-Bois. – Maison Gastinaux.
Présentation du contenu :
Carte écrite le 22 octobre 1915. La maison, située près des tranchées, à été bombardée par la suite. Des soldats posent devant.
Importance matérielle / collation : 1 carte postale ancienne, noir et blanc
Modalités d’entrée :
Collecte 14-18. Prêt, 2013
Typologie documentaire : Carte postale
Contexte historique : 1914-1918
Lieu(x) : Pas-de-Calais
Matière : Guerre 1914-1918

Ce qui signifie que la famille d’un militaire du 84° RI Vendéen a déposé ce fonds aux Archives Départementales.
Je ne peux plus me déplacer et aller voir ce fonds en Vendée, aussi Vendéens soyez sympas, contactez-moi en cliquant sur le titre de cet article vous pouvez me dépose un commentaire. Merci d’avance

Le quartier Saint Jacques (Nantes) au front pendant la Grande Guerre 14-18

Je vous ai déjà mis beaucoup de documents sur la Grande Guerre 14-18 à travers le carnet de guerre de mon grand-père Edouard Guillouard.

Il demeurait quartier Saint Jacques à Nantes, avant de partir au front. Et manifestement il a pu échanger quelques lettres avec ses amis du quartier Saint Jacques, puisque l’un de ses descendants possédait la lettre qui suit, datée du 9 mai 1915 et signée « Gaston ».

Ce Gaston tutoie mon grand-père, donc il connaît assez bien mon grand-père et je suppose qu’il s’agit de Gaston Roy, mais les Roy possédaient tous plusieurs prénoms et il est difficile d’identifier lequel a écrit la lettre, sans doute celui qui est inhumé au cimetière Misericorde (Nantes) le 25 novembre 1937 âgé de 59 ans, donc contemporain de mon grand-père et probablement tous deux ont été élèves dans leur jeunesse de l’école chrétienne de la rue St Jacques pour garçon seulement (à l’époque, plus maintenant).

Gaston (que je suppose Gaston Roy) donne des nouvelles de plusieurs autres camarades du quartier Saint Jacques, entre autres Emile Marry le coiffeur, né à Vallet le 4 février 1879, et aussi contemporain de Gaston.  Tous les autres noms qu’il cite me sont plus ou moins connus, mais je n’ai pas plus de précisions, et j’offre volontiers ce document au Quartier Saint Jacques, dans l’espoir qu’ils pourront identifier tous ces militaires, et me faire signe.
Quand il parle de « la pipe », il s’agit d’Edouard Halbert, mon grand-père paternel. Mais il en cite plein d’autres…

Je vous mets d’abord ma frappe, suivie des 3 vues !

Moridon, le 9 mai 1915
Cher Edouard
J’ai ta bonne lettre du 14 avril, excuses moi si je n’ai pu te répondre plus vite. Beaucoup de lettres à écrire, lettres commerciales ainsi que celles à ma famille, beaux-frères etc… puis ai fait un entrainement très dur et fatiguant avec ces chaleurs estivales.
On parle fortement de nous expédier dans les environs de Terns ? afin d’y faire nos tris de guerre finis point de direction le front. Mon régiment est en ce moment du côté d’Ypres et donne beaucoup aussi le dépôt se vide de plus en plus.
Je viens d’écrire à l’ami Gobin qui est à Locmaria près Auray. Il se plaint que le pays est monotone mais je suis certain que tu voudrais à sa place. Il est sergent major. La pipe est à Savenay et il gueule comme un putois, il n’a plus le goût militaire, il est comme mort mais il faut se résigner et penser à nos héros cachés et inconnus qui souffrent sans plainte. Emile Marry a été exaucé, il est mieux et va retourner au dépôt. Henri Halbert est dans les environs du camp de Chalons. Paul Halbert est toujours à Lorient et il obtient surplus de permission. Etienne Chauvet est au camp de Coëtquidan et il est téléphoniste et va partir sous peu pour le front ainsi que Blanchard Lemoine son camarade de combat. Mes beaux frères : Marcel est toujours dans les tranchées avec le 65ème du côté de Mailly Mallet ; Henri est du côté de Verdun ainsi que l’ami Louis Martin ex-caissier chez Lefèvre-Utile. Pierre Chauvet est dans les tranchées ainsi qu’André qui n’a pas encore eu le baptême du feu mais l’attend. Ma petite famille est bien et je l’ai vue encore la semaine dernière. Mon frère a dû te dire que nous avons perdu notre cousin de la champignonnière qui nous avait vendu notre représentation et qui la dirigeait depuis mon départ. Il est mort subitement d’une hémorragie centrale âgé de 53 ans c’est terrible. J’ai dû aller réorganiser l’affaire avec ma belle-sœur, mon frère et 3 employés. J’espère que la clientèle sera conservée. C’est tout ce que nous demandons pour cette terrible année.
De temps en temps nous aussi faisons des petits gueuletons, c’est la seule distraction à Issoudun et quand on a bon appétit c’est une bonne distraction.
Il passe des trains en quantité ici, c’est une ligne directe de Paris et il y passe des troupes beaucoup ;
Si tu vois mon frère tu lui serreras la main pour moi ainsi qu’aux amis Poudat Auguste etc…
Je te remercie de ta carte photo et je t’envoie ma binette ainsi que celle de quelques poilus. Mon ami Haudreau de Nantes, pâtissier rue de l’échelle, est surmonté d’une croix sur la photo, les autres ne t’intéressent pas. Tu vois qu’il faut être belle femme pour être mignon dans cette tenue.
A bientôt et cordiale poignée de mains
Gaston

Armistice du 11 novembre 1918 : carnet de guerre d’Edouard Guillouard

Je republie ici un billet traitant du 11 novembre déjà paru ici.

Amis fidèles de ce blog, aujourd’hui je vous emmène dans ma famille, ce que je fais rarement, avouez-le. Je le fais au nom de toutes les victimes des guerres !

Ma famille a le bonheur d’avoir des matériaux sur la guerre 14-18 grâce à mon grand’père qui a fait les 4 années dans les tranchées. Son carnet de guerre, et ses très nombreuses photos, sont sur mon site.

Je conserve un très grand souvenir de la frappe de ce document, car, malgré tout ce qu’on avait dit, les détails les plus sordides m’avaient échappé :

    1. 1er sac de couchage

 

    1. 1er cape

 

    1ères bottes etc…

ces dates étaient tellement irréelles : elles attestent qu’ils sont restés des mois dans la boue et le froid avant qu’on ne fabrique tout cela ! Chaque fois que je tappais une telle information, je devais arrêter mon travail, pour aller me réconforter moi-même, tellement j’était ahurie !

Comme beaucoup de ces hommes, mon grand’père était père de 3 enfants, enfin, la 3e née en novembre 1914, ainsi signalée dans son carnet de guerre :
25.11 mercredi – J’apprends la naissance de Thérèse
Il s’agit de ma mère qui n’a connu son père qu’à 4 ans. Elle avait alors éprouvé quelques difficultés à identifier ce papa sorti de nulle part pour elle, un étranger. Il sut se faire aimer rapidement.

Nantes, 1914, Aimée Audineau et ses 3 enfants
Nantes, 1914, Aimée Audineau et ses 3 enfants

Les enfants pendant la guerre jouent à la guerre, probablement comme tous les enfants du monde. Ici, on voit aussi le fusil, le képi, et un cheval, comme papa :

Edouard Guillouard, 1916
Edouard Guillouard, 1916

en 14-18 l’armée est à cheval.


Deux ans plus tard, les enfants ont même le costume : la petite fille en infirmière !

A la fin de ces 4 années, Edouard, alors en Alsace, reviendra avec ce souvenir :

Babette, 1918 - Poupée plate, de bois, en trop bon état en 2008 pour avoir été autre chose qu'un bibelot du souvenir ! souvenir fort !
Babette, 1918 – Poupée plate, de bois, en trop bon état en 2008 pour avoir été autre chose qu’un bibelot du souvenir ! souvenir fort !

Les femmes, quant à elles, prient, lavent, s’occupent des enfants, et prennent le chemin des usines. Le journal de la belle-mère d’Edouard commence par

à la grâce de Dieu !
que nos chers disparus nous obtiennent force et résignation à accepter vaillamment ce qui arrive !

Oui, on prie, et on visite les cimetières, quasiement chaque jour. C’est à l’église que chaque dimanche (la radio n’existait pas encore !) du haut de la chaire, résonne sans cesse le nom des « Morts pour la France », dont le plus souvent la famille n’aura aucun corps à pleurer. Après de vaines recherches, seulement un plaque commémorative, pour se recueillir.

Mères, épouses, enfants, sont en proie aux questions : où, comment est-il mort ? Cloches et canons ponctuent lugubrement l’existence des vivants.

    1. Tout au long des routes sacrées,

 

    1. Où défilent des régiments,

 

    1. Douloureusement alignée,

 

    1. Dorment les tombes des vaillants !

Parfois un nom, souvent un casque,
Une couronne, ou quelques fleurs ;
Puis, sur le tout une fantasque
Croix d’une imprécise couleur,

Faite de pauvres bouts de planches,
Car partout il pousse des croix,
Et tel qui riait des dimanches,
En se battant de nouveau croit.

Poème de J. Bradane de Virard, paru dans le Courrier de Saint-Nazaire, le 14 août 1916.

Parfois un courrier, et quel courrier ! Celui-ci a bouleversé ma famille depuis 90 ans. Il est de la main de mon grand’père, au front, père de 3 enfants, à son frère son frère Adrien, inventeur, qui possède une usine à Nantes, et fabrique pour l’armée. Adrien n’a pas d’enfants, et est à l’arrière, tandis qu’Edouard qui en a 3 est au frond. La lettre témoigne d’une telle grandeur d’âme ! et pas une plainte !

Noël 1914 : lettre à Adrien,
Mon cher Adrien ma chère Gabrielle
Merci de votre postal que je reçois juste à temps pour joindre à ceux de mes camarades. Nous sommes gâtés, je n’avais jamais contenté autant de friandises.
Hier soir nous avons fait un vrai réveillon, et je n’ose pas vous en envoyer le menu. Si à la guerre il y a de fort mauvais moments, il faut bien se distraire un peu, malgré que nous ayons bien souvent lieu de nous faire du chagrin.
Hier il ne manquait rien pour se distraire car après le réveillon, nous avons assisté à une messe de minuit peu banale. Dans un ravin de chemin de fer à 12 m des boches, un abris de paille recouvre un autel, quelques branches de houx et 6 bougies dans de simples chandeliers. Un lieutenant d’artillerie, prêtre, dit la messe servie par deux soldats d’artillerie. Cette cérémonie est magnifique dans sa simplicité et son pittoresque. A un moment une forte voix chante un minuit chrétien dans cette obscurité, c’est émouvant et je conserverai longtemps le souvenir de cette nuit de Noël.
Que devenez-vous ? Louis m’écrit que vous êtes très peiné.
J’espère que Adrien obtiendra un nouveau sursis, et ne viendra pas voir les tranchées qui n’ont rien d’intéressant tant que les boches seront en France, mais qui m’ont encore appris la guerre. Je crois qu’Adrien, inventerait quelque chose de nouveau s’il y venait, mais, je me contente de faire des abris et installer des poëles, que nous n’allumons que la nuit pour ne pas être repérés.
J’en ai assez de cette vie de guerrier et nous ne voyons pas la fin venir, nous n’avons pas grande occupation, mais nous ne pouvons nous absenter de notre poste et malgré que nous n’ayons pas eu d’attaques heureusement, mais nous devons toujours être prêts à prendre les armes, et le plus dangereux et le moins agréable, c’est que jour et nuit nous avons toujours l’artillerie allemande qui, répondant à la notre, envoit des srapmells au petit bonheur. Gare à ceux qui les reçoivent et malgré qu’il y ai plus de trois mois qui nous en voyons éclater près de nous, on ne s’y habitue pas. C’est comme les balles, c’est toujours désagréable de les entendre siffler aux oreilles, surtout quant je suis aux tranchées de première ligne, dans ma compagnie. Nous n’avons pas eu trop de mal surtout depuis le 4 octobre, pas de mort pas de blessés sur les 250 hommes, espérons que la compagne se termine ainsi.
Je vous ai écrit voilà un mois une longue lettre, et je n’ai pas eu de réponse. Veuillez m’écrire longuement, vous me ferez plaisir. Et, si votre générosité vous le permet, vous pouvez m’adresser un autre postal. Je vais même vous en fixer le contenu (pour vous guider simplement). : un gâteau Lefèvre-Utile, quelques friandises, cigares et jambon ou un beau pâté de foie gras (pas autre chose).
Car je crois nos mauvais jours passés, et les camarades avec qui je me trouve aiment bien les bonnes choses. La plupart sont des messieurs de situation au dessus de la mienne, mais ce qui n’empêche pas que nous sommes tous très liés et de véritables amis, avec qui j’ai tout de même eu des jours de misère, que nous compensons quand nous le pouvons.
En attendant le jour heureux où il me sera possible de retourner vers Nantes, ce jour ne sera pas aussi agréable que nous l’aurions souhaité au départ, car notre pauvre Joseph manquera parmis nous. Sa disparition me fait beaucoup de peine. C’était un bien bon garçon, et un excellent frère, il n’a pas eu de veine, espérons qu’il ne m’en arrive pas autant, car il ne faut qu’un coup et comme je vous l’écris nous sommes souvent arrosés par la mitraille.
Je termine ma lettre en vous offrant mes bons vœux de bonne année, je vous encourage sérieusement à faire votre devoir de bons français en travaillant au repeuplement et je souhaite de bonnes affaires à Adrien, mais avec des sursis.
A vous lire, votre frère et beau-frère qui vous embrasse affectueusement, Edouard

Cette lettre, en ligne sur mon site depuis plusieurs années, a retenu l’attention d’un chercheur ! Et moi, je suis fière de ce grand’père et de cette magistrale grandeur d’âme !

A la mémoire de tous ceux qui ont eu à travers toutes les guerres une telle grandeur d’âme !
Voir le carnet de guerre d’Edouard Guillouard, illustré de nombreuses photos.

Hier, 10 novembre 2008, le groupe de travail présidé par l’historien André Kaspi concluait : « Les commémorations publiques et nationales sont trop nombreuses. » Et il préconisait de ne garder que trois dates au titre des célébrations nationales : « Le 11 Novembre pour commémorer les morts du passé et du présent, le 8 Mai pour rappeler la victoire sur le nazisme et la barbarie, le 14 Juillet qui exalte les valeurs de la Révolution française. »