La commanderie du Temple de Clisson avait juridiction au Loroux-Bottereau

tout comme dans un grand nombre d’autres paroisses, au total 40, selon l’abbé Guillotin de Corson.

Mes très nombreuses retranscriptions exhaustives d’actes des registres paroissiaux de Clisson d’une part, et du Loroux-Bottereau d’autre part, attestent un lien entre ces 2 paroisses. Certes qu’Antoine Forget se retrouve meunier au Loroux-Bottereau n’est pas exceptionnel, puisque tous les meunies étaient liés ou reliés entre eux, ne serait-ce que pour le maintien de la place et des compétences, mais je trouve ici un autre lien, c’est un dire un parrainage au Loroux-Bottereau du notaire de la commanderie du Temple, et bien entendu il s’agit de la commanderie du Temple de Clisson, c’est d’ailleurs grâce à ce relevé que je redécouvre le Temple de Clisson, que je croyais connaître :

Le Loroux-Bottereau

x 1677.07.12  « Jean Guibert fils de defunt Pierre Guibert et Julienne Guerneau, avec Marie Chevillard fille de defunt Jacques Chevillard et Jeanne Guillet, présents Mathurin Chesné, Me François Guibert notaire et procureur postulant de la commanderie du Temple – vue 17 »

enfin, l’acte ne dit pas où vivait ce GUIBERT, si c’était au Loroux ou à Clisson ?

 

Jacques du Bosc et Louise de Piffault ont vendu la métairie du Pré Clos à Saint Brice : 1649

à Jean Avril, qui demeure à Angers. Mais l’acte de vente n’a pas été passé à Angers, mais au Mans, et les acheteurs demeurent en Normandie ! Mieux, la vente n’a pas été payée en même temps que le contrat de vente, mais le vendeur, Normand, est venu à Angers encaissé la somme !!!

Je suis toujours très inquiète de lire qu’une telle somme pouvait être emportée en Normandie, sur une telle distance, compte tenu du volume et du poids des pièces d’or, et surtout des risques en chemin !!!

Je ne pense pas pourtant que le vendeur ait voulu placer à nouveau la somme en Anjou, car cette vente manifeste un désir, commun à tous les couples, de recentrer leurs biens immobiliers sur l’espace géographique où ils demeurent, et d’ailleurs on peut penser que la métairie du Pré Clos, près Sablé, était probablement un bien de madame, née Louise de Piffault, mais que si loin de la Normandie, il était plus difficile de gérer ce bien et suivre les baux.

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E6 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle)

Le 2 septembre 1649 avant midy par davant nous Claude Garnier notaire royal à Angers fut présent Jacques de Bosc écuyer Sr de la Granne demeurant au lieu de la Riviere à Saint Aubin de Barc pays de Normandie, lequel deuement soumis tant en son nom et comme procureur spécial de damoyselle Louise de Piffault son épouse par procuration attachée à la minute du contrat cy après déclaré et encores en vertu de la ratiffication faite par ladite Piffault dudit contrat  passé davant Couet et Postel tabellions royaux communs de la Vicomté de Beaumont le 31 juillet dernier, qu’il a présentement baillée au sieur Jehan Apvril sieur de Chandoyseau marchand demeurant audit Angers paroisse St Maurice, lequel sieur de la Garanne seul et pour le tout sans division de personne ne de biens a confessé avoir eu et receu présentement contant au veu de nous dudit sieur Aprvil la somme de 1 200 livres tz en louis d’or de francs pièces de 58 sols set autres monnaies le tout bon au poids et prix de l’ordonnance du roy, que ledit sieur Apvril debvoit audit sieurde Bosc esdits noms pour le prix du contrat de vendition par luy fait du lieu et mestairie domayne appartenantes et dépendances du Pré Clos situé paroisse de Saint Brice par contat passé par Me Pierre Salle notaire royal du Mans résidant à Sablé le 22 juillet dernier, de laquelle somme de 1 200 livres tz ledit sieur de la Garanne esdits noms s’est contenté et en a quitté et quitte ledit sieur Apvril présent et acceptant et a ledit sieur de la Garanne tant pour luy que pour ladite de Piffault son espouze eslu leur domicile irrévocable demeure de Me René Leliepvre sergent royal demeurant en ladite ville de Sablé pour y recepvoir tous exploits et actes de justice que ledit Apvril et ses hoirs auroient à faire et donner audit sieur de la Garanne à son espouze pour l’effet dudit contrat cy dessus circonstances et dépendances (f°2) qu’ils veullent valoir comme faits à leurs propres personnes ou domiciles naturels, et a ledit sieur de la Garanne pour l’effet dudit contrat et des présentes prorogé cour et juridiction davant messieurs les gens tenant le siège présidial d’Angers qu’il aprouve à juges naturels en ce regard nonobstant que ledit sieur et son espoiuze soient soubz le ressort et juridiciton du parlement de quoi il a volontiers desrogé et renonczé à toutes fins et à l’entretennement des présentes à peine de tous dommages et intérests ledit sieur de la Garanne s’est obligé esdits noms et en chacun d’iceux ung seul et pour le tout sans division de personne ne de biens … fait et passé audit Angers en notre tablier en présence de Urbain Bigot et Jehan Bourgeois clercs demeurant Angers tesmoings

Relévé exhaustif du registre paroissial de Notre Dame de Clisson : 1669-1739

… Le dépouillement d’un registre présente en lui-même un attrait analogue à celui du miracle de Lazare. L’acte de naissance de ces morts du XVIIIe siècle, qui n’ont même plus de tombes, les restitue partiellement à la vie…

… La grande histoire peut mépriser les humbles en elle anonymes, comme sont en nous anonymes les millions de globule de notre sang. Mais ni elle, ni la petite histoire, ni même le roman, quelles que soient les précisions et la couleur de son récit, ne peuvent donner ce caractère d’authenticité, ce parfum de fleur desséchée… Hervé BAZIN – Vipère au poing.

J’ai eu ce plaisir, et voyez plutôt en quelle quantité !!!

Après les registres de la paroisse de la Madeleine du Temple près Clisson,  de Saint Gilles près Clisson, et de St Jacques de Clisson, que je vous livrais il y a peu, voici celui de Notre Dame de Clisson, et ce sur les 50 premières années.

Il y a peu je vous livrais le dépouillement exhaustif des plus anciennes années de la paroisse de Saint Jacques de Clisson, années très abimées et lacunaires du fait des Guerres de Vendée.

Aujourd’hui je vous livre le dépouillement exhaustif de la suite, à savoir les années 1720 à 1739, de la paroisse de Notre Dame de Clisson. Clisson Notre Dame BMS 1719-1739

La paroisse est le centre du bourg, côté ouest, et surtout celle du château.
Je vous avais montré qu’il y avait beaucoup de paroisses à Clisson, et des cimetières très variés à Saint Jacques, Saint Gilles et La Madeleine, sans oublier la Trinité que je ferai plus tard. Mais la paroisse Notre Dame, trop petite et centrale n’avait aucun cimetière, ce qui signifie que ceux qui n’avaient pas les moyens d’être enterrés dans l’église étaient inhumés dans le cimetière de la paroisse toute voisine de Saint Gilles, et ils sont nombreux, d’ailleurs après la Révolution, c’est ce cimetière qui sera retenu, avec celui de la Trinité, par la commune.

Je viens de refaire ma page HTML (page de mon site en mode HTML) qui donne la liste et les liens de tous mes relevés gratuits, et j’ai été émue de revoir tant d’années après l’immensité de mon travail gratuit et bénévole, totalement libre d’accès sur mon site sans aucune adhésion, contrairement aux associations qui vendent et demandent une adhésion payante.

J’ai par contre, à cette occasion, fait le tour d’Internet, à la recherche des relevés gratuits, et j’ai été tristement stupéfaite de constater que la gratuité n’est pas de mise !!! et pourtant, rien de plus simple sur Internet !!!

Voir mes relevés gratuits, qui concernent l’Orne, la Mayenne, La Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire, et même les Côtes d’Armor.

ET VOICI MES RELEVES EXHAUSTIFS DE CLISSON

Clisson Mariages 1668-1749    

 Clisson Mariages 1750-1789

Clisson La Madeleine du Temple BMS 1668-1710

Clisson Saint Gilles BMS 1669-1728

Clisson la Trinité BMS 1668-1669

Clisson Notre Dame BMS 1669-1687  

Clisson Notre Dame BMS 1688-1719

Clisson Notre Dame BMS 1719-1739

Clisson Saint Jacques 1668-1717

La puanteur est devenue insoutenable fin octobre 1674 : église de Clisson la Trinité

Nos cimetières n’ont pas d’odeur, mais autrefois les églises avaient souvent l’odeur des cadavres. Certes nos ancêtres avaient un nez plus habitué que le nôtre aux odeurs fortes faute de propeté etc… mais en cette fin octobre 1674 l’église de la Trinité à Clisson (Loire-Atlantique aujourd’hui, mais Bretagne alors) est devenue irrespirable tant la puanteur est devenue insoutenable.

Que s’est-il donc passé ?

Peu auparavant le recteur décède, et arrive un nouveau prêtre aux idées manifestement plus généreuses, enfin plus égalitaires envers les pauvres. Bref, ce nouveau prêtre n’accepte pas l’idée de faire une différence entre ceux qui paient et ceux qui ne peuvent pas paier leur place à l’église pour y être inhumé.

Car autrefois, la croyance était qu’être inhumé plus près de Dieu était bon pour le repos de l’âme du défunt, et au plus près c’était dans l’église, parfois le cimetière autour de l’église, et on acceptait difficilement un cimetière non attenant à l’église.

Donc, ce nouveau recteur, tout enclin à ne pas faire de différence, admet tous les défunts dans l’église, d’ailleurs probablement sans leur faire paier cette place. Merveilleuse idée d’égalité !

Mais moins bonne idée pour l’odeur de l’église !

En effet, après un début sans trop d’inhumations car le registre atteste un rythme baptêmes/sépultures assez équilibré, brusquement les choses se dégradent en 1674. Le rythme des inhumations dans l’église s’accélère, et fin octobre, la puanteur est devenue insoutenable, même au nez moins délicat que le nôtre de nos ancêtres.

Bref, ce recteur, pour le moins sympathique quant à son application du principe d’égalité, doit se rendre à l’évidence : il ne peut plus inhumer dans l’église.

Alors, brusquement il change de règle, et applique désormais la vieille pratique de ses prédecesseurs, et de tous ses confrères, à savoir tous les pauvres inhumés hors l’église car la putréfaction dans l’église est trop importante.

Je rends ici hommage à ces Clissonnais dont le nez fut confronté en octobre 1674 à une telle puanteur dans l’église de la Trinité. Car, ces odeurs nous les avons oubliées, même si l’actualité nous rappelle que certains de nos concitoyens citadins ne se souviennent plus que la campagne a une odeur et entendent faire interdire cette odeur voire les bruits !!! au nom de quoi ? Je salue ici tous les agriculteurs actuels, car ils ont encore un nez : je les remercie d’exister et je les comprends.

 

Les 7 occupants du pavillon du cimetière Saint Jacques : Nantes 1851

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Dans quelques jours la Toussaint, et nous fleurissons déjà nos tombes, nous visitons déjà les cimetières.

La ville de Nantes, propriétaire des cimetières municipaux, avait fait construire dans les années 1840 ce qu’elle appelait un PAVILLON à l’entrée du cimetière Saint Jacques, afin d’y loger celui qu’elle appelait le PORTIER. Ce pavillon existe toujours, composé de 2 pièces, l’une ouvrant sur l’entrée, servant de bureau pour consulter de nos jours le garde, quand il est là. Je vous propose d’abord de bien comprendre le terme PAVILLON, car dans les recensements il est RARISSIME et semble bien spécifique à l’entrée du cimetière, et dans tous les cas de petite maison et/ou maison basse, elles sont appelées MAISON. Bref, on ne s’attend pas à ce que le PAVILLON soit habité.

PAVILLON Le Dictionnaire de l’Académie française. Sixième Édition. T.2 [ 1835 ] en Architecture, Corps de bâtiment ordinairement carré, appelé ainsi, à cause de la ressemblance de sa forme avec celle des pavillons d’ armée. Sa maison ne consiste qu’ en un pavillon. Il a bâti un pavillon au bout de son jardin. Un corps de logis entre deux pavillons. Un corps de logis ayant un pavillon au milieu. Gros pavillon

On comprend ici que le pavillon n’est pas tout à fait une maison. Pourtant au cimetière Saint Jacques à Nantes en 1851, c’est le logement du portier.

La rue qui voisine le cimetière, appelée alors ROUTE DE CLISSON, possède quelques maisons mais surtout des jardins, et les maisons sont habitées par une famille par pièce. Vous avez bien lu, autrefois, et encore quelques décennies, on vivait UNE FAMILLE PAR PIECE. Et bien sûr, pour l’hygiène, une pompe et des aisances dans le jardin.

Revenons au pavilon du cimetière Saint Jacques. Il sert donc de logement au PORTIER, mais le portier ne vit pas seul, c’est le moins qu’on puisse dire car il a femme, 5 enfants, et même une tante, soit en tout 8 personnes dans ce pavillon, certes de 2 pièces, dont l’une ouverte au public, dans laquelle il y a certainement une table/bureau et une petite armoire pour le/les registres d’entée, car c’est le premier rôle du portier. Je suppose que les lits étaient dans la pièces arrière et qu’on dormait plusieurs par lit.

Voici donc ce portier et sa famille, logés dans le pavillon de la ville de Nantes, au cimetière Saint Jacques.

pavillon, 2 pièces RDC MESNARD Joseph portier 52 m Mouzillon
BARRÉ Marie sa femme 49 m Thiere
MESNARD Joseph enfant 18 c Haie Fouassière
MESNARD Augustine enfant 15 c Haie Fouassière
MESNARD Louise enfant 13 c Nantes
MESNARD Louis enfant 9 c Nantes
MESNARD Adèle enfant 5 c Nantes
GUITTON Françoise tante 76 c

m pour marié, c pour célibataire, et à droite c’est le lieu de naissance, vous l’aviez deviné. Donc le portier vient de Mouzillon, car à l’époque on arrive nombreux sur Nantes. Et voici la preuve et source, c’est à dire les Archives Municipales de Nantes (mes copies d’écran vous prouvent toute la source et ces documents donnent même à gauche le nom du propriétaire, ici bien entendu LA VILLE) :

Je suis certaine que si vous entrez dans ce cimetière, vous vous souviendrez de cette famille, logée ainsi. Bonnes fêtes de Toussaint à vous et fleurissez bien.

 

 

Jeanne de Belleville : l’immense poëme épique d’Emile Péhant, 1868

Voici le début de cet immense poëme, sous forme de chanson de geste. Olivier de Clisson est au loin et son épouse demeure avec ses jeunes fils au château de Clisson, enfin, selon le poëme d’Emile Péhant. 

PREMIÈRE PARTIE

L’ATTENTE

– LE DONJON DE CLISSON[1]

Une femme, un enfant sont seuls dans le donjon,
D’où le regard découvre un immense horizon.

La femme, l’œil humide et la joue amaigrie,
Brode d’un doigt distrait une tapisserie,
Où, comme en un tableau, revivent les exploits
Du glorieux époux dont son cœur a fait choix.
L’enfant, épanoui dans le bonheur de vivre,
Feuillette, en souriant, le vélin d’un gros livre,
Où la couleur et l’or, artistement mêlés,
Font flotter dans l’azur de beaux anges ailés.

Mais l’enfant rose et blond fait semblant de sourire ;
Épiant en secret sa mère qui soupire,
Son oblique regard suit ses émotions.

Soudain, levant des yeux tout pleins de questions :
— « Vous avez renvoyé, dit-il, mes gouvernantes
Et je surprends toujours votre œil tourné vers Nantes. »

-« J’ai besoin d’être seule, enfant, pour qu’à mes pleurs,
Nul ne devine ici mes secrètes douleurs. »
-« Mère, pourquoi pleurer ? Vous êtes châtelaine,
Bien riche, bien puissante, et notre cour est pleine
De soldats, dont les bras sauraient nous protéger,
Si les Montfort osaient jamais nous assiéger.
Voyez comme les murs sont épais et solides[2]. »
-« Oui, ce chastel est fort et nos gens intrépides :
C’est une âme robuste en un corps vigoureux ;
Le péril, quel qu’il soit, n’a pas d’effroi pour eux.
Votre peur, Olivier, n’est donc qu’une chimère. »
-« Ma peur ! Je n’ai jamais connu la peur, ma mère.
Chaque fois que j’entends des récits de combats,
Je tressaille et voudrais me mêler aux soldats,
Pour essayer un peu comment coupe la hache
Que je tiens de mon père. Oh ! je ne suis pas lâche ! »
-« Votre père !. Olivier, vous tenez trop de lui :
En parlant de combats, votre regard a lui.
Oh ! je ne voudrais pas éteindre en ta jeune âme,
Cher fils, l’ardent foyer dont j’admire la flamme ;
Mais se battre toujours! Mais n’aimer que le sang!
Si grand que soit le cœur, reste-t-il innocent ?
Ah ! quand donc verrons-nous la paix enfin renaître ? »

Et la femme, en pleurant, penchée à la fenêtre,
Fouillait de son regard le lointain horizon ;
Mais rien que la poussière ou l’aride gazon,
Un brouillard lumineux, aussi vague qu’un songe,
Et le chemin désert, qui tourne et qui s’allonge.

Si sur ce tableau vide ainsi son œil se tend,
Qu’est-ce donc, ô mon Dieu ! que cette femme attend ?

-« Vous ne m’avez pas dit, mère, pourquoi vos larmes ;
Car vous n’avez pas peur, n’est-ce pas ? de nos armes.
Quand mon père, entouré de ses soldats nombreux,
Couverts de fer, souvent tout noirs ou tout poudreux,
Apparaissait là-bas sur la route de Nantes,
Sans vous inquiéter de vos robes traînantes,
Vous descendiez en hâte et, le pont abaissé,
Au-devant des soldats marchant d’un pas pressé,
Vous passiez au travers de leurs rangs, sans rien craindre,
Et, d’ici, je voyais mon père vous étreindre. »

-« Tu ne sais pas le mal que tu me fais.
Tais-toi, Tais-toi, cher Olivier. » — « Oh! dites-moi pourquoi,
Mère, vous pleurez tant, et je saurai me taire. »
-« Pour toi, fils bien-aimé, je n’ai pas de mystère.
Mais me comprendras-tu ?. Je pleure sans raison. »
Et la femme toujours regardait l’horizon.

-« Mère, vous me cachez sans doute quelque chose.
Vous savez que jamais on ne pleure sans cause ;
Moi, quand je vais pleurer dans un coin, tout boudeur,
C’est quelque gros chagrin qui m’oppresse le cœur…
Et vous en avez un ! vous avez beau sourire.
Oh ! je t’embrasserai, si tu veux me le dire ! »

La mère l’embrassa cent fois et puis cent fois ;
Et son cœur débordait dans ses yeux, dans sa voix,
Pendant que, sur son sein pressant la tête blonde,
Elle accablait son fils des plus doux noms du monde.
Se faisant un remords de l’avoir tourmenté,
Sa douleur sembla fuir devant sa volonté :
L’enfant vit sur son front la gaîté reparaître ;
Mais un dernier regard consulta la fenêtre.

-« Mes chagrins, Olivier, n’étaient que de l’ennui ;
Ta voix les a chassés; je veux rire aujourd’hui.
Pour te remercier, je vais te dire un conte
De quelque méchant ogre ou de quelque beau comte. »

-« Pas de contes! Oh! non, vois-tu, je n’y crois pas ;

J’aime bien mieux du vrai ! Parle-moi de soldats.
Quand sous les grands ormeaux, le soir, je t’accompagne,
Tu m’as souvent promis la guerre de Bretagne ;
Ou bien, si ce sujet t’arrache encor des pleurs,
Car tu dis que de là viennent tous tes malheurs,
Parle-moi de ces preux qui, la croix à leur lance[3],
Ont pour le saint Tombeau fait assaut de vaillance ;
On y vit, n’est-ce pas, des sires de Clisson ? »

Un humide regard plana sur l’horizon.

-« Vous êtes, mon enfant, issu de noble race :
Vos aïeux dans l’histoire ont tous laissé leur trace ;
Mais si je vous disais ce qu’ont fait vos aïeux,
Oh ! n’allez pas lever un front trop orgueilleux :
L’orgueil est un péché. » — « Je le sais bien, ma mère ;
Je ferai, si je peux, mieux qu’eux… sauf à me taire. »

Je ne sais si l’orgueil est toujours interdit,
Mais, si c’est un péché, la mère le commit ;
Car, perçant l’avenir, déjà son espérance
Courbe aux pieds de son fils la Bretagne et la France.

[1] Jeanne de Belleville attendait son mari, non pas à Clisson, mais dans le château de Saint-Yves, près d’Hennebont. P. LEVOT, Biogr. bret., I, page 36o.

[2] « On donna aux murs du château de Clisson seize pieds d’épaisseur, en les établissant sur une base en roches de granit. » – LA FONTENELLE DE VAUDORÉ, Hist. d’Olivier de Clisson, I, 290.

[3] Sur les banderoles des lances des Croisés et sur les croix qui y étaient peintes, voir MONTFAUCON, Monwn. de la monarchie franc., I, 384 et suiv., et MICHAUD, Hist. des Crois., I, 110.