L’importante ardoise à la boulangerie Audineau, Clisson 1851

Introduction

L’ardoise était autrefois le paiement différé, soit à la semaine, soit au mois chez les commerçants. Il était très pratiqué. Les grandes surfaces l’ont supprimé et on y paye comptant. Mais je me souviens de ma jeunesse, aînée de 6, je me levais chaque matin une demie heure avant les autres et j’allais à l’épicerie proche que le laitier et le boulanger livraient chaque matin aux aurores, et je rapportais le bidon de 5 l de lait plein, et le pain de 4 livres. Je ne payais pas, mais l’épicière tenait un cahier où elle notait, et chaque semaine maman allait à l’épicerie régler la semaine. C’était la même chose chez le boucher etc… Cela évitait aussi au commerçant de perdre un temps fou avec les petites pièces à chaque paiement, et cela n’était pas considéré comme du crédit, c’était tout bonnement la façon de faire, bien sûr pour tous les clients habituels. Il paraît qu’elle existe encore un peu… mais certainement devenue extrêmement rare ! Je pense même que la majorité des Français d’aujourd’hui ignorent l’existence de cette pratique d’autrefois.
L’ardoise tient son nom de ce qu’autrefois, c’est sur une ardoise qu’on notait les sommes dues.

l’ardoise à la boulangerie Audineau en 1851

En 1851, au décès de François Audineau, boulanger porte Palzaise à Clisson, l’inventaire après décès est dressé. Le mobilier, linge, et tous les ustenciles de la boulangerie se montent à 6 941,5 F
Et dans les passifs, l’ardoise de la boulangerie se monte à 3 066 F ce qui est énorme, et pourtant il y a dans l’actif des pièces de monnaie de billon pour 74 F, ce qui montre que certains payaient comptant leur pain avec des petites pièces de monnaie. La monnaie de billon a existé jusqu’au milieu du 19ème siècle, précisément donc du temps de la boulangerie Audineau. Le billon était le métal utilisé pour ces pièces de monnaie, et il était composé de cuivre, zinc et argent. On l’a surtout remplacé par un métal moins couteux, car l’argent qui entrait dans ces pièces de monnaie devait être remplacé par autre métal moins onéreux.
Donc, à la boulangerie Audineau, beaucoup de clients avaient une ardoise certainement élevée et plus que celle d’une semaine !

Les hardes du défunt serviront à l’usage des enfants, Beauchêne (61) 1744

Julien Chesnais voiturier à Beauchêne meurt à 35 ans laissant 3 enfants de 7, 6 et 1 an à Marie Maloisel sa veuve. Je tiens beaucoup à l’inventaire fait après son décès, car il est frère de mon ancêtre Gilles Chesnais, également décédé jeune et même métier, même village, donc je peux comprendre comment vivait Gilles Chesnais à travers cet inventaire de son frère. Je vais revenir très longuement sur cet inventaire car il retrace son mode de vie, mais ce jour je reviens sur la comptine de Gilles Vrigneault chantée par Catherine Sauvage au célèbre refrain « Quand mon grand papa mourera j’aurai sa vielle culotte … »

Car voici ce qui concerne les vêtements du défunt extait de l’inventaire du jeudi 22 octobre 1744 AD61-4E80/620 Devant notaire à Tinchebray

« Les hardes et habits dudit defunt consistant en un vieil justaucorps de finette de Saint Lo, une veste de pinchinal, une autre veste de tiretaine, 2 vieilles paires de culotte l’une de cuir, l’autre de tiretaire, une paire de bas de laine blanche, une paire de guestres de courtil, une paire de souliers, une paire de sabots, un chapeau, un bonnet, un vieil manteau de camelot, le tout estimé par lesdits parents à la somme de 12 livres à condition que lesdits habits seront employés à l’usage des enfants. »

Les estimations dans cet inventaire sont faites par des parents et non par personnes agréées désignées, mais c’est signe qu’ils s’entendent bien. Donc, ces parents laissent les hardes à la veuve mais elle n’a pas le droit de les vendre, et doit en faire usage pour ses enfants.
J’ai personnellement connu d’incroyables récupérations de vêtements, et même il n’y a pas si longtemps que cela. Ainsi l’une de mes tantes, célibataire, a vécu en retaillant les vêtements de sa défunte mère, et lorsque j’allais la visiter, je voyais la jupe taillée en fait dans le manteau de ma grand mère etc… Nous vivons une époque où j’entends à la télé que tout le monde change de tout presque tous les jours et on change de vêtement tout le temps… alors cette comptine me revient souvent Je suis cependant admirative que cette veuve ait pu récupérer des vêtements dits « vieux », et pourtant je sais que ces tissus d’autrefois étaient bien plus solides que ce que l’on porte de nos jours, et j’ose même ajouter « plus chauds » car le drap de laine d’autrefois était chaud. Pourtant j’ai parfois eu la chance d’acheter solide et  je porte encore parfois l’une des mes jupes qui a plus de 40 ans. Je dois cependant être un cas rare en France.

Inventaire après le décès de Perrine Menard épouse de Jacques Lemesle, La Haute Folie 1721

Je descends de ce couple, donc aussi bien des LEMESLE que des MENARD et j’avais déjà beaucoup sur eux, mais j’ai encore quelques actes non retranscrits les concernant, et je compte bien tout compléter. Ils sont fermiers de la Haute Folie donc ils y demeurent pour la gérer comme le font la majorité des marchands fermiers gérant une terre. J’aime beaucoup faire les inventaires après décès car on entre pleinement dans la vie de nos ancêtres, et j’aime comprendre leur évolution sociale, ainsi par exemple ils ont des napes, des serviettes, des bagues en or, donc ils sont de véritables petits bourgeois, et pour mémoire Jacques Lemesle sait signer, ce qui est aussi un signe de petite bourgeoisie de province. En outre, l’acte donne aussi les titres, et je constate quelques acquêts de pièces de terre. Vous avez un peu de vocabulaire des inventaires sur mon site ainsi que quelques inventaires que j’ai retranscrits.

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E12 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

« Le 1er février 1721,  Inventaire fait à la Haute Folie des meubles et effets restés après décès de Perrine Menard femme de h.h. Jacques Lemesle, appartenant pour 1/2 audit Lemesle et pour l’autre 1/2 à Jacques Lemesle mineur âgé de 15 ans, et à Pierre Lemesle aussi âgé de 12 ans, ledit Lemesle père héritier usufruitier de Perrine Lemesle décédée depuis le décès de ladite Perrine Menard, ce fait à la requête de h.h. François Menard ayeul maternel desdits mineurs, h.h. François Menard marchand demeurant à la Gogandière paroisse de Marans, oncle maternel des mineurs, et Jacques Menard aussi demeurant à Marans oncle maternel desdits mineurs du costé maternel, pour laquelle estimation faire ont respectivement convenu, savoir ledit Lemesle de Jean Allard métayer à la Sablonnière paroisse du Lion d’Angers et lesdits Menard pour lesdits mineurs de Jean Rochepault métayer à Souvenil ? paroisse du Lion d’Angers, et y ont vacqué en leur honneur et conscience, comme cy après s’ensuit, en présence de nous Jacques Bodere notaire royal d’Anjou résidant à Montreuil sur maine. Item un charlit de noyer garni d’une paillasse une couette un traverslit 2 oreillers de plume d’oie ensouillés de couety, un lodier de toile garni de réparon, une (f°2) couverture de melinge, le tout aussi de pareille étoffe estimés ensemble 40 livres – Item un autre bois de lit, aussi garni d’une paillasse, une couette, un traverslit de plume d’oie, un lodier, une mante de mélinge blanc, un demi tour de lit de petit mélinge brun, estimés le tout ensemble 36 livres – Item un bois de couchette garni d’une couette de plume mitlie ? ensouillé de toile, un traverslit de pareille qualité, une couverte de toile estimés ensemble 20 livres – Item une cramaillère, un gril, une broche à rostir, une pelle de feu, une marmite de potin, une cuiller de pot de fer estimés ensemble 3 livres 10 sols – Item une table de noyer, une hayette[1], 2 bancelles estimés 10 livres – Item une paire d’armoires de noyer fermant à 2 battants, avec sa serrure 40 livres – Item 2 coffres de noyer fermant de clef 20 livres – Une huge de chêne et poirier 8 livres – Item une chaise de bois gauchée 1 livres – Item 20 livres de vaisselle d’étain tant creuse que platte estimées 20 sols la livre soit 25 livres – Item 3 poilles chaudières 4 chaudrons moyens, 3 poillons, un écumoire, un rond à dreller, une lampe, un chandelier, le tout d’airain 90 livres – Item un saloir et ce qu’il y a de salé dedans y compris ce qu’il y a de saing 30 livres – Item 2 sas à sasser farine, un rouet à filer, un travoueil et fuseaux de main et de rouet, une baratte, une gide de bois estimés ensemble 10 livres – Item 24 draps de toile de brin et réparon, et étoupe et réparon, estimés 48 livres – Item 8 napes de toile de brin, et brin et réparon, estimés 10 livres – Item 18 serviettes de toile de brin 9 livres – Item 6 essuie mains de toile de loupe 1 livre 10 sols – Item 2 bagues d’or 10 livres – (f°4) Item ce qu’il y a d’habits et linge à usage de ladite défunte Menard 40 livres – Item ce qu’il y a de thil ? de noyer 12 livres – Item un cheval poil brun âge inconnu avec sa selle et bride 55 livres – Item une vache poil rouge 25 livres – Item 2 autres vaches et une thore dont moitié appartient au sieur Jacques Lemelle l’aîné, l’autre moitié audit Lemesle et ses mineurs 35 livres – Item 17 milliers d’angues ? de bled seigle et fourmond 100 livres – Item 5 journaulx de terre ensemancée à présent 50 livres – Une pille (sic, surement pour pipe) de cidre et une busse de vin moitié pleine 30 livres – Item 2 crochets à pécher 4 livres – Item 60 livres de fils fin 120 livres (f°5) Item 40 livres de fils de brin et réparaon blanchi et écru 30 livres – Item 46 livres de poupée que ledit Lemesle a déclaré avoir donné à des fileuses 40 livres – Item un cent de lin en bisaque 30 livres – Item une pelle à bécher, 2 tanches une fourchée l’autre plate, une fourche un crocq une vouge un brocs un hachereau une hache une serpe 7 livres – Item 2 seilles un godet 1 livre – Qui sont tous les meubles et effets trouvés en ladite maison de Haute Folie dépendant de la succession desdits Lemelle et de ladite Menard – Suivent les effets trouvés en la maison du Pillory située au bourg de Chanteussé dépendant de la ferme que tient ledit (f°6) Lemelle appartenant à monsieur Gillot de Boutigné, une fourniture de bled seigle mesure d’Angers 200 livres – Item 4 septiers de bled noir 30 livres – Item 3 busses de vin blanc et la busse 36 livres – Item 60 livres de chanvre et torchon 12 livres – Item estimation des bestiaux des lieus de Chanteussé le Frogery et dudit Pillory dépendants de ladite ferme 1 200 livres dont ledit Lemelle a charge de 1 150 livres et le colon fondé de moitié de 50 livres soit 25 livres – Suivent les dettes actives de ladite communauté – Est dû audit sieur Lemesle par différents marchands de Laval et environs 200 livres – (f°7) Item lui est dû sur son rôle comme collecteur de la taille de la paroisse de Montreuil de l’année 1719 la somme de 200 livres – Item lui est dû par Pierre Lemesle son frère 200 livres – Item ledit Lemesle a déclaré avoir d’argent monnais 129 livres – Suivent les dettes passives de ladite communauté : est dû audit sieur de Boutigné 400 livres pour restes de ferme échue à la Toussaint dernière 400 livres – Item la somme de 100 livres à différents particuliers – Qui sont tous les meubles et effets mobiliers trouvés dépendant de ladite communauté lesquels se sont trouvés monter à 1 500 livres (f°8) moitié de laquelle somme appartient auxdits mineurs … (f°9) … Suivent les titres et papiers trouvés en ladite maison de la Haute Folie dépendant de ladite communauté : Copie du contrat de mariage d’entre ledit sieur Lemesle et ladite Menard de 1704 par lequel ledit François Menard a donné en avancement de droit successif à sadite fille 100 livres, passé devant Bodere notaire royal audit Montreuil – Contrat d’acquêt fait par lesdits Lemesle et Menard d’un pré appelé la Milletière en la paroisse du Lion de Jacques Marion et Anne Pifeteau sa femme pour 320 livres le 7 mars 1714 – Contrat d’acquêt fait par ledit sieur de la Milletière d’une portion de terre contenant environ 3 boisselées aux Ripelières paroisse du Lion pour 200 livres passé devant nous notaire le 7 août 1714 – (f°10) Contrat de constitution au profit dudit Lemesle sur Pierre Lemelle son frère de la somme de 200 livres passé devant Durant et Maugrain notaires royaux Lion d’Angers le 13 novembre 1715 – Contrat d’acquêt fait par ledit Lemesle des sieurs François et Vincent Vienne du Lion d’une portion de terre contenant 2 boisselées située en la grande pièce proche la Haute Folie pour 40 livres passé devant René Durant notaire royal au Lion d’Angers le 14 août 1717 – Item acte fait entre ledit sieur Lemesle établi, Jacques Lemesle son père, Pierre Lemesle et Mathurin Verdon, par lequel apert que ledit Verdon a vendu son droit d’usufruit comme héritier de ses enfants et de Jeanne Lemesle vivant sa femme pour la somme de 450 livres passé par devant nous notaire le 22 mars 1718 – Item contrat d’acquêt fait par ledit Lemesle de Claude Fourmond, Michelle (f°11) Vieron sa femme, de Julien, Michel Burgevin et Marie Ollivier sa femme héritiers en partie de Jacques Ollivier et Charlotte Piquantin d’un cloteau de terre appelé Chauvon paroisse du Lion d’Angers pour 100 livres passé par René Durant notaire le 14 octobre 1718 – Qui sont tous les meubles titres et enseignements trouvés en ladite maison …Fait et passé audit lieu de la Haute Folie en présence desdites parties et encore de h. h. Pierre Ollivier marchand, Jean Aubert menuisier demeurants audit Montreuil tesmoins, le 1er février 1721 »

[1] Petite bêche qui sert à biner l’intérieur des haies pour les nettoyer (M. Lachiver, Dictionnaire du monde rural, 1997)

Suzanne Lepron veuve Bodard, mon ancêtre, va mourir, et s’inquiète de son fils infirme et de l’entente entre ses enfants, La Chapelle sur Oudon 1708

Je poursuis mon travail sur les Bodard car j’en ai dans mes ascendants. Suzanne Lespron est l’une de mes « grands mères » très chéries, car vous allez voir qu’elle s’occupe, très inquiète, de son fils infirme après sa mort, et met tout en oeuvre pour qu’il ne soit pas oublié, et j’ai trouvé il y a 20 ans tant d’actes de Suzanne Lespron, que je reviens dessus.

Donc, beaucoup d’actes la concerne en particulier entre 1708 et 1711. Ici, je vous mets un inventaire fait par elle des meubles qu’elle possède, mais le plus étonnant, et même très étonnant, c’est qu’elle est dit « vivant chez son gendre Juteau et non chez elle », or, vous allez voir qu’elle a autant de meubles que s’il était dans une maison à elle, avec tout un tas d’instruments de cuisine, d’artisanat, etc… et tout son stoc de fil, etc… et même des fûts. Or, dans les innombrables inventaires que j’ai dépouillés, les veuves ou veufs, en fin de vie, vivant chez l’un de leurs enfants, ne possédaient plus que leur lit car ils avaient déjà tout donné de leur vivant à leurs enfants. Donc l’acte qui suit mérite qu’on s’y intéresse, car il sort beaucoup de l’ordinaire.

Cet acte est important pour moi, car c’est la première génération qui sait signer, enfin seuls les hommes, mais c’est déjà un progrès, et on doit sans doute ce progrès précisément à Suzanne Lespron leur mère.

Acte des Archives du Maine-et-Loire 5E32 – Voici ma retranscription rapide mais efficace  :
« Le 11 septembre 1708 avant midy, par devant nous Claude Bouvet notaire royal résidant à Segré, fut présente en sa personne, establie et duement soumise h. personne Suzanne Lepron veuve de deffunt Jean Bodard vivant maréchal en œuvres blanches demeurant au village de Vrezée à La Chapelle-sur-Oudon, détenue au lit malade mais par la grâce de Dieu saine d’esprit et de mémoire et d’entendement, laquelle craignant qu’après sa mort ses enfants vinssent du différent entre eux à cause des meubles qui sont en la maison de Jacques Justeau maréchal en œuvres blanches son gendre où elle est détenue malade, pour y obvier elle déclare avoir les meubles qui suivent :
Un lit garni où elle est à présent gisante dont le demi-tour est de tiretaine garni de frange et frangette de soie, une couverture blanche plus que demie usée, une couette, un traverslit, et un oreiller le tout ensouillé de couetty, paillasse et charlit
Une paire de presses de bois de pommier fermante à deux fenêtres, et de clef, (presses ou paire de presses : de la Bretagne à la Normandie, espèce d’armoire basse à 2 vantaux, généralement dépourvue de tablettes, mais qui comprend 2 tiroirs à la partie supérieure. On y met des vêtements)
Un bois de couchette couette et paillasse
Un traverslit de peu de valeur,
Une table ronde de bois de noyer,
Un charlit de bois de noyer (noier), une couette ensouillée de couetty et un traverslit ensouillé de toille,
Une poisle à frire, un grand poislon, et une passette d’airain, un rond aussi d’airain, une marmitte de fer avec son couvercle d’airain, deux petits chaudrons percés, et un autre petit chaudron, le tout de cuivre,
2 petits chenets, une crémaillère (cramaillère), une broche à rostir, le tout de fer,
Un vieil cabinet,
Une vieille huche,
2 lampes et deux chandeliers de potin, l’une desquelles lampes est raccommodée de fer,
19 livres d’étain, tant creux (f2) que plat,
8 draps de toille de brin et reparon, dont 2 usés, 14 chemises à l’usage de ladite établie, desquelles il y a 9 presque neuves, et les autres plus demi-usées,
3 nappes de brin, une demi-douzaine d’essuis mains,
3 souilles d’oreillers, et 4 serviettes,
16,5 livres de laine filée laquelle laine ladite établie déclare employer à faire faire de l’étoffe estamine,
Un autre bois de couchette garnie d’une couette, 1 traverslit, un méchant lodier et paillasse qu’elle désire relaisser à Pierre Bodard son fils, qui y est gisant infirme,
6 chaises de bois foncées de jonc desquelles il y une de bois de chêne,
2 futs de pippe de peu de valeur,
1 fut de busse et quart de pippe, 1 rouet à filer, 1 saloire (salouer) un vand à vanner, 1 crochet de fer, à bécher, le tout qu’elle veut être partager entre sesdits enfants après son décès, ce que ledit Jousteau et Suzanne Bodard sa femme ont reconnu devant nous avoir vu en ladite maison, voulant au surplus ladite Lespron que son testament passé devant †Me René Guyon notaire royal audit Segré le 27.11.1703 soit exécuté selon sa forme … Laquelle exhorte sesdits enfants de discuter leurs droits dépendant (f°3) des biens qu’elle leur relaisse le plus pacifiquement que faire se pourra. Fait et passé au village de Vrezée maison dudit Jousteau en présence de François Bodard marchand et de Jean Bodard maréchal en œuvres blanches enfants et gendre de ladite établie, et encore de François Bodard Me cordonnier et Louis Bigot tailleur d’habits à Segré témoins. Lesdits Lespron et Jean Bodard et Jureau et femme ont déclaré ne savoir signer. – Et à l’égard du louage de la chambre qu’elle occupe chez ledit Justeau et femme, ils ont convenu entre eux et ladite Lespron s’oblige leur payer de louage par chacun an 4 L, et entretiendra ladite chambre bien carrelée »

Inventaire des meubles et effets de la communauté de biens de François Bodard et défunte Louise Forest, Le Bourg-d’Iré 1730

J’aime beaucoup faire ces inventaires, car je vis totalement dans leur univers, en empathie avec eux. J’ai fait beaucoup tant sur mon site que sur mon blog, pour mon site cliquez sur ce lien et j’y ai mis un dictionnaire des termes utilisés, et pour mon blog, chercher les INVENTAIRES dans les CATEGORIES ci-dessus.

J’ai des Bodard dans mes ascendants, mais pas ces Bodard du Bourg-d’Iré, mais vous pouvez tous les voir sur mon étude des familles de ce nom. Il y a plusieurs familles telles que celles ci-dessous, car le métier « couvreur d’ardoise » devait se transmettre en famille et leur est commun.

Le couvreur d’ardoise François Bodard, qui suit, ne sait pas signer, a beaucoup de dettes car 136 livres de dettes c’est beaucoup pour un petit artisan, d’autant que ses biens sont à peine supérieurs. Sa femme vient de mourir mais jeune et je suis très surprise de découvrir beaucoup de meubles et effets « mi usés », donc ils n’ont pas eu tout neuf quand ils se sont mariés, tant s’en faut !

Acte des Archives du Maine-et-Loire 5E20 – Voici ma retranscription rapide mais efficace  :

Devant Pierre Poillièvre notaire royal au Bourg-d’Iré, « Le 10 juin 1730 au lieu de la Haute Maboulière situé paroisse du Bourg d’Iré, mandé par François Bodard couvreur d’ardoise père et tuteur naturel de Louise et François Bodard ses enfants mineurs et de defunte Louise Forest sa première femme, ont comparu aussi en leur personne Louise Leroueil veuve de Michel Forest, ayeule desdits mineurs Bodard et Michel Forest leur oncle paternel, demeurants au lieu et closerie du Chesne au bourg même paroisse du Bourg d’Iré, lesquels en conséquence de l’ordonnance de monsieur le lieutenant général d’Anjou audit Angers nous ont requis de présentement procéder à l’inventaire des meubles et effets dépendants de la communauté de biens qui se seroit acquise suivant la coutume d’Anjou entre ledit Bodard et ladite défunte Louise Forest et pour cet effet pour priser lesdits meubles et effets ledit Bodard a mandé Toussaint Chizay (f°2) marchand et ladite Louise Leroueil et ledit Forest son fils François Ragneau métayer demeurants susdite paroisse du Bourg d’Iré, lequels Chizay et Ragneau, serment pris en tel cas requis, ont dit être âgés ledit Chizay de 38 ans et ledit Ragneau de 55 ans, et ont le tout promis et juré de bien et fidèlement se comporter au fait de ladite appréciation et de mettre à juste prix suivant leur loyauté et conscience les meubles et effets qui leur seront mis en évidence, auquel inventaire nous avons vacqué en conséquence de ladite ordonnance, comme s’ensuit :
Une crémaillère et son crochet et une pelle à feu 30 sols
Une table carrée fermant à clef et 2 bancs de chêne 3 livres
Une huge de chêne 8 livres
Un coffre de noyer fermant à clef 10 livres
(f°3) Un vieil coffre de chêne sans serrure 25 sols
Un marchepied de chêne 5 livres
Un coffre de chêne de peu de valeur 30 sols
Un autre coffre de chêne aussi de peu de valeur 2 livres
Un petit cabinet de chêne de peu de valeur 30 sols
Un charlit de noyer sans plafond, garni de sa paillaisse, une petite couette, un traverslit ensouillé de toile, une vieille couverture et son tour de lit composé de 3 pans de toile barrée 30 livres
Un charlit de chêne sans plafond, une paillasse, une petite couette, un traverslit, un petit oreiller le tout ensouillé de toile et une vieille couverture de toile 26 livres
Une petite couchette, une couette, un traverslit ensouillé de toile, le tout de peu de valeur, 12 livres
14 livres de vaisselle d’étain tant creuse que plate, à 18 sols la livre soit 12 livres 12 sols
2 petits chaudrons d’airain pesant 6 livres 7 livres 6 sols
(f°4) Une poisle à frire et un poislon d’airain 2 livres
Une moyenne marmite et une petite avec une cuiller le tout de fer et de peu de valeur 50 sols
2 vieilles serpes, un hachereau,un vouge et un coin le tout de fer 3 livres
3 vieilles faux, un fauchet, un peurier ?? et une pierre à faux 7 livres
2 fourches, un ping, un buacq ?? un rateau et 3 tranches fourchées et une plate le tout de fer 6 livres
3 pelles à bêcher de peu de valeur 20 sols
2 vieils manteaux, 2 anelumis ??, une dallouère et un asseau servants au métier de couvreur d’ardoise et 2 sayots, le tout plus que mi usés 50 sols
Une paire de fers à courayer 30 sols
10 draps de grosse toile et de différentes grandeurs plus que mi usés 10 livres
4 nappes de grosse toile plus que mi usés 3 livres
2 bisacqs et un vieil encherier 2 livres
10 chemises de grosse toile à usage d’homme, plus que mi usées 7 livres
Un habit et une veste de meslinge brun 12 livres
(f°5) Un habit de serge un autre habit et une veste de toile le tout plus que mi usés 5 livres
Une culotte de meslinge et une de toile 3 livres
3 cravattes de toile 30 sols
4 paires de bas et une paire de bottines le tout de peu de valeur 3 livres
Un chapeau 30 sols
4 chemises à usage de femme plus que mi usées 2 livres
2 corsets couvers de serge 6 livres
3 paires de brassières de serge 6 livres
2 robes de meslinge l’un brune l’autre nlanche 10 livres
Un tablier de ras 3 livres
2 robes et un tablier le tout de toile 3 livres
Une poche de grosse toile 20 sols
Un fust de boisseau petite mesure de Candé et une mesure 20 sols
Un travoil 20 sols
Un poids à peser 15 sols
43 livres de lin brayé 10 livres
11 livres de réparon à filer 2 livres
23 livres d’étoupe à filer 10 sols
8 livres de poupées 8 livres
8 livres d’étoupe filée 6 livres 16 sols
Un paque de cordes 10 sols
(f°6) 8 quenouilles de lit de 4 pieds de coffre 5 livres
20 pieds d’essil 12 livres
10 nombres de lin à brayer 8 livres
4 pots, 2 pichets, 2 tasses à anse le tout de terre 2 livres
5 bouteilles de terre, y compris le peu d’huile de noir dans l’une d’elles 2 livres
7 livres de graisse de porc 45 sols
Une baratte et 2 vieux seilllots de bois 30 sols
4 petits pannins avec des balances 8 sols
5 chaises de jonc et un vieil soufflet 30 sols
4 paires de sabot 20 sols
Un charnier avec ce qu’il y a de viande de porc 6 livres
Une busse de cildre estimées fust et cildre 8 livres
3 fusts de pipe, un de busse et 2 de quart de peu de valeur 8 livres
Une panne de bois 50 sols
Une braye à brayer du lin 20 sols
Debtes passives : Déclare ledit Bodard devoir à René Challeur collecteur de la taille pour l’année 1727 5 livres – Plus à François Ragneau collecteur des tailles pour l’année 1728 12 livres 10 sols – (f°7) Plus à René Bodard collecteur du sel de l’année 1728 14 livres 40 sols – Plus à François Malsau pour la capitation de 1727 2 livres 8 sols un denier – Plus à Pierre Bourgeais collecteur du sel de 1728 2 livres 14 sols 3 deniers – Plus à Noël Gaultier pour la capitation de 1728 4 livres 2 sols 10 deniers – Plus à Pierre Ragneau collecteur du sel de 1723 22 sols – Plus pour sa taxe du sel de l’année 1720 30 livres – Plus à la veuve Mason sa rentresse 19 livres 12 sols de compte arresté pour redevances du lieu de la Maboulière – Plus à René Baudunau meusnier 19 livres 1 sol pour farine – Plus à Claude Bedain 35 sols pour lenne ? vendue et livrée – Plus à Jean Auger domestique pour restant de services 2 livres – Plus à Pierre Maillet demeurant à Combrée pour un faux 40 sols – Plus à Jacques Chupé le jeune charpentier 16 sols pour 2 jours de son travail – Plus à Jean Leplat poupelier 30 sols pour ouvrage de son métier – Plus à Pierre Demast journalier 30 sols pour journées – Plus à Toussaint Chehan pour un matte de cercle – Plus à François Delanoe métayer 50 sols pour être allé conduire la dernière mesure à Candé – Plus à Jacques Buron tailleur d’habits 20 sols pour 4 journées de son travail – Plus à René Lizé journalier 15 sols pour journées – Plus à René Chattier 10 sols pour avoir tué 2 porcs – Plus au nommé Cormier 16 sols pour 2 journées à faucher – (f°8) Plus à Jean Mauvau pour fèvres 10 livres – Somme toutes les debtes passives 136 livres 3 sols 2 deniers

Et a ledit Bodard déclaré qu’il ne luy est deub aucune chose dont il ait connaissance, n’avoir aucun argent, titres ni papiers sous son rôle, qu’il demeure tenu d’acquiter au bureau de Candén dont a été parlé et de nourrir entretenir coucher et reblanchir sesdits enfants jusqu’à ce qu’ils soient en âge de gagner leur vie, en considération de quoi et du consentement de ladite Leroueil et dudit Forest, il profitera lui seul de la récolte prochaine à la charge par luy d’en payer les charges tant vers ladite veuve Masure que vers ses collecteurs et autres qu’il appartiendra. Qui sont tous les meubles et effets dépendants de la communauté de biens qui s’estoit acquise entre ledit Bodard et ladite Forest suivant notre coutume et au moyen du présent inventaire demeure dissolue et arrestée du consentement de toutes lesdites parties, le prix desquels meubles et effets déduction faite des debtes passives s’est trouvé monter et revenir à la somme de 178 livres 3 sols 10 deniers sauf erreur de calcul. Lesquels meubles sont restés à la garde et possession dudit Bodard qui demeure tenu de les représenter quantes et ainsi qu’il appartiendra sans estre tenu d’aucuns intérests attendu la nourriture et entretien de sesdits enfants, dont et de tout ce que dessus nous avons jugé lesdites parties de leur consentement. Fait et arresté le présent inventaire audit lieu de la Maboulière en présence de François Bodinier marchand et de Louis Grandière serrurier demeurants dite paroisse du Bourg d’Iré témoins à ce requis. Lesquelles parties ont dit ne savoir signer. »

Mouchoirs à usage de femme : la petite histoire de l’inégalité sociale et de l’inégalité homme-femme.

Comme ceux qui me connaissent depuis longtemps le savent bien, j’adore faire des inventaires après décès tout autant que des contrats de mariage. Les mouchoirs sont rarement cités dans les actes du 16ème et du 17ème qui m’ont passionnée. Et, en Anjou tout au moins, leur présence ne se manifeste que dans les inventaires après décès, et chez les gens plutôt à l’aise, jamais chez les exploitants agricoles. Et, toujours en Anjou, on n’a jamais le détail du trousseau dans les contrats de mariage.

Mais en Normandie, on a parfois les détails. Et ces détails sont  quelquefois surprenants, en ce cens que le contrat de mariage qui suit ne semble pas de gens aisés, à en croire la très petite somme en argent, mais il y aura dans le trousseau « 6 mouchoirs à l’usage de ladite fille ».

« Le 16 janvier 1687[1], au traité de mariage qui au plaisir de Dieu sera fait et parfait en face de nostre mère saincte église catholique apostolique et romaine entre Julien Crosnier (m) fils de defunt Guillaume Crosnier et Marguerite Guillochin ses père et mère de la paroisse du Grais d’une part, et Anne Guillochin (m) fille de Michel Guillochin et Jeanne Roussel ses père et mère de la paroisse de La Ferté Macé d’autre part, ont esté fait les conventions qui ensuivent, c’est à scavoir que les Julien Crosnier et Anne Guillochin se sont promis s’épouser l’un l’autre à la première semonce qui en sera faite après les services de nostre mère ste église deument observées ; en faveur duquel mariage ledit Michel Guillochin père de ladite fille a promis et s’est obligé payer auxdits futurs la somme de 60 livres paiable scavoir 10 livres à Pasques prochain et les autres payables à Pasques ensuivant et ainsi d’an en an jusques à fin de payement et la somme de 6 liuvres pour l’habit, 6 draps de toile, 6 serviettes, 6 coiffes, 6 mouchoirs à l’usage de ladite fille, 4 escuelles et 4 assiettes, le tout d’étain, un coffre de bois de fouteau fermant à clef, et un traversier de plume d’oie, er ceque ladite fille peut avoir par devers elle qu’elle auroit gagné dans ses services ; ledit futur s’oblige remplacer la somme de 30 livres sur le plus apparaissant de son bien ; lesdites parties sont demeurées d’accord les uns envers les autres et se sont obligés à tout ce que dessus ; fait en présence de Claude Crosnier (s) frère dudit futur, Jacques Piquet son beau frère et Michel Guillochin (m) père de ladite fille, Jean Laisné et Jean Huet et François Bisson et François Lebally tous parents et amis tant du costé dudit futur que de ladite fille »

[1] AD61-4E174/30 tabellionnage de Briouze

Donc, on connaissait le mouchoir pour femme au 17ème siècle en Normandie. Ce qui signifie aussi qu’il existait alors des mouchoirs pour homme. Et monsieur n’avait sans doute pas le droit de se moucher dans les mouchoirs de madame ? La distinction entre mouchoirs de femme et mouchoirs d’homme existe toujours de manière plus que sexiste, et tout à fait inégalitaire entre hommes et femmes. Il est impossible (ou tout au moins je n’ai jamais pu trouver) de mouchoir de femme aussi grand qu’un mouchoir d’homme et inversement, les mouchoirs d’homme sont toujours beaucoup plus grands que les mouchoirs de femme. Je n’ai jamais compris pourquoi les femmes avaient le nez plus petit et moins encombré que le nez des hommes !!!! Et Mesdames nous subissons aussi cela ! Je dis « aussi » car à en croire les médias modernes, nous subissons beaucoup de choses, mais je ne les ai jamais entendu parler de la discrimination flagrante qui existe entre le nez d’une femme et celui d’un homme pour le mouchoir !!!