Meubles vifs et meubles morts

Vous êtes ici sur un site qui traite des actes anciens, et naturellement leur vocabulaire, familier à mes lecteurs réguliers, est parfois quelque peu différent du vocabulaire actuel.
Je reviens donc ici sur l’actualité, d’une part avec le Salon de l’Agriculture, d’autre part avec la déclaration du président de la République relative au terme MEUBLE pour les animaux. Et j’ose me permettre ici de rappeler le vocabulaire dans lequel mes lecteurs réguliers baignent.
J’ai classé ce billet dans la catégorie INVENTAIRE car il s’agit bien de termes de droit pour définir les biens qu’on doit y estimer et lister.

Jusqu’au Code Civil Napoléon, 1807, la France avait plusieurs droits coutumiers : un par province.
Ils classaient les biens en immeubles et meubles, les meubles étant uniquement tout ce qui n’était pas immeuble.
Dans tout ce qui n’était pas immeuble on avait généralement les meubles morts et les meubles vifs.
Et les meubles vifs étaient tous les animaux, puisqu’ils étaient mobiles et vivants.

Donc, en 1807, on a pondu un texte qui sévit toujours, particulièrement long et hermétique parfois, pour tenter de classer tout ce que l’on classait dans ce qui n’était pas immeubles donc meubles.
Mais ce faisant, on a enlevé le plus joli qualificatif qu’on connaissait parfaitement avant la Révolution :

  • les meubles vifs
  • Et, entre temps :
    1 : les citoyens moyens ayant accès à la lecture du Code Civil largement sur Internet et autres, alors qu’auparavant cette lecture était le fait de professionnels ayant étudié le droit
    2 : les meubles morts, ou meubles meublants, ont pris une telle place dans la vie quotidienne qu’on en change tous les 5 ans en moyenne (cela n’est pas mon cas, je vous rassure)

    et ces braves lecteurs moyens en ont conclu qu’on traitait les animaux comme ce qui sort d’une usine nordique.
    Ils feraient mieux de prendre leur dictionnaire et de constater que le terme meuble a beaucoup de sens, mais par contre, je constate que c’était nettement plus joli avant la Révolution.
    Comme quoi à cette époque, censée bénie, on n’a pas tout fait pour le mieux !

    En conclusion, les animaux ne sont pas des immeubles, donc a contrario des meubles, mais c’était tout de même plus joliement qualifié avant la Révolution !

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    La jument aveugle de la tannerie Jallot x Crespin : Ampoigné (53) 1714

    Les passionnés actuels de sport équestre connaissent plusieurs chevaux borgnes, dont l’un s’est illustré dans le haut niveau de compétition avant de prendre à 16 ans une retraite bien méritée.
    Le sport équestre est un sport exceptionnel, puisque sont sur le même plan homme et femme, handicapés ou non handicapés, cheval entier et jument, et même le cheval borgne. Merveilleux sport n’est-ce pas ?

    Alors, que devenaient autrefois les animaux handicapés ???
    Vous me direz « l’abattoir n’était pas loin ! »

    Eh bien, voici un cas probablement rarissime. Il est extrait de l’inventaire après décès Jallot x Crespin en 1714 à Ampoigné, marchand tanneur. C’est cet inventaire qui m’occupe depuis des semaines et dont je vous parlais hier.

    12 livres de sain noir 4 livres 7 sols
    2 lampes, 2 chandeliers et une lampe de cuivre 3 livres
    2 grands cochons de l’an et 2 petits 70 livres
    Un cheval poil rouge avec une jument aveugle avec leurs équipages 100 livres
    5 mères vaches 140 livres

    Alors, je me suis demandée, comme vous, pourquoi la jument aveugle ? Et j’ai supposé qu’elle ne valait plus grand chose, mais par contre qu’elle étant sans doute très capable de faire des poulains…

    Le bail à ferme de René Bellanger avait oublié les bestiaux : Armaillé 1739

    la propriétaire, la veuve Ernault, s’en est aperçue, et a probablement demandé au notaire de revoir sa copie en ajoutant un complément pour cette omission.

    Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E40 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

    Le 11 décembre 1739 avant midi, par devant nous Toussaint Péju notaire royal en la sénéchaussée d’Anjou Angers résidant à Armaillé, fut présent René Bellanger charpentier fermier de la maison et closerie de la Basse Jaille appartenant à la demoiselle veuve Ernault y demeurant paroisse de Noëllet, lequel a reconnu et confessé pour la culture et instruction dudit lieu, ladite demoiselle veuve Ernault luy a le 2 novembre 1737 fourny sur icelle closerie pour la somme de 40 livres de prisée de bestiaux, en conséquence ledit Bellanger promet et s’oblige par hypothèque générale et universelle de tous ses biens présents et futurs et spécialement et par privilège sur lesdits bestiaux d’en rendre et relaisser à la fin de sa jouissance à ladite demoiselle veuve Ernault absente nous notaire stipulant et acceptant pour elle en tant qu’elle l’aura agréable et non autrement, pour pareille somme de 40 livres, dont etc fait et passé aux Vallées paroisse d’Armaillé en présence de sieur Guillame Belot maistre chirurgien juré et Jullien Morillon marchand meusnier demeurant séparément au bourg et paroisse d’Armaillé tesmoins, et a ledit Bellanger déclaré ne savoir signer

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    Antoine Juffaut a envoyé sa femme encaisser à Angers la vente des bestiaux : Daon 1595

    Certes la somme n’est pas importante, mais tout de même il aura fallu rentrer à Daon avec la somme sur elle. Il y a environ 40 km aller autant retour, et je ne sais si elle a pu faire le tout en une seule journée. En tous cas pas avec le même cheval !

    Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E1 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

    Le 8 juin 1595 avant midy par devant nous Francoys Revers notaire royal à Angers a esté présente honneste femme Jacquine Sollier femme de honneste homme Anthoine Juffault marchand demeurant au bourg de Daon laquelle a confessé avoir eu et receu ce jourd’huy présentement de Pierre Guischart marchand demeurant en ceste ville d’Angers à ce présent stipulant et acceptant la somme de 6 escuz ung tiers laquelle somme ladite Sollier a eue prinse et receue en notre présence et veue de nous en francs et quarts d’escu quelle somme est pour la vendition des bestiaulx qui appartenoient auxdits Juffault et Sollier sur le lieu et clouserie de la Cousture sise en la paroisse dudit Daon, et qui sont à présent sur ledit lieu, duquel le dit Guischart en a dès le 6 du présent mois et an acquis la moitié desdits Juffault et sa femme, de laquelle somme de 6 escuz ung tiers ladite Sollier s’est contantée et tenue bien poyée et en acquite et promet acquiter ledit Guischart vers ledit Juffault son mary, fait en la maison de la Croix Verte en ceste ville d’Angers en présence de René Allaneau praticien et Jehan Dupré demeurant audit lieu de la Croix Verte et ledit Allaneau demeurant Angers tesmoings, les parties ont dit ne savoir signer

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    Les boeufs de Louis Beziau avaient vraiement pris goût au vagabondage sans les bois taillis des autres, Saint Jean des Mauvrets 1645

    Ils ont remis cela !

    Je suis une fille du bitum et je n’ai aucune connaissance de l’agriculture, mais si j’ai bien compris autrefois il n’y avait pas de fil électrique ou barbelé en clôture et les bêtes vagabondaient.

    Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E90 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

    Le 10 novembre 1647 devant nous Jean Vallée notaire des chastellennies de st Jean des Mauvrets et Juigné sur Loire fut présent en personne Me Abel Peton notaire royal demeurant audit Juigné, lequel a pleny et cautionné Louis Beziau demeurant en la paroissze dudit st Jean de la représentation de 2 boeufs l’un à poil rouge l’autre à poil blond que honorables hommes Jehan Bouton lesné et René Delhommeau marchands demeurant audit Juigné ont présentement rendu audit Beziau et qu’il a dit luy appartenir, lesquels boeufs lesdits Bouton et Delhommeau ont déclaré avoir trouvés mardi dernier au soir dans une pièce de bois taillis leur apaprtenant sis à la Chesnaye Aleaume paroisse dudit Juigné, lesquels boeufs ledit Beziau a eu pris et receus desdits Bouton et Delhommeau et s’en est tenu et tient à contant, laquelle représentation ledit Peton pour ce soubzmis et obligé a promis et demeure tenu faire quand besoin sera, et ont lesdits Bouton et Delhommeau à ce présents receu ledit Peton pour leur caution et protesté se pourvoir pour raison du dommage fait en leurdit bois taillis cy dessus contre ledit Beziau ainsi qu’ils verront estre à faire, et de la dépense faite en la maison de Tigné depuis ledit jour de mardi au soir jusques à présent, et par ces mesmes présentes a ledit Beziau promis acquiter et descharger ledit Peton vers lesdits Bouton et Delhommeau de ladite caution pour tout évennement qui en pourra arguer, dont et de tout ce que dessus aux dites parties ce réquérentes avons décerné le présent acte pour leur servir ce que de raison, fait et passé audit Juigné maison de nous notaire en présence de René Levesque masson Pierre Delagrois le jeune vigneron et Mathurin Baranger le jeune clerc demeurant audit Juigné tesmoings

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    Louis Beziau demeurant à l’abbaye du Peray a laissé ses boeufs goûter le foing et les bois taillis des autres, Saint Jean des Mauvrets 1645

    Nous avions vu ici que l’abbaye était tellement en ruine en 1618 qu’elle n’avait plus de portes et fenêtres, et même de quelques murailles. Manifestement quelques travaux ou construction neuve ont été faits entre temps.
    Les 2 boeufs ont causé beaucoup de dommages car les sommes qu’il va falloir payer pour dédommager les victimes sont sensiblement importantes et payables immédiatement sous peu. Enfin, je les trouve disuassives.

    Gageons que Louis Beziau ne recommencera pas !!!

    Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E90 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

    Le 3 novembre 1645 avant midy, par devant nous Abel Peton notaire royal Angers résidant à Juigné sur Loire furent présents personnellement establiz et deuement soubzmis chacuns de honnestes personnes Jean Bouton laisné et René Delhommeau marchands demeurants au bourg de Juigné d’une part, et honneste homme Louys Beziau aussy marchand demeurant à l’abbaye du Perray paroisse de st Jehan des Mauvrets d’autre part, entre lesquels a esté fait l’accord qui cy après s’ensuit c’est à savoir que pour certain dommage que lesdits Bouton et Delhommeau prétendoient que 2 boeufs appartenant audit Beziau auroient fait dans 2 lopins de bois taillis se joignant l’un l’autre situés au lieu appellé la Chesnaye Aleaume paroisse dudit Juigné et ont ce jourd’huy composé et accordé à la somme de 8 livres pour lesdits dommages scavoir la somme de 100 sols pour les dommages qui auroient esté fait dans le bois dudit Bouton et la somme de 60 sols tz aussi pour les dommages qui auroient esté fait dans le bois dudit Delhommeau pour ce qui est de la despense de foing que lesdits boeufs ont fait dans les granges de Tigné lors que lesdits Bouton et Delhommeau les prirent dans lesdits bois et pour le sevice qu’ils ont esté dans lesdites granges a esté accordé que ledit Beziau rendre audit Bouton le nombre de 43 livres de bon foing dedans d’huy en 8 jours prochainement venant, et lesdites sommes de 8 livres cy dessus payables scavoir ladite somme de 100 sols tz audit Bouton et 60 sols tz audit Delhommeau dans le jour et feste de Noël prochainement venant à peine etc dommages etc sans préjudice audit Bouton de la despense qui a esté faite en sa maison par ceux qui ont aidé à amener et prendre lesdits boeurs dans ledit bois et de ladit despense que ledit Beziau a aussy ce jourd’huy faite en la maison dudit Bouton, lquelle il promet payer aussi d’huy en 8 jours à peine etc néanmoings etc ce qui a esté voulu stipulé et accepté par lesdites parties et au moyen de ce demeure ledit Beziau quitte vers lesdits Bouton et Delhommeau des dommages et intérests dudit dommage lesdites sommes payées, auxquelles obligations et ce que dessus est dit tenir etc dommages etc oblige ledit Beziau ses hoirs etc avecq tous etc renonczant etc dont etc fait et passé audit Juigné maison dudit Bouton en présence de Mathurin Conin tonnelier et Mathurin Baranger vigneron audit Juigné tesmoings

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