Dégradations au presbitère de Montreuil sur Maine, 1722 transaction pour réparer la porte et payer une amende de 30 livres

Avec ce billet, j’ai ouvert une nouvelle catégorie JUSTICE (voyez colonne de droite).
Autrefois, beaucoup de différents étaient traités à l’amiable par acte notarié, en forme de transaction, souvent pour éviter un procès couteux.

Le 19 juillet 1721 Dvt nous Jacques Bodere Nre royal en Anjou résidant à Montreuil sur Mayenne, furent présents en leurs personnes, établis soumis Missire Pierre Laillault prêtre prieur baron seigneur au spirituel et temporel de la paroisse de Montreuil d’une part, (Montreuil sur Maine avait la particularité d’avoir à la fois un prieur et un curé et qui plus est le premier avait titre de baron.)
Ambrois Alluce charpentier en bateaux faisant tant pour lui que pour Ollivier Alluce son cousin germain et autre,

entre lesquels parties a été fait l’acte qui suit c’est à savoir que de la part dudit seigneur prieur aurait été fait demande de réparation dommages et intérêts pour les exactions et violence commises par ledit Ambrois Alluce et les dénommés, tant à la porte d’entrée de la cour dudit seigneur prieur que sur ladite maison, le mardi 15 de ce mois et dont ledit sieur prieur était en droit d’informer ; sur les environs 18 h du soir ;

que ledit Alluce a reconnu, dont a demandé ses excuses et pardons audit seigneur prieur, pour laquelle instance que ledit seigneur prieur était prêt à faire mouvoir, et icelle assoupir et ont par l’avis de leurs conseils et amis transigé par transaction irrévocable comme cy après s’ensuit (l’affaire est rapidement réglée, 3 jours après on était chez le notaire pour une transaction !!! Il faut croire que les amis d’Alluce lui ont rapidement démontré l’utilité d’aller faire des excuses…)

c’est à savoir que ledit seigneur prieur a bien voulu recevoir ledit Alluce tant pour lui que pour les autres ci-dénommés auxdites excuses et soumissions, aux offres que si malheureusement pareil leur arrivait de payer au profit de l’église de la paroisse la somme de 30 livres sans que ladite amende (amande) puisse être réputée comminatoire, et sous les mêmes peines et amendes d’insultes anciennes des habitants et paroissiens d’icelle, et s’oblige ledit Alluce rétablir la porte en question en le même état qu’elle était auparavant, (cela lui coûte cher, car avec cette somme il pouvait s’offir un lit de chêne garni, ou une formation de tonnelier etc...)
et délivrera ledit Alluce à ses frais une copie des présentes en 8 jours prochains
auquel acte et ce que dit est lesdites parties en sont respectivement demeurées d’accord et tout ainsy vouly consenti stipulé et accepté à l’entretenir obligent et renonçant etc dont etc
fait et passé audit prieuré en présence de Me Vincent Quenion prêtre curé dudit lieu, et h. h. Alexis Delahaye marchand demeurant audit lieu témoins à ce requis et appelés, ledit Alluce a déclaré ne savoir signer de ce enquis et interpellé.

Ce document illustre le rôle de médiateur des notaires autrefois. Il apporte aussi un chiffre, sur lequel il est utile de s’arrêter : le montant de l’amende fixé à 30 livres, outre les réparations. Dans la rubrique NIVEAU DE VIE, je vais en effet m’efforcer de vous inculquer la valeur de l’argent autrefois. Donc, notez déjà qu’avec 30 livres ont a de quoi payer une amende, et vous verrez bientôt que c’est juste un lit de métayer, etc… bref, des équivalences de l’époque, qui ne sont surtout pas transposables de nos jours, encore moins en euros…

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Prison pour femmes en 1634 la cave du cloître Saint-Martin d’Angers,

Nous étions hier dans le tabac. Or, au 19e siècle, l’entrepôt de tabac d’Angers occupait les ruines de l’église Saint-Martin, dont la nef s’était effondrée en 1829. En 1634, on y mettait bien autre chose, dans une cave.

Le terme cave ne signifie plus grand chose pour nombre d’entre nous, habitants les ensembles et autres tours de béton, dont celle qui m’abrite. Mais, autrefois (et encore dans les maisons anciennes), c’était franchement sous terre, sous la maison. Lorsque j’étais petite, notre maison en possédait une, et lors des bombardements, nous nous blotissions ensemble dans la cave, se pensant à l’abri, tandis que nos parents nous racontaient que c’était l’orage. Comment peut-on dire à des enfants que des bombes leur tombent dessus ?.

Voici la cave que je viens de découvrir, en 1634. L’acte est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire : Voici la retranscription : Le 22 avril 1634, devant nous Laurent Chuppé notaire royal Angers furent présents personnellement establis et duement soumis Me Jacques Margautin bedeau et serguer de l’église royale Monsieur St Martin de cette ville d’Angers, y demeurant paroisse St Michel de la Palludz d’une part,
et honneste fille Jeanne Moreau lingère demeurante audit Angers paroisse dudit St Martin d’autre part,
lesquels sont volontairement fait et font entre eux le bail à louage qui s’ensuit, c’est à savoir que ledit Margautin a baillé et baille par ces présentes à ladite Moreau ce requérante pour le temps et espace de 8 années entières et consécutives qui commenceront au jour et feste de Noël prochain
savoir est le corps de logis dépendant de la bedellerye dudit St Martin à présent exploicté par la veuve Feuryau comme il se poursuit et comport sans réservation en faire par ledit bailleur
pour en jouir par la preneure ledit temps durant bien et duement comme un bon père de famille sans rien y malverser ains entretiendra ladite preneure ledit logis en bonne et due réparation de terrasse viltre carreau et couverture, et rendra le tout bien et duement réparé desdites réparations à la fin dudit présent bail comme lui seront baillées au commencement d’iceluy,
demeure ladite preneure tenue fermer et ouvrir soir et matin la grande porte du cloistre estant soubz la petite chambre dudit logis lors qu’il plaira audit sieur doyen chanoines et chapitre de l’église dudit St Martin l’ordonner par conclusion capitulaire
et oultre demeure ladite preneure tenue délivrer la clef de la cave dudit logis qui est la prison dudit St Martin audit bailleur et la tenir nette pour y mettre des prisonnières lors et toutefois et quante qu’il en sera requis et fera ladite preneure tailler le volier (volier : du Poitou à la Sarthe, espalier, tonnelle, treillage destiné à supporter la vigne, à la faire grimper le long des maisons) de ladite appartenance de temps et saison convenable et en baillera par chacun an 6 beaux raisins de ceux qui proviendront audit bailleur, et est fait ledit présent bail à louage oultre les charges ci-dessus pour en payer et bailler par ladite preneur audit bailleur la somme de 30 L tournois par chacun an par moitié .. (AD49)

Le Dictionnaire du Maine et Loire, de Célestin Port, dans sa première édition, tome 1, page 58, à l’article Angers, Saint-Martin, précise

« Autour de l’enclos régnaient des cloîtres, loués presque entièrement à des laïcs ; à l’entrée, vers la rue Saint Martin, une cave attenant à la maison des Greniers, servait de prison capitulaire. »

Voici donc la cave du cloître Saint-Martin, qui servit autrefois pour enfermer des femmes… Mais la locataire a aussi le charme d’une treille. Elle doit l’entretenir et en donner chaque année 6 grappes de raisin au bailleur.
Je m’imaginais qu’à Angers il n’y avait qu’une prison, et je n’avais même pas réfléchi qu’on ne mettait pas les femmes avec les hommes… Je viens de découvrir qu’il existait avant le 16e siècle, bien d’autres prisons. Célestin Port (Dictionnaire du Maine et Loire) dit qu’il y en avait une dans chaque fief ayant justice.

Quant au bedeau, il était décrit dans le billet du 23 février « Nantes la Brume », sous le nom de Suisse, et je me souviens avoir vu dans mon enfance ce personnage au costume curieux, marcher devant Mr le curé lors des processions dans l’église Saint-Jacques. C’était du plus bel effet lors des mariages.

Comme tout bail, ce bail indique que le locataire doit entretenir en bon état de réparation terrasse vitre carreau et couverture. Nous partons demain dans la terrasse, ce faux-ami des baux Angevins.

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Violences verbales d’antan : le vocabulaire

Autrefois, proférer des injures était une atteinte à l’honneur et sanctionné.
Le vocabulaire a évolué, plutôt en empirant, tandis que les sanctions disparaissaient… Nos moeurs n’y ont sans doute rien gagné !
La violence verbale était punie, au titre de violence portant atteinte à la dignité et à l’honneur de la personne.
Que de mots galvaudés ! Qui sait de nos jours ce que le terme honneur signifie encore ? Je suis même persuadée qu’il fait rire certains… Y avons-nous gagné ?

Mais au fait quels étaient donc autrefois les noms d’oiseaux prohibés !
Allez les découvrir, et voyez qu’ils font pale figure à côté de ce que tout gendarme de banlieue devra subir quotidiennement de nos jours, et ce que des professeurs sont susceptibles d’affronter.

Alors cela y est, vous y êtes :

fideputez : tient, pas trop vieilli celui là
bougre de chien,
bougre de sot,
bougre de gueu,
sot de fils
bougre,
gueu,
fripon
damnée,
quaronne (charogne)
plusieurs injures atroces comme tête vilaine à bête,
savate,
bougre de noire,
cramaillère,
andouille,
jalouse et autres
bougre de sot et fils de putain (tient le revoilà)
bougre de Jan touche

Tout ces termes sont considérés comme des pouilles et injures. Pouilles, le plus souvent exprimé au pluriel, signifie injure grossière (Dictionnaire de l’Académie Française, 1762).

J’avoue ne pas toutes comprendre ces pouilles, mais par contre je les ai personnellement rencontrées lors de mes recherches, et elles sont garanties authentiques. Les infos sont souvent hallucinantes pour moi, plongée dans le passé, souvent bien plus polissé, alors que beaucoup pensent avoir conquis un monde meilleur qu’autrefois ??? Nous évoquions ces jours-ci les contrats d’apprentissage, qui contenaient tous que l’apprentis devait obéir. Si j’ai bien compris, de nos jours le verbe obéir n’est manifestement appris que face au travail et désormais on découvre assez tard ce que ce verbe signifie.

Si un jour vous voulez découvrir ce que le respect filial signifie, voyez les lettres de Jean Guillot (17 ans et enrôlé dans les armées napoléonniennes) à ses parents. Certaines familles m’ont dit les avoir lu ensemble, parents et adolescents… Ces lettres vous donneront le vertige !

Tient, tient ! Ma machine me dit que nous entamons le 3ème mois ensemble. Bonne journée à vous et merci de votre soutien.

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Commis à la conduite des condamnés aux peines de galères, Angers, 1639

Voici un métier dont le nom est long mais explicite. Je le rencontre à Angers prenant livraison nominative de 4 condamnés

Voici un métier dont le nom est long mais explicite. Je le rencontre à Angers prenant livraison nominative de 4 condamnés venant de Nantes :

  • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E6 :
  • Voici la retranscription de l’acte : Le 30 juin 1639 Dvt Louis Coueffe notaire à Angers (AD49), Valentin Boutin Sr de la Boutinière, commis à la conduite des condamnés aux peines de galères des provinces de Bretagne, Anjou, Touraine et le Mayne, comme il a fait aparoir par commisison de Me Dupont de Courlay, général des galères de France, expédiée à Paris le 8 septembre 1635, a reconnu que Me Guillaume Cherot concierge et garde des prisons royaux de cette ville (Angers) pour et au nom de Pierre Giteau concierge des prisons de Nantes, lui a mis en mis en mains les nommés René Marquet Pierre Guyet dict Desforges, maréchal, François Guyet dit La lame et Jean Legal dit Leroy condamnés aux peines de galères par sentence.
    Trois d’entre eux portent un surnon, dont l’un assez parlant « la lame ».
    Le surnom est assez rare en Anjou, probablement plus fréquent dans ce milieu.
    Ces 4 hommes en rejoignent d’autres, dont ils viennent grossir les rangs, car la « chaîne » était plus souvent de quelques dizaines de forçats.
    L’organisation de la « chaîne » était médiocre avant 1670, faute le plus souvent de pouvoir recruter des gens expérimentés pour ce type de besogne, assez délicate. Le métier ne devait pas être des plus recherchés : Boutin sait signer certes, mais tout juste.

    La signature est maladroite, et rarement aussi maladroite chez quelqu’un qui se pare du titre de « sieur de la Boutinière ». A droite, c’est Cherot le concierge des Prisons d’Angers, puis Coueffe le notaire royal à Angers, et enfin deux témoins.
    Enfin, pour un BOUTIN être « sieur de la Boutinière » est pour le moins curieux.
    La culture n’était pas la qualité requise, juste savoir lire les noms des condamnés. Mais cet acte montre que Boutin avait la charge de 4 provinces, pas moins. Il devait acheminer les condamnés jusqu’à Marseille. Tout au long du chemin, les foules accouraient au spectacle du passage de la « chaîne ».
    En savoir plus avec :
    Zysberg André, Les Galériens, vies et destins de 60 000 forçats sur les galères de France 1680-1748 , Le Seuil, 1987 – son site

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