Droit de bâtardise, avant et après la Révolution

En droit féodal, la succession des enfants naturels, décédés sans héritiers, est recueillie

par le seigneur haut justicier, qui est souvent le roi. C’est le droit de « bâtardise ». (Diderot, Encyclopédie – Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime, PUF, 1996)
Après la révolution « à défaut de conjoint survivant, la succession est acquise à la république » (Article 768, Code civil des français (en ligne en mode texte marqué T sur Gallica).

Donc, rien de changé : on a supprimé les seigneurs hauts justiciers, et remplacé le roi par la république.

En 1878, « si l’enfant naturel n’a rien reçu de son père et qu’il ne laisse ni descendants ni frères ni sœurs naturels, le conjoint survivant, à son défaut l’Etat, sont préférés aux frères et sœurs légitimes » (Allard, J.-L. Des enfants naturels : reconnaissances, adoptions, successions…, 1878, sur Gallica)

Depuis, il n’existe que des enfants reconnus, ou pas. Un enfant reconnu, n’est pas toujours alimenté par le père, qui réapparaît parfois en fin de vie, se souvenant brusquement de l’existence d’un enfant pour réclamer un droit alimentaire, quand ce n’est pas tout bonnement l’administration qui exerce ce droit. J’ai eu connaissance de tels faits au 20e siècle… Je ne suis pas certaine qu’ils aient disparu.

Ce soir sur la 3 à 20h50 l’émission télévisée « Jeunes, seules, sans travail et déjà mères. » Il n’est pas certain que nous soyons allé vers un progrès dans tous les cas.

Revenons aux bâtards d’autrefois.
Il était BCBG (bon chic bon genre) dans la noblesse d’avoir une maîtresse et des bâtards, et ceci fut parfois imité dans la haute bourgeoisie. En 1598, Henri IV est reçu en grande pompe par la ville de Nantes, lors du fameux Edit. Or, il est accompagné de la belle Gabrielle qui vient de mettre au monde à Angers leur fils immédiatement marié par Ct Dvt Guillot Nre à Angers par son père, et largement doté. Le corps de ville de Nantes accueille sans sourciller le couple et offre même à Gabrielle des présents dignent de son rang. La reine est à l’ombre, ailleurs…et surtout pas de la partie.

Enfin, autrefois y avait 3 types de bâtards :

  • ceux qui furent dotés (correctement) par leur père naturel, le plus souvent issu d’un milieu aisé. Les dotations (quand elles existent) sont dans les actes notariés, aussi en série 1B
  • ceux qui ne le furent pas, et connurent une vie dure. Souvent c’était le maître qui avait engrossé une servante. Et par maître, comprenez aussi bien le métayer ou le closier, car ils avaient eux aussi servante, surtout les métayers plus aisés. Cela n’est pas réservé aux notables.
  • et enfin, ne les oublions pas, ceux issus d’une mère d’un milieu aisé, mais ce qui était toléré chez les hommes ne l’était pas chez les femmes…
  • On ne peut donc faire aucune généralisation sur le terme bâtard, mais je veux ici rendre hommage à tous ceux qui furent en catégories 2 et 3, et connurent souvent le pire. Je souhaite cantonner ce blog aux petits, pas aux grands que l’Histoire a beaucoup gratifiés de mémoire.

    Mais au fait, avez-vous trouvé quel acte notarié était le premier dans la vie ? Pour le savoir demain, voici un indice. Ce contrat existe toujours, mais n’est plus chez le notaire. Il est fréquent en Allemagne (entre autres) beaucoup moins en France.

    Enfin, j’ai étudié toute l’histoire d’un bâtard de la catégorie 1, décédé sans héritiers (voir le début de ce billet) et la suite est piquante… Voulez-vous un jour cette histoire vraie… ?

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

    Une fouace le jour et fête des Rois : dans le bail

      « Une fouace de la fleur d’un boisseau de froment. »

    En Anjou (et souvent ailleurs) les closiers et métayers (les paysans) ne possédaient pas leurs terres, mais la prenait à bail à moitié dit aussi bail à métayage dans cette province.
    Dans ce bail, la moitié des fruits de la terre, c’est-à-dire des produits issus de son exploitation, revenaient au propriétaire, qui recevait aux 4 grandes fêtes, à son domicile, beurre, poulets, etc… soigneusement définis au bail. Nous y reviendrons.

    Dans certains baux, sans doute ceux dont la terre était en partie cultivée en froment, ce qui était rare en Haut-Anjou, le propriétaire précisait :

      « Au jour et fête des Rois, une fouace de la fleur d’un boisseau de froment. »

    Le terme utilisé est toujours fouace, et non fouée comme le donne l’ouvrage paru en 1993 (Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Région des Pays de Loire, Albin Michel, 1993).
    Ainsi, dans le bail fait en mars 1599 par Guyonne Bonvoisin Dt à Angers à Symphorien Doesnau et Jacquine Denis sa femme, de la métairie de la Salle à St Saturnin (49).

    Je le trouve même dès 1504 dans le bail du moulin à eau d’Armaillé. Ce qui fait 5 siècles (au moins) de fouace en Anjou !

    La recette ne contenait pas encore de sucre, alors trop récemment découvert pour être connu des paysans, mais seulement sans doute lait, beurre et œufs. En fait une sorte de galette améliorée, que le bail de 1504 définit « une fouace, un gâteau ». C’est une

    « sorte de pain fait de fleur de farine en forme de galette, et ordinairement cuit sous la cendre » (selon tous les dictionnaires anciens).
    Mais au fait, elle devait contenir un boisseau de froment. Or, le boisseau était une mesure de capacité des grains, qui variait d’une seigneurie à l’autre, parfois de 11,31 à 13,58 litres. Il faisait donc en moyenne environ 20 livres de blé-froment, soit 9,8 kg. Mais cette quantité, élevée, ne s’applique pas à la fleur de farine, mais au froment avant passage au moulin. La phrase en effet dit bien : de la fleur d’un boisseau de froment.

    Reste donc à trouver le rendement en fleur de farine d’un boisseau de froment pour avoir la taille de la fouace.

    Sachant qu’autrefois un moulin à vent avait un rendement de 30 à 45 % en farine, la fleur de farine ne peut dépasser 10 à 20 %, donc 1 à 2 kg.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

    Le rôle de taille de Faye d’Anjou en 1635

    vignerons des côteaux du Layon

    Le rôle de taille de 1635 de la paroisse de Faye sous Thouarcé est d’autant plus précieux que les registres paroissiaux ne commencent qu’en 1668 !

    Il y a une semaine nous fêtions l’arrivée de la confiserie, douceur pour Noël. Aujourd’hui je vous propose la douceur des vins d’Anjou pour le réveillon, douceur historiquement tellement ancienne !
    Je mets ce jour en ligne le dépouillement du rôle de taille de Faye sous Thouarcé en 1635.
    Le métier est très souvent donné. Voici en ordre alphabétique :

      Charbonnier (1), charpentier (5), closier (3), cordonnier (1), fagottier (3), faulconnier (1), fermier (2), filassier (4), forestier (1), laboureur (11) maçon (1), marchand (4), maréchal (3), mercier (1), métayer (10), meunier (10), noble (5), notaire (2), pauvre (10), prêtre (4), sabotier (4), sergent royal (2), serger (5), tailleur d’habits (5), tissier (8), tonnelier (7), veuve (56), vigneron (142), indéterminé (35).

    Au passage, soulignons un métier peu fréquent, le faulconnier. Les faucons étaient-ils utilisés pour la chasse dans les vignes ? je vous pose la question, d’autant qu’il y a 5 familles nobles ayant droit de chasse.
    Les métiers de la vigne dominent avec 142 vignerons et 7 tonneliers. Le taux d’imposition des vignerons atteste une grande disparité des revenus : ils paient en moyenne 7,6 livre avec un écart-type de 5,5 ; 9 d’entre eux sont dans la misère avec moins d’une livre. Cependant ces chiffres ne donnent pas les vignerons plus aisés que la moyenne de la paroisse, en effet, dans ce calcul ne sont inclus que les vignerons actifs, alors que de nombreuses veuves et pauvres sont manifestement des mères de vignerons.

    Ce rôle atteste deux phénomènes démographiques importants :
    Le premier point important concerne le nombre de feux, c’est à dire de contribuables. En 1635, la paroisse de Faye compte 346 feux. Sachant qu’on compte habituellement 5 personnes par feu, il y aurait 1 730 habitants. Ce chiffre paraît élevé, comparé aux chiffres connus par ailleurs « 260 feux en 1720. — 1 174 hab. en 1790. — 1 297 hab. en 1831. — 1 229 h. en 1841. — 1 275 hab. en 1851. — 1 220 hab. en 1861. » (C. Port, Dict Maine et Loire, 1876) Il semble que le nombre de contribuables, normalement égal au nombre de feux, doit être revu à la baisse. En effet, il y a un nombre élevé de personnes seules en particulier de veuves. Lorsque j’ai retranscris le document original, j’avais le sentiment parfois que des personnes seules habitaient manifestement le même toit, car il est impossible d’avoir eu tant de personnes seules et tant de toits. J’ai même pensé à un hospice pour personnes démunies ou autres… Mais je n’ai en fait aucune explication…
    Le second point important, voire même surprenant, est la diversité des noms de famille. Généralement, à cette date de 1635, les noms de famille dans une paroisse attestent l’enracinement local de certains patronymes. Or, le rôle de Faye en 1635 donne 205 noms (pour 346 feux) différents sans compter les orthographes variables d’un même nom, que j’ai bien sûr éliminées. Il s’agit donc d’une population plus brassée que dans les paroisses agricoles du nord de l’Anjou. La vigne devait donc attirer, bien que les revenus ne soient pas supérieurs à ceux des cultivateurs du nord de l’Anjou, malgré la qualité du vin de Faye.
    Partant, ce rôle ne sera d’aucune utilité aux généalogistes, compte tenu du fossé entre 1635, date du rôle, et 1668, date du premier registre paroissial, soir plus d’une génération ! Mais surtout, le brassage de population y est tel qu’il n’est pas possible de prédire la stabilité des familles !
    Ce travail, comme tous mes travaux relèvent de la propriété intellectuelle. Ne le téléchargez pas pour d’autres, y compris pour des associations ; ne l’utilisez pas sur d’autres sites. Son téléchargement n’est autorisé qu’à usage exclusivement privé, c’est à dire sans aucune copie à autre personne.

    Voir le rôle de taille de Faye-d’Anjou

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.