Mémoire des victimes du naufrage du Saint-Philibert 14 juin 1931


Au cimetière Saint-Jacques à Nantes, il y a une immense tombe à la mémoire du naufrage du Saint-Philibert qui fit près de 500 victimes au retour de Noirmoutier le 14 juin 1931. Quand j’étais petite, chaque Toussaint mes parents s’y arrêtaient car elle était sur notre chemin, et nous contaient ce drame.

Cette tombe est toujours entretenue et fleurie par les services municipaux (photo en 2011). En fait cette tombe contient les 54 victimes non réclamées par de la famille. Ces victimes « sans famille » avaient d’abord été inhumées dans divers cimetières Nantais, dont Toutes-Aides, puis la ville de Nantes eu la bonne idée de les regrouper et rassembler toutes les 84 au cimetière Saint-Jacques.

Le 14 juin 1931 naufrage du Saint-Philibert sur le site de la Cote de Jade, très riche de photos et documents
et plus bref sur Wikipedia

les loisirs en 1931 

Les ballades en voiture n’existent pas encore, car la France ne compte que 201 000 voitures en 1931, dont celle d’Edouard Halbert, le premier et seul en 1930 à posséder une voiture à Nantes Sud Loire St Jacques.
Mais le train existe, entre autres pour Pornic… ou l’été on peut prendre un bateau pour Noirmoutier.
Le Gois n’est pas encore pavé :
« Après un premier empierrement réalisé en 1868, le Gois est consolidé, balisé puis empierré dès 1924. Le pavage de la chaussée et la construction des balises-refuges interviennent entre 1935 et 1939 achevant de transformer le gué d’origine en voie d’accès à l’île mais aussi aux parcs ostréicoles de la Baie de Bourgneuf proches de cette voie. Le passage du Gois entre alors définitivement dans la légende attirant, chaque année, une foule impressionnante de curieux et de pêcheurs à pied. » 
On se déplace souvent en bateau et les Messageries de l’Ouest assurent beaucoup de liaisons par eau, plus nombreuses en été, et elles offrent même aux Associations des voyages spéciaux, à partir de Nantes, comme ce sera le cas avec l’association Loisirs au départ de Nantes sur le Saint Philibert.
Vous voyez sur leur annonce ci-contre qu’elles offrent plusieurs excursions qui étaient alors une découverte de loisirs pour la population Nantaise.

Nantes est une ville ouvrière, avec entre autres l’usine des Batignolles « offrant à une partie de son personnel des maisons individuelles avec jardin, l’accès à une école primaire, à un cinéma ou à un dispensaire. Alors que les cadres prennent possession de bâtisses en pierre, les ouvriers héritent de pavillons en bois au confort rudimentaire, et les célibataires, souvent étrangers, occupent des chambres dans des bâtiments collectifs ou des wagons désaffectés. Car l’Europe s’est donnée rendez-vous aux Batignolles, l’usine ayant recruté une partie de son personnel qualifié au-delà des frontières nationales, en Pologne comme en Allemagne, en Italie comme en Tchécoslovaquie ou en Autriche. »

 

 

Un dimanche à Noirmoutier, 1924 

Ma tante Odette Guillouard 15 ans est pensionnaire à Châvagnes à Nantes en 1924 et on lui impose la rédaction  : « racontez une belle journée »….  Je suppose que le temps employé était aussi imposé, car ce passé  que nous ne parlons plus me semble venu de très loin… Pour avoir bien connu ma tante, je puis vous certifier qu’elle ne parlait jamais ainsi, mais que ne lui a-t-on faire faire à l’école. J’appartiens à la génération qui n’a pas utilisé ce passé.
A travers ce récit je comprends pourquoi ma famille avait gardé un si grand souvenir du Saint Philibert, puisque mon grand père l’utilisait avec ses enfants, par chance, par beau temps… En 1924 Odette 15 ans, Robert 13, Thérèse 10 et Monique 4.

Mon premier voyage à Noirmoutier

Longtemps déjà papa nous avait promis un voyage sur mer, celui de Noirmoutier, et nous brûlions d’impatience depuis cette promesse de connaître ce nouveau pays et voici que ce jour si heureux et si ardemment attendu arriva.
Après avoir entendu la messe[1] de sept heures à la Bernerie, nous montâmes, papa, mon frère et moi à la gare  où nous devions prendre le train[2] de huit heures et demie.
Les billets pris, nous allâmes nous asseoir sur un banc car nous étions en avance de quelques minutes. A huit heures et demie le train arriva chargé comme de coutume de nombreux voyageurs. Après avoir freiné le train s’arrêta et le chef de gare cria de sa voix rude : « les voyageurs pour La Bernerie descendent , La Bernerie ». Les portières s’ouvrirent en grand nombre pour laisser passage à des gens descendant à La Bernerie. Nous montâmes donc dans un wagon[3] vide et nous entendîmes bientôt le sifflet, signal du départ. Nous ne fîmes qu’un petit voyage dans le chemin de fer, car nous ne nous sommes arrêtés qu’au Clion et puis ensuite à Pornic où nous devions descendre.
A la descente du train, nous nous sommes dirigés vers la porte de sortie, puis nous avons pris le chemin du bateau.
Nous passâmes par le port où les bateaux allaient et venaient sans cesse. Après avoir pris une sucette chez le patissier nous arrivâmes au bateau.
Neuf heures sonnaient lorsque nous prîmes place que le pont supérieur du bateau où déjà un certain nombre de personnes prenaient place. Nous attendîmes quelques minutes avant le départ du bateau lorsque tout à coup, le capitaine monta dans sa petite cabine. Le bateau siffla plusieurs fois, puis il démara. Nous sortîmes du port à une faible vitesse car nous accostâmes à la Noëveillard afin de prendre quelques personnes.
Vers neuf heures un quart, nous partîmes, en pleine mer pour ne plus s’arrêter qu’à Noirmoutier.
Le temps était radieux, la journée s’annonçait belle. Le ciel, couleur d’azur, ne présentait aucun nuage. La mer, loin d’être fougueuse et déchaînée semblait d’huile et le bateau ne secouait pour ainsi dire pas. Le trajet se fit sans encombre. Nous étions assis non loin des cheminées et de la chaudière, et nous voyions très bien le capitaine. La mer, boueuse à La Bernerie, moitié bleue à Pornic, devint bleu couleur du ciel, de plus en plus que l’on se rapprochait de l’île.
Plus le bateau avançait, plus l’île se découpait. En avançant toujours nous pûmes distinguer le bois de la Chaise, le grand Hôtel Beau Rivage. Le chemin se continuait toujours. Enfin nous voici arrivés. Le bateau fit une grande manœuvre et nous débarquâmes. Là, se trouvait des gens, un certain nombre, qui attendaient des voyageurs. Arrivés sur l’esplanade, une petit garçon, chargé de donner pendant la traversée des feuilles de réclame pour une hôtel, laissa tomber par mégarde sa casquette dans la mer, mais un bateau vint la prendre.
A la sortie de l’esplanade nous fîment notre entrée dans le bois. C’était charmant, ce petit coin était très pittoresque. A la sortie du bois, nous vîmes une grande plage s’étaler sous nos yeux occupée par quelques baigneurs.
Nous louâmes un sapin[4] qui devait nous mener au bourg même de Noirmoutier, mais il devait auparavant nous descendre à l’hôtel St Paul (ci-contre).
Arrivés à Noirmoutier, nous furent descendus auprès de l’église. Nous y entrâmes quelques secondes car c’était la grand’messe. Nous firent une petite promenade dans le bourg et nous visitâmes l’église la messe terminée, elle était très jolie. Elle renferme les restes de St Philibert mais comme la crypte était fermée nous n’avons pu visiter son tombeau. Ensuite nous avons pris le chemin de l’hôtel, car, je l’avoue, nous avions bien faim. Après avoir bien mangé, nous allâmes faire une promenade à pieds dans le bois. Il y faisait frais, il y faisait bon y respirer la suave odeur émanée par les pins ; nous avons examiné de près le phare rouge, nous avons vu un beau bateau à voile accoster.
Après s’être ainsi promenés, nous allâmes louer des ânes. L’on fit monter papa sur « La Parisienne », mon frère sur « Caroline » et moi sur « Martin ». Mon âne ne voulait faire que du trot et je l’avoue encore je n’étais pas très rassurée là-dessus.
Notre promenade à âne finie, nous nous sommes rafraichis puis nous envoyâmes des cartes postales. Quatre heures arriva bientôt, heure où le bateau retourne à Pornic. Nous partîmes très tranquillement prendre le bateau St Philibert. Assis sur le St Philibert, nous attendîmes le départ un bon moment. Notre attention se tourna vers la place près de laquelle sur la mer dormante de nombreuses périssoires[5] évoluaient. Une course de périssoires s’engageait, une dizaine participait au concours, mais les périssoires tournèrent près des rochers et ceux-ci nous interdisaient de suivre la course des yeux.
Après avoir fait entendre son appel, le bateau démarra et nous partîmes sur la mer encore plus tranquille et plus dormante que le matin.
Plus le bateau s’éloignait, plus l’île faiblissait à nos yeux, et, au contraire plus le bateau avançait plus la côte opposée devenait apparente.
Partis de Pornic sur le petit St Nazaire, nous revinrent à Pornic sur le grand St Philibert. Enfin après une heure de bateau nous accostâmes à Pornic à la Noëveillard. Nous allâmes à pieds jusqu’à la gare de Pornic où nous prîmes le train pour La Bernerie. Après un petit parcours de vingt minutes à peine nous entrâmes en gare de La Bernerie. De nouveau l’employé de gare crie : « les voyageurs pour La Bernerie descendent, La Bernerie ». Nous ouvrîmes la portière et nous descendîmes du train, nous sortîmes et nous partîmes heureux et contents du beau voyage de Noirmoutier.
Comme Noirmoutier est en face La Bernerie, j’essaie tous les jours à retracer les différents lieux où je suis passée car on voit très bien Noirmoutier de La Bernerie.
Odette Guillouard, non daté (mais ma famille situe ce voyage en 1924).
[1] Odette Guillouard est élève à Chavagnes, donc dans sa rédaction elle prend soin de noter un zèle religieux
[2] ce train existe toujours (voyez le site des TER Pays de Loire)
[3] non un « compartiment vide », car les wagons voyageurs de l’époque avaient de multiples portes latérales, une par compartiment.
[4] nom populaire du fiacre hippomobile, qui tire son nom du bois du véhicule
[5] canot

Un photographe de rue à bord 

Y avait-il un photographe de rues à bord du Saint Philibert lorsqu’il quittait Nantes à 6 h 30 pour Noirmoutier ? En effet, la France est pionnière de la photo de rues en 1930, et cette photo, transmise par Elisabeth, atteste une pose exceptionnelle car l’homme est seul (généralement en famille), il a une pose inhabituelle à l’époque, enfin la photo montre la bouée portant le nom SAINT PHILIBERT et est manifestement prise du pont inférieur, ce qui serait tout à fait un travail très rare en famille.
J’ajoute que ma famille a des photos de cette époque, mais bien moins nettes et plus posées en famille, donc j’émets cette hypothèse. Donc, je suppose qu’il y avait un photographe professionnel à bord, et que d’autres familles ont des photos de ce type. Si vous en avez vous pouvez les adresser (en supprimant les espaces : odile h @odile-h a lbert.com

Nombre et liste des naufragés 

Autrefois, seuls les adultes étaient comptés à l’embarquement, et ils étaient 457 à  bord, mais ils avaient avec eux des enfants, et même beaucoup, d’où le nombre plus élevé de victimes car les enfants étaient nombreux.
Liste des victimes sur Geneanet

Identification des victimes 

Certaines victimes ne furent identifiées que des mois plus tard. Voici l’exemple de Charlotte Martinetti épouse Tableau dont le père, corse né à Tasso fut gendarme à Douarnenez :


Etat-civil de Nantes 4°C : « Le 26 décembre 1931 nous retranscrivons le décès dont la teneur suit : Extrait du registre des actes de décès de la commune du Croisic (Loire-Inférieure) le 26 juin 1931 à 13 h 30 minutes nous avons constaté le décès d’une personne de sexe féminin qui a été trouvée ce jour en mer au large du phare de la Banche, par le bateau de pêche « Sam Both » n°612 de St Nazaire-Le Croixic, patron Jean Lehuédé, domicilié au Croisic, et dont l’identité n’a pu être établie. Le signalement est le suivant …. Dressé le 26 juin 1931 à 14 h sur la déclaration de Pierre Belliot, 41 ans, garde-champêtre, domicilié au Croisic, qui, lecture faite, a signe avec nous Auguste Masson, maire du Croisic – Mention en marge : Rectifié par jugement du Tribunal Civil de première instance de l’arrondissement de Saint-Nazaire, rendu le 4 décembre 1931, en ce sens que l’acte de décès ci-contre s’applique à Charlotte Martinetti, née le 3 octobre 1891 à Douarnenez (Finistère) de François et de Marie Antoinette Moracchini, épouse de Tableau Félix Joseph, institutrice publique, domiciliée à Nantes 25 avenue du Grand Clos, décédée en mer le 14 juin 1931 lors du naufrage du vapeur Saint-Philibert » Son corps est donc retrouvé le 26 juin au large du Croisic et on trouve son inhumation le 29 octobre 1931 au cimetière Miséricorde à Nantes, mais le jugement civil  n’est que le 4 décembre. J’ignore comment la famille a participé à l’identification… et je suppose que les frais, certainement élevés de transport des corps etc… étaient pris par les pouvoirs publics…

Seconde vie du St Philibert 

Renfloué et transformé en remorqueur sans les 2 ponts pour passagers en promenade, et rebaptisé « les Casquets », il part d’abord à Bayonne transporter des marchandises sur l’Adour. Il n’y restera pas, regagnera la Bretagne, sous divers noms, et ne sera désarmé qu’en 1979, soit 48 ans après son naufrage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le procès


Malgré une certaine lucidité en cour d’appel : « le Saint-Philibert était un bateau de rivière et d’estuaire, qui ne  possédait aucune des qualités nautiques pour effectuer par gros temps une excursion en mer avec un aussi grand nombre de passagers à bord »
la Cour d’Appel ne fera qu’enterriner purement et simplement la parodie de justice du tribunal civil de Saint-Nazaire et aucun responsable ne sera poursuivi…

 

 

 

La course aux grenouilles, départ 14 h 30 à la Croix des Herses, Nantes lundi 12 mai 1913

J’ai cherché la course aux grenouilles sur internet et seulement trouvé des vrais grenouilles et des contes. En y réfléchissant, je me suis dit que les grenouilles sautaient, et qu’en 1913, ce qu’on a appelé à Nantes Sud Loire « la course aux grenouilles » c’était une course en sac.  Autrefois la course en sac était en vogue pour adultes et elle fit même une apparition, certes non homologuée, aux J.O. en 1904 aux USA. De nos jours, elle est seulement un jeu de plein air pour les enfants. La course aux grenouilles de la Croix des Herses en 1913 était à 14 h 30, juste après le déjeuner et on sautait donc pendant la digestion !!!

Le poids des sacs était de 100 kg

En 1913 le sac de farine, tout comme le sac d’avoine pour les chevaux, fait 100 kg. J’ai 2 témoignages dignes de foi, qui m’ont transmis leur existence. Lorsque j’ai autrefois trouvé du travail à Nantes, c’était place François II à la Biscuiterie Nantaise et on y produisait encore des biscuits bien que de nouvelles usines, plus modernes aient été fondées à Vertou et Compiègne. Place François II existait encore la production à l’ancienne car sans silos et on voyait les innombrables sacs de 50 kg de farine. Je rentrais le soir par le tram, et à l’arrêt, je cotoyais une ouvrière très ancienne à BN, qui me racontait que les sacs de 50 kg en 1970 n’étaient que la moitié de ceux qu’elle avait connu dans sa jeuneusse, ceux de 100 kg.  J’ai au aussi des contacts avec un cousin issu de germain de mon papa, Michel Halbert qui a beaucoup échangé avec moi. Il me racontait  ses débuts dans la farine, et le poids des sacs. Michel Halbert était un homme très droit et digne de foi.
De nos jours, même les sacs de 50 kg sont interdits, et seul celui de 25 kg est autorisé. Notre monde évolue, et plus le travail s’est allégé, plus on fatigue vite, c’est du moins, ce que j’ai cru entendre ces derniers temps… sans toutefois comprendre…

Et des sacs, il y en avait à la Croix des Herses.

En 1913, Edouard Halbert est marchand de fourrages et avoine. L’avoine était alors en sac de jute de 100 kg. Il y avait encore des chevaux, mais la voiture commençait à leur enlever le travail et ils allaient disparaître de la traction des véhicules… Mais en 1913, il y avait des sacs de jute à la Croix des Herses… et c’est ainsi que le programme des fêtes de 1913, aux très nombreuses animations, donnait à 14 h 30 lundi 12 mai une course aux grenouilles à la Croix des Herses. Maintenant, je vais vous décrire les lieux à l’époque.

Les égouts empestent la route de Clisson

Je vous ai raconté que la route de Clisson était considérée comme « rurale » par la ville de Nantes : La ligne des nouveaux ponts : disparition des habitants de la Croix des Herses -Nantes 1930-1966

En 1901 il n’y avait aucun égoût et le quartier était une telle puanteur que le journal Le Phare de la Loire en parle le 10 juillet 1901. Je suppose que le crotin des chevaux  était ramassé pour fertiliser les terres maraîchères. Mais leurs urines devaient bien partir sur la rue, tout comme les déjections humaines.
Selon le journal, les déjections puantes étaient parfois curées par les cantonniers, mais ils se contentaient de les mettre sur le bord, et non de les enlever. Les habitants de la Croix des Herses se plaignent de payer les mêmes impôts que la rue Crébillon, mais n’ont pas les mêmes avantages.

En 1909 un certain BILLOT s’est même installé route de Clisson pour vendre ses fosses sceptiques à défaut de tout à l’égout et il fait sa publicité dans les journaux pour inciter certains à installer une fosse sceptique.
Par ailleurs, c’est en 1913 que MARLY, le miroitier qui fait aussi des salles de bain, s’installe à la Croix des Herses.

Et les animaux vagabondent

Même après la seconde guerre mondiale, les animaux vagabondent et les boeufs ne sont pas en reste. Et l’hôtel de la Maison Rouge leur sert de fourrière, sans doute car il y a une écurie pour les installer provisoirement.
Ainsi, non seulement on trouvait encore des boeufs sur la cote, mais il y en avait à Nantes en 1945 ! Voyez mes précédents articles sur les boeufs :
Les boeufs pour mettre à l’eau le bateau : Le Pouliguen 1910
Quand les boeufs tiraient le canon : Angers 1609

Vaches et chiens ne sont pas en reste.

 

 

Le chemin des Herses en mauvais état

Le chemin de la Gilarderie que j’ai connu dans les années 1945-1956, qui est devenu rue Georges le Mevel, n’est alors qu’un véritable chemin, trop étroit pour les voitures et en mauvais état. La maison où j’ai habité est tout juste construite par Edouard 1er Halbert, pour y finir ses jours, laissant la maison de la route de Clisson à son fils Edouard II. Cette maison débute la rue, existe encore, et  je vous en ai parlé :  La ligne des nouveaux ponts : disparition des habitants de la Croix des Herses -Nantes 1930-1966

Programme des fêtes de la route de Clisson 12 et 13 mai 1913

La fête du muguet n’existait pas encore sous ce nom en 1913. Elle a remplacé des fêtes de mai qui ne portaient pas encore ce nom de « muguet »
La fête du muguet avait lieu le 1er dimanche de mai avant 1948, date à laquelle le 1er mai est devenu fête du travail jour férié.
Une seule fête du muguet à Nantes et environs. Elle fut en 1922 à Pont-Rousseau, mais c’était le comité des fêtes de Nantes
Les cartes postales de 1922 sont toutes à Pont-Rousseau, car une seule fête à Nantes.
Il ne semble pas qu’il y ait existé une fête du muguet chaque année, du moins selon la presse.
D’autres villes ont fêté le muguet, et plusieurs sont sur Internet … Compiègne … Je viens de passer quelque temps sur les journaux de l’époque pour y voir les fêtes à Nantes Sud Loire, et je transmets le résultat à l’Association Nantes Sud qui en fera bon usage, mais je voulais vous parler de la course aux grenouilles car c’était l’une des innombrables distractions à la Croix des Herses de mon coeur !

DIMANCHE 11 MAI. – A 13 h 30 réception de la musique place Pirmil ; à 15 heures, réception par le Comité des fêtes des autorités de Nantes et de Saint-Sébastien au café Clergeau, route de Clisson, Chapeau Vernis (Les personnes qui désireraient y assister sont priées de retirer leur carte an café Clergeau.).
De 14 à 16 h 30, dans la prairie formant l’angle de la route de Clisson et du chemin Mauvoisin, kermesse de bienfaisance avec tombola gratuite au bénéfice du « Secours Immédiat Nantais ». Attractions diverses : exercices de gymnastique par la « Doulonnaise », concert par « La Lyre Fraternelle », « L’Antre des Sorciers » présentée par le professeur Bridge, comptoirs de fleurs, de surprises, de pêche à la ligne, etc.
Le billet d’entrée à la Kermesse donne droit au tirage de la tombola gratuite dont les principaux lots sont : un billet de 100 francs, un billet de 50 francs, un louis de 20 francs (billets en vente dans tous les bureaux de tabacs). Deux billets sont exigibles pour l’entrée à la Kermesse.
A 16 heures, au Chapeau-Vernis : lâcher de pigeons par le « Sport Colombophile ».
Le soir à 20 h 30 retraite aux flambeaux ; à 21 h 30, feu d’artifice.
Toute la Journée : bals dans les différents établissements ; jeux divers.
Au Lion d’Or, grande fête foraine ; exercices de gymnastique, concerts par « l’Avenir Musical ».
LUNDI 12 MAI. — Fête foraine et sportive ; bals. r
De 14 h à 18 h : Fête de gymnastique.
A 14 h : 1re course cycliste par le Vélo-Club Nantais (30 kilomètres). Départ : la Gilarderie.
A 15 h 30 : 2e course cycliste réservée aux Jeune gens du pays (20 kilomètres). Départ du Lion d’Or.
A 17 h : 3e course cycliste de vitesse par le Vélo-Club Nantais. Départ : la Gilarderie. (Arrivée des trois courses au Chapeau Vernis).
A 15 h. : course à pied (libre), départ route de Clisson (Croix des Herses), arrivée La Gilarderie.
A 14 h 30 : course aux grenouilles , départ : Croix des Herses ; à 16 h t courses à la bougie, départ : route de Clisson, chemin Mauvoisin.
Nombreux prix pour toutes les courses. Les inscriptions sont reçues au siège du Comité, café Quaireau, Le Lion d’Or, route de Clisson.
A 17 h. : La Gilarderie, jeu de la poële.
Pour les deux jours de fête le Comité organise entre les habitants du Quartier un grand concours de décoration et d’illuminations. Prix importants décernés par un jury spécial.
Lundi matin 9 h 30 : tirage de la tombola, café Jaunin, La Gilarderie.

Tout sur la Croix des Herses
La ligne des nouveaux ponts : disparition des habitants de la Croix des Herses -Nantes 1930-1966
Histoire de la Croix des Herses, Nantes
1815 : Mathurin Bonnissant, premier investisseur quartier Saint Jacques 
1840 : Les pierres réutilisées du moulin des Gobelets 
1840-2019 : Histoire du passage devenu « terrain abandonné » : rue Georges Lemevel, Nantes
1890 : les pâtes alimentaires ne vont pas manquer
1835-1901  : Les 6 moulins des Gobelets : Nantes Saint Jacques   –    Les moulins des Gobelets en 1835 (suite) : Nantes Saint Jacques   –   Les Gobelets, sans les moulins, devenus ouvriers : 1936     –     Le dernier meunier des Gobelets encore en action en 1901, Nantes Gobelets    –   Le dernier meunier des Gobelets encore en action en 1882, Nantes chemin de la Ripossière     –   Les meuniers des Gobelets encore en action en 1861, Nantes chemin de la Ripossière   –   Les meuniers des Gobelets encore en action en 1851, Nantes chemin de la Ripossière
et j’ai encore beaucoup d’autres articles sur NANTES SUD LOIRE que vous trouvez toujours en allant à NANTES SUD LOIRE sur mon blog
La miroiterie Marly route de Clisson, Nantes dès 1913

La soule, jouée autrefois à Monnières et Le Pallet (aux marches de la Bretagne sud), tenait plus du hockey sur gazon que du rugby.

En 1666, au décès de son épouse Jeanne Neau, Julien Forget, mon ancêtre, est dit « fermier des moulins du Plessis Guery ». Le moulin était autrefois sur la paroisse de Monnières, et est situé maintenant sur la commune du Pallet. Le moulin du Plessis-Guerry est en effet situé sur la Sèvre, rivière qui sépare les 2 communes.

Le seigneur du Plessis-Guerry, dont le moulin relevait, avait plusieurs droits qui m’émeuvent beaucoup.

Le seigneur du Plessis-Guerry avait droit de pêche sur des km de la Sèvre :

« Le 13 septembre 1544, lettres de maintenue, accordées par Henri duc de Bretagne, fils aîné du roi, reconnaissant à Jean Foucher, seigneur du Plessis-Guerry, le droit de pêche dans la Sèvre, depuis la Pierre-au-Coulon, près de la chaussée de Vertou, jusqu’au dessus de la chaussée du moulin d’Angrevier, près de Gorges, aussi loin que le meunier peut jeter un marteau de fer, pesant deux livres. »

C’est une distance impressionnante ! Je me demande bien comment il pouvait faire respecter ce droit ? Pire, je n’ai pas compris cette histoire de marteau lancé par le meunier pour mesurer la distance. Je savais certes l’existence d’un nombre incroyable de mesures, mais j’avoue que je n’avais encore jamais rencontré celle du marteau lancé par le meunier. Je sens que la prochaine fois que je verrai Alexandra Tavernier, notre championne de France, lancer son marteau, je songerai au meunier du Plessis-Guerry, Julien Forget, mon ancêtre.

Le seigneur du Plessis-Guerry avait des droits sur les mariés :

« Le 21 janvier 1522[1], haut et puissant Tanguy Sauvage fait aveu du domaine et herbergement du Plessis-Guerry à noble et puissant Christophe de Goulaine, seigneur du Pallet. Il est dit que le seigneur du Plessis-Guerry avait tous droits de haute justice, et que, sur sa juridiction, il lui était dû par les mariés de la Pentecôte, treize billards[2] et une soule[3] par le marié de Noël, un éteuf[4] tout neuf et une chanson, chantée par la mariée, à la Pentecôte suivante. »

Puisqu’il y avait 13 billards, c’est-à-dire 13 crosses, avec la soule, c’est que le jeu pratiqué à Monnières ressemblait au hockey sur gazon, enfin une sorte d’ancêtre du hockey sur gazon, car on devait sans doute jouer paroisse contre paroisse, mais je le vois mal ancêtre du rugby qui se joue sans crosse. Vous allez trouver sur internet beaucoup de sites qui donnent des infos variées et différentes, et je m’y suis perdue sans comprendre quelle région pratiquait le jeu à la main et quelle région le jeu à la crosse.

C’est la définition du dictionnaire de Marcel Lachiver qui me semble la plus claire, si ce n’est que Monnières n’est pas dans le Nord, mais bien aux marches Sud de la Bretagne : « La soule[5] : En Bretagne et en Normandie, balle de cuir, remplie de son, avec laquelle on jouait à la balle. Dans le Nord, boule de bois ou d’autre matière dure, qu’on poussait avec une crosse. »

 

 

[1] Paul de Berthou (Clisson et ses Monuments, Etude historique et archéologique, 1910) Extraits de l’Inventaire des archives du château de la Galissonnière.

[2] Un billard était un bâton avec bout recourbé en forme de crosse, pour pousser la boule ou soule. L’usage de ce jeu a persisté en Ecosse plus longtemps qu’ailleurs.

[3] La soule était une grosse boule de bois.

[4] L’éteuf était une petite balle ou pelote rebondissante, pour jouer à la paume.

[5] Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural, 1997

Livraison de 500 lanternes pour la foire du Marillais : Plélan 1547

J’ai déjà sur mon site des détails sur la foire du Marillais, qui se tenait 3 fois par an. Vous verrez sur la page de ce lien que j’ai aussi déjà mis sur ce site un acte qui décrit le vin abondant à la foire.
Ici, j’ai cru comprendre qu’on commendait près de Saint Malo 500 lanternes, mais je n’ai pas compris tout, et je vous mets l’original, car il semblerait qu’elles soient en vessie de porc, mais je n’en suis pas certaine.

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E2 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 6 juin 1547 en la cour du roy nostre sire à Angers en droit par devant nous Jehan Lemelle notaire d’icelle cour personnellement establiz Jehan Fleury demeurant en la paroisse de Plelan diocèse de st Malo pays de Bretagne d’une part, et Françoys Berard marchand demeurant à Angers d’autre part, soubzmetant confessent avoir fait et font entre eulx le marché qui s’ensuit scavoir est que ledit Fleury a vendu et vend par ces présentes audit François Berard qui a achacté de luy le nombre de 500 fusts de lanterne … à mectre …

    je vous ai mis entre crochets rouge le passage difficile sur les lanternes

selon l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert
S. f. (Grammaire et Art mécanique) il se dit en général d’une petite machine faite ou revêtue de quelque chose de solide et de transparent, ouverte par sa partie supérieure et fermée de toute autre part ; au centre de laquelle on puisse placer un corps lumineux, de manière qu’il éclaire au-dessus, que sa fumée s’échappe et que le vent ne l’éteigne pas. Il y en a de gaze, de toile, de peau, de vessie de cochon, de corne, de verre, de papier, etc.

le tout bon et marchant, lequel nombre de fusts dessus dit ledit Fleury a promis rendre bailler et livret audit Berard ainsi et par la forme et manière qui s’ensuit, scavoir est dedans la saint Jehan Baptiste prochainement à la foyre du Marillays ung cent ou plus et le reste en ladite foyre du Marillays …
et est fait le présent marché pour la somme de 20 livres qui est pour chacun cent 4 livres, quelle somme ledit Berard a promis paier audit Fleury en baillant et livrant lesdits fusts et fin d’iceulx fin de paiement, à ce tenir etc obligent eulx leurs hoirs etc foy jugement et condemnation etc présents à ce Jehan Anquetin et Loys Poylepail demeurant audit Angers tesmoins

Odile Halbert – Lorsque vous mettez mes travaux sur un autre site ou base de données, vous enrichissez leurs propriétaires en leur donnant toujours plus de valeur marchande dans mon dos

Il y avait autrefois beaucoup plus de jours fériés chômés que de nos jours : ainsi les jours fériés pour vendanges.

Non, non, ceci n’est pas un poisson d’avril, il y avait beaucoup plus de jours de jours fériés autrefois ! et même beaucoup plus.
Et tous ces jours n’étaient pas des jours religieux, voici une des preuves, et vous allez voir que cela n’est pas un poisson d’avril !

On trouve aux AD49 dans le registre 1B156, qui est le registre du greffe des insinuations, la preuve que les vendanges étaient jours fériés :

lundi 6 mars 1574
premier jour juridictionnel d’après les vendanges

Les baux à moitié évoquaient souvent que le bailleur serait accueilli pour les vendanges, et bien je pense que c’était un déplacement important des Angevins, et sans doute d’autre provinciaux. Or, le registre des insinuations atteste pleinement des jours fériés à cette occasion.

J »ajoute qu’en Anjou les vendanges sont tardives, et viennent donc se mêler au 1er novembre, qui était ici le lundi 1er novembre du calendrier julien 1574. Donc, il est vrai qu’il y a erreur de jour et que je comprends pas, mais je suis sure de cette magnifique marge.

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Les jours chômés étaient plus nombreux autrefois : suppression de 23 jours en 1693 dans le diocèse d’Angers

On ne disait pas « jours fériés » mais « jours chômés ».

chômer : Fêter, solenniser un jour en cessant de travailler. (Dictionnaire de l’Académie française, 4th Edition, 1762)

Les jours chômés, outre le dimanche, étaient fêtes religieusesn avec interdiction de travailler.
Cette interdiction était très forte, et j’en ai connu personnellement quelques rigueurs. Née en 1938, j’en ai conservé de puissants souvenirs, que je tiens d’abors à vous transmettre fidèlement, d’autant que pour les jeunes ils sont certainement totalement incompréhensibles.
Ma grand’mère paternelle fut une tricoteuse d’autant plus acharnée qu’elle eut 24 petits-enfants, soit 24 clients, avides de grandir, à une époque d’après guerre, où les boutiques ne distribuaient pas encore le tout jettable mais où on on tricotait le tout à long usage.
J’étais l’aînée d’une des tribus, dans laquelle nous étions tous habillés du même modèle, et ce jusqu’à un âge avancée de votre servante, soit environ 13 ans. Dans la rue, on pouvait nous compter à haute voix, et au Lycée mes congénères pouvaient admirer des modèles plus que rétros.
Cette méthode avait un grand avantage pour l’économie familiale, puisque tous mes vêtements passaient chaque année au suivant. J’avais le grand homme d’êtrenner tous les vêtements neufs ! Je passe sur les chaussures etc… et la lassitude des cadets… les pauvres !
Ma grand’mère m’appris vite à tricoter, et à participer à la création de mes vêtements. Mais ce faisant elle m’a aussi interdit avec rigueur de toucher aux aiguilles à tricoter le dimanche. Elle me disait que c’était un travail, et que Dieu l’interdisait. Bref, elle disait que c’était un péché de tricoter le dimanche. Ce n’est que vers mes 18 ans, éloignée de cette grand’mère, que j’ai pu m’affranchir de cet interdit.
De nos jours, je suis probablement plus attentive que d’autres aux discussions, négociations, et règlementations concernant le travail le dimanche. D’autant qu’entre-temps le dimanche est devenu pour beaucoup une grand’messe commerciale, où tout le monde se précipite faire les commerces pour rencontrer tout le monde et papoter avec tout le monde, exactement comme autrefois nos ancêtres quittaient au son des cloches leur domicile, pour se rendre à la messe et là, sur le parvis de l’église échanger longuement les nouvelles des uns et des autres et des récoltes. D’aucuns racontent même que les cabarets voisins ne chômaient pas ce matin là ! les messieurs y ayant la langue mieux déliée.

Donc, vous savez maintenant la puissance de l’interdiction autrefois faite par l’église de travailler les fêtes religieuses.
Or, ces fêtes étaient innombrables dans l’année, et contrairement à ce que vous vous imaginez sans doute, on travaillait moins de jours qu’en 2011. Beaucoup moins. Pourtant on travaillait le samedi.
Mais que faisaient nos ancêtres durant ces jours chômés, sans télé, sans Iphone, etc… Rassurez-vous, il avaient trouvé la solution, enfin la plupart d’entre eux, et les tonneaux se vidaient, les rues et les cabarets étaient lieu de débauches. D’autant que par « débauche », on entendait alors « chanter et danser », choses tout aussi interdites que le travail par l’église d’alors.

Remarquez, j’ai parfois le sentiment devant ma télé d’entendre des phénomènes qui y ressemblent fortement, preuve que cette télé, et tous ces « e » quelque chose, ne nous satisfont pas pleinement.

Ce qui suit est le récit rigoureux de la suppression de 23 fêtes d’obligation au XVIIe siècle dans le diocèse d’Angers. L’article que j’ai numérisé a été publié dans le N°48, tome 43 de la Semaine Religieuse du diocèse d’Angers, 1er décembre 1907

  • Suppression de 23 fêtes d’obligation au XVIIe siècle
  • Il y avait un grand nombre de fêtes chômées au XVIIe siècle. Une ordonnance du 18 février 1693, rendue par Monseigneur Le Peletier, évêque d’Angers, diminua le nombre des fêtes d’obligation dans le diocèse. Voici l’énumération des fêtes supprimées : Vendredi Saint, lundi de la Trinité, Saint Vincent, Conversion de Saint Paul, Saint Mathias, Saint Marc (l’après-midi), Saint Philippe et Jacques, invention de la Vraie Croix, Saint Barnabé, Visitation, Sainte Marie-Madeleine, Saint Jacques, Transfiguration, Saint Barthélemy, Saint Maurille, Dédicace de Saint Michel, Saint Luc, Commémoration des fidèles trépassés (l’après-midi), Saint Martin, Saint René, Sainte Catherine, Saint Nicolas, Saint Thomas, Saints Innocents.
    Au sujet de cette suppression, nous avons d’intéressants détails, qui nous ont été consacrés par le Maire d’Angers de ce temps-là, Mr François Grandet. La ville d’Angers a donné son nom à une de ses rues.
    Quelques jours avant la mort de Messire Henry Arnauld, évêque d’Angers, il se passa une chose assez mémorable entre lui et moi. Plusieurs personnes de considération et moi-même en particulier, en qualité de maire de la ville d’Angers, avions pris la liberté de lui remontrer la nécessité de retrancher plusieurs fêtes dans l’année, tant par rapport à la profanation que le peuple en faisait pas ses débauches que parce que les temps devenant durs, les artisans de la ville et le menu peuple de la campagne étaient obligés de travailler clandestinement ou souffrir de besoins. L’Evêque, par piété, n’avait pu se résoucre à finir sa vie par un endroit aussi éclatant, quoiqu’il fût bien persuadé de la nécessité de le faire et qu’il en fût même convaincu par l’expemple de plusieurs grands évêques des diocèses circonvoisins.
    Cependant, le besoin du peuple et particulièrement des artisans étant fort pressant, tous les corps de la ville sans exception se déterminèrent à lui en faire la très humble remontrance pour lui en faire connaître la nécessité absolue et indispensable. Ayant alors l’honneur d’être maire, on me fit celui de me charger de la députation vers Monsieur l’Evêque, avec MM. les quatre échevins qui étaient alors en place.
    Quoique personne ne parlât, dans ce temps-là, à Monsieur d’Angers, à cause de son indisposition, nous fûmes néanmoins introduits dans sa chambre, où nous trouvâmes le vénérable vieillard gisant dans le lit de la mort, puisqu’il décéda douze ou quinze jours après, dans sa quatre-vingt-quinzième année. Je lui adressai la parolle, au nom de tous les corps de la ville, qui m’avaient chargé de leur députation. Je lui dis que j’avais une parfaite connaissance de la répugnance qu’il avait eue toute sa vie pour le retranchement de quelques fêtes solennelles de l’année, qu’on avait attribué, dans le monde, cette répugnance à l’effet de son zèle et à l’attachement inviolable qu’il avait toujours eu aux cérémonies de l’Eglise, mais que les besoins du peuple étaient si pressants que j’avais été chargé de les lui faire connaîtré au point qu’ils étaient, afin que, rappelant le zèle qu’il avait toujours eu pour le soulagement de ce même peuple, il voulût bien faire, peut-être dans la dernière action de sa vie, un sacrifice de cette même répugnance qui serait la consommation devant Dieu d’une charité parfaite. Le bon Evêque, à mon abord, se fit lever sur son séant et me répondit, d’une voix faible, mais fort animée, qu’il avait toujours eu du zèle pour le soulagement du public, que son grand âge l’avait empêché, jusqu’alors, de faire attention aux remontrances qui avaient pu lui être faires en particulier, joint à une répugnance naturelle qu’il avait toujours eue de toucher aux fêtes de l’Eglise avait si sagement fait l’institution, mais, dès le moment que la voix de Dieu lui était connue par ma bouche, il sacrifiait avec plaisir toutes les difficultés qu’il pouvait avoir sur ce point au bien de ce même peuble qu’il avait toujours aimé tendrement, que son état et sa vue (étant depuis longtemps devenu aveugle) ne lui permettant pas de s’appliquer à une œuvre qu’il regardait la plus importante qu’il eût eue de sa vie et qui intéressait aussi fortement l’épiscopat, il chargerait un homme de confiance de ses intentions sur ce sujet et qu’il me priait de marquer à tous les corps de la ville la joie qu’il aurait de mourir en travaillant pour le soulagement de son cher peuple.
    Le sieur Raimbault des Préaux, prêtre, homme d’esprit et de mérite, l’un de ses confidents, fut chargé le jour même de travailler à l’Ordonnance pour parvenir à ce retranchement. Mais l’Evêque étant mort peu après, l’Ordonnance ne fut point publiée et la chose resta sans exécution. Elle n’a été consommée que dans la première année de l’épiscopat de Monseigneur Le Pelletier, son successeur, qui aurait eu la même répugnance d’y travailler et de commencer les fonctions de son épiscopat par un retranchement qu’il savit avoir autant répugné à Monseigneur Arnaud, si je ne l’avais assuré de ce qui s’était passé de la part de son précédesseur.
    Les mémoires de Francis Grandet ont été publiés en entier par l’Anjou Historique (n° de septembre et novembre 1990).
    F. Uzureau

    Et maintenant ? Vous voulez savoir si je tricole le dimanche ?
    Je crois que quelques uns qui me connaissent un peu ont la réponse : Ayant perdu mes épaules il y a bientôt 10 ans, je ne suis plus capable de tricoter.
    Par contre, je vous ferais remarquer que je suis encore capable de remuer mes doigts sur le clavier et de lire et vous retranscrire les actes que j’ai débusqués. Le tout est de savoir si cette activité est ou n’est pas un travail. Certes, je ne suis pas rémunérée, alors à vous de juger.
    Parce qu’il est clair que lorsque je ne suis pas en famille, il m’arrive de retranscrire le dimanche !

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