Il y a 100 ans : la crèche de Noël dans la tranchée de mon grand père Edouard Guillouard

ATTENTION, JE PRECISE ICI QUE CEUX QUI INTERDISENT PARTOUT LES CRECHES DE NOEL, NE SEVISSAIENT PAS ENCORE DANS LES TRANCHEES IL Y A 100 ANS.
HEUREUSEMENT

Noël dans la tranchée : la crêche, et à droite, Edouard Guillouard
14-18 au 84e R.I.T. carnet de guerre d’Edouard Guillouard, photos Leglaive
le tout au son des shrapnels qui sifflent, et mon grand père va vous en parler ci-dessous

 

J’ai 80 ans, et j’atteste ici que ce Noël avait profondément marqué ma famille, et j’en ai souvent entendu parler. Aussi, j’ai été heureuse il y a quelques années, de pouvoir rassembler et numériser les papiers de famille, qui s’éparpillaient à droite et à gauche au fil des partages. Puis, ces documents rassemblés, j’avais mis le tout sur mon site, dont j’extrais ce jour le Noël 1914, qui a tant marqué ma famille !
Et pour cause, mon grand père a alors 3 enfants, et il est au front alors que son frère Adrien, qui n’a pas d’enfants n’est pas au front. Mon grand père effectuera les 4 années en totalité au 84e R.I.

En ce Noël 1914, voisi la bouleversante lettre qu’il écrit à son frère Adrien, et c’est cette lettre, dont ma famille parlait si souvent.
Puisse cette lettre vous éblouir quant à l’immense grandeur d’âme de mon grand père ! Comme elle a toujours ébloui ma famille !

Noël 1914 : lettre à Adrien, son frère, inventeur, qui possède une usine à Nantes, et fabrique pour l’armée. Adrien n’a pas d’enfants, et est à l’arrière, tandis qu’Edouard qui en a 3 est au frond. La lettre témoigne d’une telle grandeur d’âme ! et pas une plainte !
L’usine existe toujours, et voici son site en 2014. Elle fut créée par mes oncles Adrien et Louis Guillouard, d’où le sigle ALG.

Mon cher Adrien ma chère Gabrielle
Merci de votre postal que je reçois juste à temps pour joindre à ceux de mes camarades. Nous sommes gâtés, je n’avais jamais contenté autant de friandises.
Hier soir nous avons fait un vrai réveillon, et je n’ose pas vous en envoyer le menu. Si à la guerre il y a de fort mauvais moments, il faut bien se distraire un peu, malgré que nous ayons bien souvent lieu de nous faire du chagrin.
Hier il ne manquait rien pour se distraire car après le réveillon, nous avons assisté à une messe de minuit peu banale. Dans un ravin de chemin de fer à 12 m des boches, un abris de paille recouvre un autel, quelques branches de houx et 6 bougies dans de simples chandeliers. Un lieutenant d’artillerie, prêtre, dit la messe servie par deux soldats d’artillerie. Cette cérémonie est magnifique dans sa simplicité et son pittoresque. A un moment une forte voix chante un minuit chrétien dans cette obscurité, c’est émouvant et je conserverai longtemps le souvenir de cette nuit de Noël.
Que devenez-vous ? Louis m’écrit que vous êtes très peiné.
J’espère que Adrien obtiendra un nouveau sursis, et ne viendra pas voir les tranchées qui n’ont rien d’intéressant tant que les boches seront en France, mais qui m’ont encore appris la guerre. Je crois qu’Adrien, inventerait quelque chose de nouveau s’il y venait, mais, je me contente de faire des abris et installer des poëles, que nous n’allumons que la nuit pour ne pas être repérés.
J’en ai assez de cette vie de guerrier et nous ne voyons pas la fin venir, nous n’avons pas grande occupation, mais nous ne pouvons nous absenter de notre poste et malgré que nous n’ayons pas eu d’attaques heureusement, mais nous devons toujours être prêts à prendre les armes, et le plus dangereux et le moins agréable, c’est que jour et nuit nous avons toujours l’artillerie allemande qui, répondant à la notre, envoit des srapmells au petit bonheur. Gare à ceux qui les reçoivent et malgré qu’il y ai plus de trois mois qui nous en voyons éclater près de nous, on ne s’y habitue pas. C’est comme les balles, c’est toujours désagréable de les entendre siffler aux oreilles, surtout quant je suis aux tranchées de première ligne, dans ma compagnie. Nous n’avons pas eu trop de mal surtout depuis le 4 octobre, pas de mort pas de blessés sur les 250 hommes, espérons que la compagne se termine ainsi.
Je vous ai écrit voilà un mois une longue lettre, et je n’ai pas eu de réponse. Veuillez m’écrire longuement, vous me ferez plaisir. Et, si votre générosité vous le permet, vous pouvez m’adresser un autre postal. Je vais même vous en fixer le contenu (pour vous guider simplement). : un gâteau Lefèvre-Utile, quelques friandises, cigares et jambon ou un beau pâté de foie gras (pas autre chose).
Car je crois nos mauvais jours passés, et les camarades avec qui je me trouve aiment bien les bonnes choses. La plupart sont des messieurs de situation au dessus de la mienne, mais ce qui n’empêche pas que nous sommes tous très liés et de véritables amis, avec qui j’ai tout de même eu des jours de misère, que nous compensons quand nous le pouvons.
En attendant le jour heureux où il me sera possible de retourner vers Nantes, ce jour ne sera pas aussi agréable que nous l’aurions souhaité au départ, car notre pauvre Joseph manquera parmis nous. Sa disparition me fait beaucoup de peine. C’était un bien bon garçon, et un excellent frère, il n’a pas eu de veine, espérons qu’il ne m’en arrive pas autant, car il ne faut qu’un coup et comme je vous l’écris nous sommes souvent arrosés par la mitraille.
Je termine ma lettre en vous offrant mes bons vœux de bonne année, je vous encourage sérieusement à faire votre devoir de bons français en travaillant au repeuplement et je souhaite de bonnes affaires à Adrien, mais avec des sursis.
A vous lire, votre frère et beau-frère qui vous embrasse affectueusement, Edouard

Et comme le chante si bien Charles Aznavour dans les Noëls d’autrefois, on chantait dans les églises MINUIT CHRETIEN. Nul doute pour moi que ce chant fut entonné là-bas en 1914. Pour l’entendre il vous suffit de taper « minuit chrétien » sur un moteur. En voici les paroles :


Minuit  ! Chrétiens, c’est l’heure solennelle
Où l’homme Dieu descendit jusqu’à nous,
Pour effacer la tache originelle
Et de son Père arrêter le courroux :
Le monde entier tressaille d’espérance
À cette nuit qui lui donne un Sauveur
Peuple, à genoux attends ta délivrance,
Noël  ! Noël  ! Voici le Rédempteur  !
Noël  ! Noël  ! Voici le Rédempteur  !
(Chœur)

Peuple, à genoux attends ta délivrance,
Noël  ! Noël  ! Voici le Rédempteur  !
Noël  ! Noël  ! Voici le Rédempteur  !

De notre foi que la lumière ardente
Nous guide tous au berceau de l’enfant
Comme autrefois, une étoile brillante
Y conduisit les chefs de l’Orient
Le Roi des Rois naît dans une humble crèche,
Puissants du jour fiers de votre grandeur,
Ah ! votre orgueil c’est de là qu’un Dieu prêche,
Courbez vos fronts devant le Rédempteur  !
Courbez vos fronts devant le Rédempteur  !

(Chœur)

Ah ! votre orgueil c’est de là qu’un Dieu prêche,
Courbez vos fronts devant le Rédempteur  !
Courbez vos fronts devant le Rédempteur  !

Le Rédempteur a brisé toute entrave,
La terre est libre et le ciel est ouvert
Il voit un frère où n’était qu’un esclave
L’amour unit ceux qu’enchaînait le fer,
Qui lui dira notre reconnaissance  ?
C’est pour nous tous qu’Il naît, qu’Il souffre et meurt :
Peuple, debout ! chante ta délivrance,
Noël  ! Noël  ! chantons le Rédempteur  !
Noël  ! Noël  ! chantons le Rédempteur  !

Comme Charles Aznavour, j’ai moi aussi entendu autrefois à l’église ce merveilleux chant, et je peux même préciser qu’il était a cappella en une seule et unique voix grave, qui retentissait solennellement dans l’église. Ma paroisse, Saint Jacques de Nantes, avait l’immense bonheur d’avoir un paroissien possédant une belle voix.
Puis, hélais, vers les années 1950, l’église dans un souci sans doute de modernité, a balayé tous ces beaux chants, et je suis de ceux qui le déplorent. Je le déplore d’autant plus, que, en tant que catholique, voulant me sentir solidaire des chrétiens d’Orient persécutés, j’ai écouté beaucoup de chants de là-bas, et stupeur, si je ne comprends pas leur langue, j’ai entendu des mélodies qui sont loin de m’être inconnues. Preuve qu’ils sont fidèles à leurs chants ! Oh merveilleuse fidélité !

Bon Noël à tous
Odile

et voyez aussi quelques uns de mes anciens Noëls sur ce blog :

Serrés l’un contre l’autre : leur Noël sans un signe des enfants

La bûche de Noël : Trefouel, Trefoueil, Trifoueil

etc…

11 juillet 1938

un jour pas comme les autres

La France se dote de la Loi sur l’organisation générale de la Nation pour le temps de guerre : Conditions générales dans lesquelles s’exerce le droit de réquisition etc…
Reims inaugure sa cathédrale restaurée
Howard Hughes a franchi l’atlantique en 16 h 35 min battant le temps de Charles Lindberg
le roi Georges VI va mieux
Jules Rossi remporte la 6° étape du tour de France : Bordeaux, Arcachon, Pau
la Conférence internationale d’Evian (6 -15 juillet 1938), à l’initiative de Roosevelt, réunissant les représentants de 32 pays pour trouver des pays d’accueil pour les 650 000 Juifs que l’Allemagne veut expulser. C’est un échec.
les Japonais attaquent les Soviétiques à la frontière sibérienne en déclarant que ces derniers ont violé la frontière Mandchourienne. Mais après 1 mois de combats, ils sont obligés de se replier.
Juden dürfen sich nicht an Kurorten aufhalten
la société allemande de construction aéronautique Bayerische Flugzeugwerke AG devient Messerschmitt AF

Rina Ketty chante J’attendrai
elle chante aussi Sombreros et mantilles
Fernandel Ne me dis plus tu
Mistinguette Mon homme
Maurice Chevalier Ah ! Si vous connaissiez ma pomme
Tino Rossi Sérénade portugaise
Edith Piaf C’est lui qu’mon coeur a choisi
Ray Ventura Qu’est-ce quon attend pour être heureux ?
Jean Sablon J’ai ta main
Jean Lumière le Tango chinois
Damia Johny Palmer
On danse le Tango.
Serguei Eisenstein réalise le film « Alexandre Nevski »
Marcel Carné « Quai des Brumes »
L’américaine Pearl Buck reçoit le prix Nobel de littérature,
tandis que celui de chimie est attribué à l’Autrichien Richard Kühn.
L’Italien Enrico Fermi reçoit le prix Nobel de physique et fuit l’Italie de Mussolini pour les Etats-Unis. Il va devenir en 1942 le père de la première pile atomique.
Des jours sombres se préparent, mais le sait-on déjà ! Deux yeux viennent de s’ouvrir à Nantes, qui vont vivre : les bombes, la cave, l’exode en charette à cheval à Gesté, maman criant « Hue Papillon ! » pour inciter le cheval dans les côtes, mais tout le monde descendant pour l’aider, puis Guérande, les Allemands au 1er étage nous au 2e jouant en silence, encore des bombes cette fois sur St Nazaire, qui font remuer la vaisselle à Guérande dans les placards, le retour en train qui met une éternité, il s’arrête partout, toutes fenêtres ouvertes pour mieux se tendre les bras et embrasser tout le monde, puis Nantes, notre première nuit collective sur des matelas sous un immense hall, encore toutes les embrassades, mais, les ruines, le pont de bateaux pour franchir la Loire, et le pont Transbordeur sur l’autre bras de Loire, l’arrivée des Américains lançant des chewing-gum, mon père rapportant le premier pain blanc, et le seul Benedicite qu’il récita jamais tant l’arrivée du pain blanc était important après les privations ! Puis la lycée, la correspondante Allemande, devenue amie depuis 58 ans, l’Europe qui se construit, la paix…

Oui, je suis née le jour où la France se dotait d’une pareille loi ! je suis née avant-guerre, comme on a longtemps dit après.

11 juillet 1938

un jour pas comme les autres

    • La France se dote de la Loi sur l’organisation générale de la Nation pour le temps de guerre : Conditions générales dans lesquelles s’exerce le droit de réquisition etc…
    • Reims inaugure sa cathédrale restaurée
    • Howard Hughes a franchi l’atlantique en 16 h 35 min battant le temps de Charles Lindberg
    • le roi Georges VI va mieux
    • Jules Rossi remporte la 6° étape du tour de France : Bordeaux, Arcachon, Pau
    • Conférence internationale d’Evian (6 -15 juillet 1938), à l’initiative de Roosevelt, réunissant les représentants de 32 pays pour trouver des pays d’accueil pour les 650 000 Juifs que l’Allemagne veut expulser. C’est un échec.
    • les Japonais attaquent les Soviétiques à la frontière sibérienne en déclarant que ces derniers ont violé la frontière Mandchourienne. Mais après 1 mois de combats, ils sont obligés de se replier.
    • Juden dürfen sich nicht an Kurorten aufhalten (en Allemagne, les Juifs sont interdits de séjour dans les stations thermales)
    • la société allemande de construction aéronautique Bayerische Flugzeugwerke AG devient Messerschmitt AF

et en cette année 1938 :

    • Rina Ketty chante J’attendrai
    • elle chante aussi Sombreros et mantilles
    • Fernandel Ne me dis plus tu
    • Mistinguette Mon homme
    • Maurice Chevalier Ah ! Si vous connaissiez ma pomme
    • Tino Rossi Sérénade portugaise
    • Edith Piaf C’est lui qu’mon coeur a choisi
    • Ray Ventura Qu’est-ce quon attend pour être heureux ?
    • Jean Sablon J’ai ta main
    • Jean Lumière le Tango chinois
    • Damia Johny Palmer
    • On danse le Tango.
    • Serguei Eisenstein réalise le film « Alexandre Nevski »
    • Marcel Carné « Quai des Brumes »
    • L’américaine Pearl Buck reçoit le prix Nobel de littérature,
    • tandis que celui de chimie est attribué à l’Autrichien Richard Kühn.
    • L’Italien Enrico Fermi reçoit le prix Nobel de physique et fuit l’Italie de Mussolini pour les Etats-Unis. Il va devenir en 1942 le père de la première pile atomique.

Je viens au monde en ce 11 juillet 38

Des jours sombres se préparent, mais le sait-on déjà ! Deux yeux viennent de s’ouvrir à Nantes, qui vont vivre : les bombes, la cave, l’exode en charette à cheval à Gesté, maman criant « Hue Papillon ! » pour inciter le cheval dans les côtes, mais tout le monde descendant pour l’aider, puis Guérande, les Allemands au 1er étage nous au 2e jouant en silence, encore des bombes cette fois sur St Nazaire, qui font remuer la vaisselle à Guérande dans les placards, le retour en train qui met une éternité, il s’arrête partout, toutes fenêtres ouvertes pour mieux se tendre les bras et embrasser tout le monde, puis Nantes, notre première nuit collective sur des matelas sous un immense hall, encore toutes les embrassades, mais, les ruines, le pont de bateaux pour franchir la Loire, et le pont Transbordeur sur l’autre bras de Loire, l’arrivée des Américains lançant des chewing-gums, mon père rapportant le premier pain blanc, et le seul bénédicité qu’il récita jamais tant l’arrivée du pain blanc était important après les privations !
Puis le lycée, la correspondante Allemande, devenue amie depuis 62 ans, l’Europe qui se construit, la paix…

Oui, je suis née le jour où la France se dotait d’une pareille loi ! je suis née avant-guerre, comme on a longtemps dit après.

Odile