Apothicaire, épicier et droguiste

Un inventaire à Angers en 1600, des délibérations conformément à leurs statuts, la liste des apothicaires en 1559 etc…

Je travaille depuis plusieurs jours sur ma page apothicaire, que je compte terminer ces jours-ci, tant les documents ont été abondants de 1559 à 1610 à Angers.
Et encore, ceux que je vous propose ne sont qu’une petite partie de l’iceberg ! Mais suffisants pour vous faire une belle image du métier à cette date !
Vous avez déjà l’inventaire complet en ligne, mais hélas l’inventaire est en latin et en paléographie (avec abréviations, et pas des plus faciles). C’est un exercice plus que difficile, même pour les surper-paléographes.
Je suis parvenue avec mes souvenirs d’ancienne chimiste à identifier certains termes, dont vous avez le lexique, mais je cherche pharmacien ayant tant libre, latinisant et susceptible de m’éclairier sur les termes qui ne sont pas encore identifiés.

Je termine également ce jour un énorme document .PDF qui donnera la liste des pharmaciens en 1559, les modes de fonctionnement de leurs statuts (élections, rejet de nouveaux venus), et un différent spectaculaire au décès de l’un d’eux, Denis Allain, dont le gendre Mareau, qui était aussi son collaborateur, n’est que droguiste et non maître apothicaire, et vous verrez qu’il n’a plus le droit d’exercer dans la boutique…

Et voici la question du jour :
Sachant qu’en 1559 la ville d’Angers compte environ 30 000 habitants (environ, car personne ne donne de bon chiffre), quel est alors le nombre d’apothicaires ?
Pour vous guider dans vos réflexions, j’avoue avoir été surprise du nombre relativement élevé d’apothicaires !
Et, actuellement, la France compte 115 pharmaciens pour 100 000 habitants !

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

Apprentissage d’apothicaire à Angers en 1609

Aujourd’hui journée nationale de la santé

mais aussi finale de l’open de tennis qui nous menait au jeu de paume, et le Grand Prix d’Amérique, qui nous menait au cheval. Ce sera pour une autre fois, car j’ai misé sur la santé, avec les études d’apothicaire en 1609.
Si vous avez lu mon billet sur les confiseries de Noël, souvenez-vous que c’était à Angers en 1633, la première trève des confiseurs. Avant 1632, les apothicaires ont le monopole du sucre et des confiseries.

Un apothicaire à Angers en 1609 doit connaître la pharmacopée, donc savoir lire et écrire, et, avoir une famille aisée, capable de lui payer 3 années d’apprentissage chez un maître apothicaire, pour la coquette somme de 200 livres, à laquelle il faut ajouter du taffetas pour faire une cape.
La Pharmacopée existe, et même en langue française depuis quelques décennies. Sur la page de garde de la Pharmacopée, publiée en 1580, il est écrit faite françoise par André Caille docteur médecin. Auparavant, c’était en latin… langue omniprésente dans les bibliothèques fin 16e siècle encore (nous voyons bientôt l’une d’elle). Cet ouvrage fourmille aussi d’épices, produits récemment importés des pays découverts, via le port de Nantes, dont le sucre.
J’oublie toujours en grande surface, devant le rayon des épices, à quel point leur histoire est extraordinaire à cette époque ! Et à quel point le goût de nos mets a changer, avec le sucre et les épices partout ! Jai même du mal à imaginer la vie sans, pas vous ?

Prudent, le maître prévoit dans le contrat d’apprentissage que toute absence de son apprentif (c’est le terme d’époque, avec un f final), est due, sans qu’il soit tenu de le faire rechercher. Et il n’oublie pas de rappeler qu’il est boutiquier en incluant une clause concernant la pratique, c’est à dire les clients. L’apprentis doit s’il en connaît potentiellement les donner à son maître.
Il est vrai que le mot apothicaire vient du grec boutique.
Visitez Angers, quartier de la Doutre, ex paroisse de la Trinité, et allez voir la maison de Simon Poisson, apothicaire fin 16e siècle.

Revenons au taffetas, payé par la famille, sous forme d’étoffe. Il est prévu pour une cape sans doute exécutée par la femme du maître apothicaire.
Enfin, la boutique de l’apothicaire est importante, puisqu’ils sont deux apothicaires, le maître et son gendre, et prennent un apprentis.

Je cours regarder la finale de tennis, à plus.
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Un cancer du sein en 1695

bien avant le dépistage

« Le 7.5.1685 la femme de Mr Decorce avocat mourut d’un abcès au téton, elle a souffert pendant plus d’un an, elle n’a point laissé d’enfants, elle s’appellait Gabrielle Gault » (TOYSONNIER Estienne, avocat au présidial d’Angers 1683-1714, Journal publié d’après le manuscrit n°883 de la bibliothèque d’Angers, AD49-BIB 3368)

Voici la famille de Gabrielle Gault :

    Laurent 3e GAULT « le Jeune » Sr de la Saulnerie °Angers StPierre 10.1.1594 †10.8.1669 Fils de Laurent 2e GAULT & de Jeanne MORINEAU. Avocat à Angers. x Angers St Maurille 11.8.1618 Jeanne LOYAUTÉ °Angers StPierre 4.6.1598 †idem 16.1.1672
    Philippe GAULT °ca 1619 †29.1.1688 Curé de la Tourlandry de 1640 à 1688, il y succède à son oncle Clément Gault.
    Jean GAULD Sr de la Grange °AngersStMaurille 30.11.1624 †5.1672/ Filleul de Catherine Gault fille de Laurent Laisné At à Angers & de Jeanne Traineau. x AngersSt-Maurille 21.6.1649 Charlotte LAUBIN Dont postérité
    Clément GAULT °AngersStMaurille 20.11.1625 Probablement †bas âge puisque en 1672 il n’est pas dans la succession.
    Laurent 4e GAULT Sr du Hardras & de la Saulnerie x 1646 Renée DELAHAYE Dont postérité
    Gabrielle GAULT x Angers StMaurille 3.2.1654 Guillaume DESCORE Avocat

Il est rare de trouver des notes médicales personnelles concernant le 17e siècle.

Nous avons fait des progrès, et beaucoup de règlements de la profession :
Le ministère de la Santé s’apprête à contacter par courrier, « dans les prochains jours » et pour un contrôle, environ 6 800 personnes venues passer un examen une radio des seins ou du thorax dans 5 cabinets de radiologie du Nord de la France, après que l’Inspection générale des affaires sociales ait remarqué des manquements aux règles d’hygiène relevés dans des cabinets de radiologie du Nord de la France.

L’actualité nous parle aussi de ce bon vieux (plus de 1000 ans) droit de remuage : l’UFC-Que Choisir, a publiée le 22 janvier, une étude sur le pactole que la hausse des prix des logements procure aux collectivités locales. Sur chaque vente, les communes perçoivent 1,2 % de la valeur du bien, les départements 3,6 % et l’Etat 0,2 %, ce qui majore le prix de 5 % pour l’acquéreur. Ces droits de mutation, certes perçus par les notaires au profit des collectivités locales, sont parfois improprement appelés « frais de notaire ».

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Heureusement que nos ancêtres buvaient du vin, du cidre, et mangeaient de la soupe

Heureusement que nos ancêtres buvaient du vin et mangeaient de la soupe.

Les registres paroissiaux sont la plupart du temps bien tenus, sauf en temps de guerre et d’épidémies. Mais ils montrent parfois un désordre inexpliquable. Tel est le cas de ceux d’Armaillé en Maine-et-Loire.
Aucune méthode n’étant de nos jours satisfaisante pour s’y reconnaître face à un tel désordre, même la très lourde indexation en ligne des registres comme le font certains départements, il m’est apparu nécessaire de conserver l’ordre matériel en retranscrivant totalement chaque acte, suivi du numéro de la vue numérisée et même du folio écrit manuellement autrefois.
Cette méthode me paraissait apte à aider au mieux le chercheur par la suite, dans cet immense fouilli laissé par les prêtres successifs. Ce fut un travail important et qui m’a pris beaucoup de temps.

Et puisque vous me connaissez, j’ai annoncé ce désordre inexpliquable en tête de mes relevés, en émettant des hypothèses :

    La collection communale donne deux registres paroissiaux contemporains mais ne se recoupant pas. Leur particularité est le désordre total, que rien ne permet d’expliquer si ce n’est sans doute le laisser-aller voire le vin de pays…. probablement confondu avec le vin de messe par les prêtres….A moins qu’ils n’aient utilisé des feuilles volantes, qui auraient été par la suite reliées pêle mêle ? A ce désordre, il convient d’ajouter la mauvaise tenue des actes, riches en blanc, voire totalement laissés en blanc…. Pire, les souris s’en sont mêlées…. et des passages entiers sont inexploitables car trop mangés.

Ceci n’est pas du goût de tout le monde, et je reçois le courriel suivant :

je suis un peu déçue de ce que j’ai pu lire sur (le mauvais état des registres de la commune d’Armaillé (49) ). En effet leur mauvais état n’est peut-être pas dû au vin de messe absorbé. Personne n’en connaît la vraie raison. Ne peut-on pas faire simplement de la recherche sans porter de jugement. Ne serait-ce que pour la descendance… J’aurais souhaité, que ce qui a été écrit sur les prêtres de cette époque soit retiré du site.

Je suis d’accord, personne ne connaît la vraie raison de ce désordre, cependant le fait de constater ce désordre n’est pas un jugement, et, ayant fait autant de dépouillements exhaustifs que j’ai fait, je suis en droit de constater ce désordre inexpliquable.
OK, je n’ai pas le droit ensuite de porter de jugement. Pourtant, autrefois, il valait mieux boire du vin que de l’eau, cette dernière étant rarement potable, donc bien plus dangereuse que le vin. En outre, l’alcool est une maladie de dépendance, donc le vin est une excuse bien plus jolie que l’incapacité à tenir correctement les registres.
Je plains cette correspondante qui ne s’est jamais posé cette question de la dangerosité de l’eau, et qui ne sait pas rire de ses ancêtres, même lorsque leur tenue ne fut pas comme on le souhaiterait de nos jours ! Ils vivaient une autre époque, plus rude… et l’essentiel est de se représenter les difficultés de cette époque, dont le manque d’eau potable.
Je suis moi-même catholique pratiquante, et je n’ai aucun problème à dire qu’autrefois boire du vin n’était pas une déchéance, c’était même une question de survie, même chez les prêtres. Partant il est aussi arrivé qu’il créé une dépendance, même dans leurs rangs, et il ne faut aucunement en avoir honte.

(longuement bouillie dans le chaudron, donc désinfectée).

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Une fouace le jour et fête des Rois : dans le bail

    « Une fouace de la fleur d’un boisseau de froment. »

En Anjou (et souvent ailleurs) les closiers et métayers (les paysans) ne possédaient pas leurs terres, mais la prenait à bail à moitié dit aussi bail à métayage dans cette province.
Dans ce bail, la moitié des fruits de la terre, c’est-à-dire des produits issus de son exploitation, revenaient au propriétaire, qui recevait aux 4 grandes fêtes, à son domicile, beurre, poulets, etc… soigneusement définis au bail. Nous y reviendrons.

Dans certains baux, sans doute ceux dont la terre était en partie cultivée en froment, ce qui était rare en Haut-Anjou, le propriétaire précisait :

    « Au jour et fête des Rois, une fouace de la fleur d’un boisseau de froment. »

Le terme utilisé est toujours fouace, et non fouée comme le donne l’ouvrage paru en 1993 (Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Région des Pays de Loire, Albin Michel, 1993).
Ainsi, dans le bail fait en mars 1599 par Guyonne Bonvoisin Dt à Angers à Symphorien Doesnau et Jacquine Denis sa femme, de la métairie de la Salle à St Saturnin (49).

Je le trouve même dès 1504 dans le bail du moulin à eau d’Armaillé. Ce qui fait 5 siècles (au moins) de fouace en Anjou !

La recette ne contenait pas encore de sucre, alors trop récemment découvert pour être connu des paysans, mais seulement sans doute lait, beurre et œufs. En fait une sorte de galette améliorée, que le bail de 1504 définit « une fouace, un gâteau ». C’est une

« sorte de pain fait de fleur de farine en forme de galette, et ordinairement cuit sous la cendre » (selon tous les dictionnaires anciens).
Mais au fait, elle devait contenir un boisseau de froment. Or, le boisseau était une mesure de capacité des grains, qui variait d’une seigneurie à l’autre, parfois de 11,31 à 13,58 litres. Il faisait donc en moyenne environ 20 livres de blé-froment, soit 9,8 kg. Mais cette quantité, élevée, ne s’applique pas à la fleur de farine, mais au froment avant passage au moulin. La phrase en effet dit bien : de la fleur d’un boisseau de froment.

Reste donc à trouver le rendement en fleur de farine d’un boisseau de froment pour avoir la taille de la fouace.

Sachant qu’autrefois un moulin à vent avait un rendement de 30 à 45 % en farine, la fleur de farine ne peut dépasser 10 à 20 %, donc 1 à 2 kg.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

Fleur de farine et pain blanc

Demain, pour la fête des Rois en Anjou (et ailleurs) nous avons besoin de fleur de farine.

La fleur de farine, tirée par le sas et bluteau, c’est aussi celle qui vole par les moulins, et se tient contre les parois, dite fole farine (Nicot, Thresor de la langue française, 1606) – c’est la plus pure, la plus fine farine que les Boulangers mettent en usage (Diderot, Encyclopédie)
C’était la partie la plus noble de la mouture du blé, celle qui n’était pas le pain quotidien de nos ancêtres, aussi avaient-il le proverbe « Ne mange pas tout ton pain blanc le premier ».

Née en 1938, je fais partie des petits Français qui ont découvert le pain blanc après la guerre. Nous étions de retour à Nantes après avoir fui les bombardements. Un jour, notre papa (je suis l’aînée d’une tribu), qui n’était pas fervent de prières quotidiennes, s’est levé de table, puis, solennellement, il nous a demandé d’en faire autant nous disant

    « mes enfants, nous allons mangé ce jour du pain blanc, remerçions Dieu »,

et ce jour-là, effectivement j’ai découvert le pain blanc. C’est ainsi que j’ai dit l’unique Benedicite de mon existence ! c’est dire s’il est resté gravé en ma mémoire !

Ce pain blanc n’avait rien à voir avec nos baguettes fantaisies actuelles, c’était une énorme miche, pesant 4 livres, que nous avons connu longtemps, longtemps encore.

Puis, le pain blanc est devenu tellement notre pain quotidien qu’on a réinventé les fibres et autres pains fantaisies, chers de nos jours aux boulangers et nutrionnistes.

Qui se souvient encore des privations de la guerre, des vertus d’un pain blanc quand on en manque, qui comprend le proverbe ?

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