Le perce-vin de François Audineau, boulanger à Clisson, selon son inventaire après décès en 1851

Introduction

Quand j’ai commencé à travailler en 1960 c’était loin de Nantes, à Bagneaux-sur-Loing, en Seine-et-Marne. Chimiste au labo avec 2 autres collègues, nous avions une femme de ménage polonaise, parlant un peu notre langue française. Quelques semaines après mon arrivée, je suis brusquement appelée au bureau du directeur dirigeant les labos chimiques et techniques et les recherches. Bref, pour une débutante, un entretien impressionnant.
A peine entrée, je reçois une réprimande claire :
« Veuillez parler Français à la femme de ménage ! »
mais que j’étais totalement incapable de comprendre. Et je ressors en bredouillant un grand OUI et en m’excusant sans comprendre ce qui se passait. Ce n’est que plus tard, en demandant aux 2 collègues au vestiaire, que j’ai su que la veille j’avais demandé à la femme de ménage quelque chose d’inconnu en Français, j’avais demandé le ramasse-bourriers. Et non seulement elle ne me l’avait pas donné, mais elle avait été se plaindre.
C’est ainsi que je découvris, ce qu’on ne m’avait jamais dit durant mes études, c’est que la langue Française avait parfois des termes locaux et non officiels désormais, et que le ramasse-bourrier s’appelait la pelle à ordures en Français. Je n’ai jamais oublié le ramasse-bourrier, mais rassurez vous, ce fut l’unique réprimande que j’ai reçue tout au long de ma carrière. Et depuis que je suis en retraite, j’ai pas moins de 5 ouvrages de patois locaux, que j’utilise souvent dans mes recherches surtout dans les inventaires après décès.

Me Michelon, notaire à Clisson en 1851, connaissait le perce-vin

En fait, Me Michelon était comme moi avec mon ramasse-bourrier à Bagneaux-sur-Loing en 1960, car lui, en 1851 connaît le perce-vin, terme qui est tellement local que même Georges Vivant dans son remarquable ouvrage « N’en v’la t’i’ des rapiamus – patois du pays nantais » ne le connaît pas.
Le perce-vin est à côté des bouteilles de vin au cellier. Il semble selon d’autres ouvrages que la perce soit une vrille, et je suppose donc que c’est le tire-bouchon qui est là auprès des bouteilles.
Et rassurez vous, je ne réprimande pas Me Michelon et suis très heureuse de le comprendre, suite à mon expérience du ramasse-bourrier, qui m’a fait grandir en langage local. Et comme Me Michelon était notaire à Clisson, pays de gros plant et de muscadet, il a certainement souvent vu lors des inventaires qu’il dressait un perce-vin près des bouteilles…
Ce perce-vin était à François Audineau, mon ancêtre, décédé en 1851 et dont ma famille possède l’inventaire après décès, que je suis occupée à vous frapper pour le mettre en ligne, tant il est caractéristique de son époque.
Alors, à bientôt, dans la boulangerie de la Porte Palzaise à Clisson en 1851 !
Odile

 

Rabouiner : attention à ce que raconte internet en janvier 2024, qui est faux

J’ai les livres suivants dans ma bibliothèque :
N’en v’la t’i des rapiamus !, Georges Vivant, 1980
Glossaire Angevin, CH. Ménière 1880
Lexique du patois vivant, Parlers et traditions du Bas-Maine et du Haut-Anjou, 1980
Glossaire du patois angevin et régional, Henri Boré, 1986
Glossaire des parois et parlers de l’Anjou, Verrier et Onillon, 1898

En tant que descendante d’Angevins, j’ai souvent entendu et même utilisé des termes inconnus du dictionnaire officiel de la langue Française, ainsi RABOUINER pour rabâcher, resasser toujours la même chose, selon moi, donc ce jour je viens de vérifier dans mes 5 dictionnaires et sur internet, et je constate qu’Internet raconte autre chose et qu’il faut donc s’en méfier car manifestement ce que n’a pas compris l’IA (intelligence artificielle) c’est qu’en France, il existait beaucoup de termes de patois locaux, et on ne peut en aucun cas utiliser une définition locale pour la transposer à tout autre région ou terme etc…
Rabouiner, comme je l’utilisais, figure bien dans le lexique du Patois Vivant du Bas-Maine et du Haut-Anjou, édition 198o et signifie bien rabâcher en grognant et grommelant.

Comme quoi, il faut encore utiliser les dictionnaires et se méfier d’Internet.

Un étranger autrefois était celui qui n’appartenait pas à la paroisse, et même au clan familial

Voici l’exemple d’un garçon de Campbon venu faire les vendanges à Maisdon, soit du nord de la Loire-Atlantique au sud du même département, et il est dit « étranger ». Voici ce que donne le Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) :
Qui n’appartient pas à une communauté donnée
Qui est d’un autre pays
Qui n’est pas du cercle de la famille, des proches

En Normandie on les appelait « horsain »

L’acte qui suit est à Maisdon le 4 octobre 1688 :

04.10.1688 … Pierre « un étranger qui estoit venu pour faire les vendanges en ce pays cy, lequel est décédé chez Me Nicolas Rabut marchand en présence de Pierre Macé, Vincent Martin de la paroisse de Bein, et Julien Lorain de la paroisse de St Sulpice évêché de Rennes, qui ont dit qu’il se nommait Pierre et qu’il était de Cambon. Il est à remarquer qu’il a été confessé par missire Bizeul vicaire de Monnières »

Sa compagne : manière plus que distinguée de dénommer l’épouse autrefois

Clisson était une petite ville très mondaine.

Je vous ai montré ces jours-ci que le château était habité au 17ème siècle. En outre, la paroisse du Château, celle de Notre Dame de Clisson, qui touche le château, avait chapitre et chanoines.

La population, plus que mélangée, comportait beaucoup de gens ayant des offices importants, la plupart à Nantes. Mais il y en avait même au Parlement de Bretagne, pourtant à Rennes, donc assez éloigné. Dans ces cas je suppose qu’ils y allaient quelques mois par an tout de même excercer leur office.

Tout ce petit monde, mondain, utilisait parfois, voire souvent, un vocabulaire mondain.

Ainsi, la retranscription que je fais actuellement du registre de Saint Jacques de Clisson utilise couramment le terme COMPAGNE ou lieu d’épouse.

Rassurez-vous, tout est légitime, et ce vocabulaire est uniquement bon chic bon genre, ou comme on disait quand j’étais jeune BCBG
D’ailleurs pour mémoire, lorsqu’un couple n’est pas béni par l’église en mariage, les baptêmes issus de ce couple soulignent tout à fait que l’enfant est illégitime, et le fait que tous les baptêmes mentionnent « et untelle sa compagne » pour mère de l’enfant est tout à fait légitime et signifie que le vocabulaire était un peu mondain.

 

Voici pour mémoire ce que donne le dictionnaire du Moyen Français sur le site ATLIF

4.

En partic. « Épouse«  : L’EMPERIÉRE. Ma chiére compaigne, ma seur, M’amour, mon solaz, or sui j’aise Quant je te voy. (Mir. emper. Romme, 1369, 310). Dame, je meismes vous menray La ou je vous espouseray Com ma compaigne. (Mir. Oton, c.1370, 336). …afin que au plaisir de Dieu nous [le duc de Bourgogne] puissions aler veoir en bonne prospérité mondit seigneur le Roy, ma dame la Royne, mon trèsredoubté seigneur monseigneur d’Acquitaine et ma trèsredoubtée fille sa compaigne (Doc. 1413. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 423). …nostre très chère compaigne la Royne (Doc. 1416. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.3, c.1425-1440, 155). Et la, vous et ma tresredoubtee dame de Calabre, vostre compaigne, quant il vous plaira de y aller, les dames vous y festoieront tresvoullentiers, ainssy que s’enssieut. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 63). Vous avez oy comment Jaques de Voisines m’a sa suer Ysmarie grandement blasonnee et loee ; se telle est, elle est comme je la demande et vueil pour estre ma femme et compaigne (Nouvelles inéd. L., p.1452, 2). Ma treschere compaigne et tresloyale espouse, je vous requier (C.N.N., c.1456-1467, 29). …et là sceut que madame sa compaigne estoit fort malade (GRUEL, Chron. Richemont L., c.1459-1466, 222). Je vous requiers et prie que Creusa vostre fille me voeilliés donner a compaigne (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 225). Toutesfois, messire Jacques, nous vous tenons bien estre recors des alliances de nostre très-cher et bien aimé fils de Navarre et de nostre très-chère et bien aimée fille sa compagne, laquelle est nièce de nostre très-cher et bien aimé le duc de Bourgongne, ensemble plusieurs alliances par nos ancestres et par elle acquises (Faits Lalaing K., c.1470, 152).

Aller en ville

Née à Nantes quartier Saint-Jacques, situé au Sud des Ponts, j’ai toujours entendu dire, et dis moi-même, et je redis encore, lorque je vais au centre de la ville de Nantes :

Je vais en ville.

Bon, je ne dis pas « je monte en ville » comme disaient les habitants hors Nantes, mais tout de même je m’exprime comme si je n’étais pas moi même en ville.

Et vous ?
Odile

Humaniste : Vertou 1692

Le parrain, Ancelme Chesneau, est dit « humaniste ».

Je suppose qu’il est étudiant et « fait ses humanités » ?