La banqueroute de Law dans les actes notariés et la série B

Ce billet était paru sur mon ancien blog le 23 janvier. Le voici, car il me semble au goût du jour…

Je tente souvent de coller ce billet à l’actualité (vos suggestions aussi seront bienvenues) : je lis ce jour « menace de récession », à laquelle je ne comprends rien.

Dans les actes notariés, j’ai appris à connaître le drame vécu fin 1720 par ceux qui s’étaient montrés confiants, dans le système de Law et ses billets.
Lorsque j’ai fait mes études (il y a plus du demi siècle), ce passage de l’Histoire m’était passé par dessus le bonnet : je ne réalisais pas à l’époque ce que signifiait une fortune qui s’effondre… En retraite, c’est à travers les actes notariés des mois qui suivirent la banqueroute de Law que j’ai mieux saisi la catastrophe qui avait déferlé. On y trouve des biens fonciers vendus dans l’urgence : des fortunes disparaissent… au profit d’autres.
Ainsi en fut-il du maître de forges de Riaillé, Rousselet, aussi fermier de la baronnie d’Ancenis, demeurant au château d’Ancenis. Son bail des forges datait du 15 février 1720 pour 9 ans (in BELHOSTE Jean-François et MAHEUX Hubert, Evolution d’ensemble des Forges au 15e et 17e siècles, Hypothèses générales, in Les Forges de Châteaubriant, Cahiers de l’inventaire, Loire-Atlantique 1984). Ses biens furent vendus, sa famille s’exila. La trace de ces ventes se retrouve dans les actes notariés de Châteaubriant et d’Angers, d’où la famille était originaire.
Un maître de forges et fermier d’une baronnie est très aisé, c’est dire qu’il n’était pas à l’abris. L’abbé Angot, dans son Dictionnaire Historique de la Mayenne, cite aussi à Laval des couvents de femmes ruinés, mais d’autres plus chanceux.
Il faut dire qu’autrefois une dette (le bail à ferme non payé par exemple) était immédiatement suivie du pire… c’est à dire la saisie de tous les biens et la prison n’était pas loin. Nous y reviendrons dans un document exceptionnel. Pas de Commission de Surendettement, qui aide de nos jours aide aussi bien des individus qui font tout pour ne pas y arriver et surtout ne pas se priver (sachant qu’ils seront impunis), que ceux qui sont réellement dans le besoin. L’émission TV de la semaine dernière donnait un cas curieux : la vente de la poussette pour en acheter une plus belle…, mais le droit au Surendettement…
Les banques de nos jours sont beaucoup plus patientes, voire aveugles, encourageant la situation… Autrefois, pour un bail non payé, tous les biens fonciers étaient immédiatement saisis, et confiés à un fermier judiciaire par décision de justice.
L’ordonnance de Blois, article 132, défend à tous avocats, procureurs, solliciteurs, greffiers, de se rendre fermiers judiciaires, ni cautions d’iceux. Le réglement du 27 Avril 1722, article 35, défend la même chose aux commissaires aux saisies réelles, & à leurs commis. Les femmes ne peuvent prendre un bail judiciaire, ni en être cautions.
En cas de main-levée de la saisie réelle ou d’adjudication par decret, le fermier judiciaire doit joüir des loyers de la maison saisie, & des revenus des terres qu’il a labourées on ensemencées, en payant le prix du bail au propriétaire, suivant un arrêt de réglement du parlement de Paris, du 12 Août 1664. (Diderot, Encyclopédie).

Donc les ventes par décision de justice ne datent pas d’aujourd’hui… Elles étaient seulement plus rapides autrefois… pour le moindre retard de paiment. Et la prison pour dettes a disparu.
Promis, vous aurez des cas concrets… de vente des saisies, de prison pour dettes…

Tant de lecture des actes notariés d’antant m’a déformée, et je suis incapable de lire ou voir un media actuel sans aussitôt me représenter ce que c’était… Je vis dans cette double culture permanente… et j’espère pouvoir vous y emmener au fil des billets. En tout cas ces billets sont pour moi l’occasion de voir les pages de mon site défraîchies, et de vous les remettre à jour. Ainsi celle de la banque.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

Commentaire paru dans mon ancien blog :
Bernadette, le 23 janvier 2008 : Mon commentaire ne porte pas sur la banqueroute car je ne connais pas grand’chose aux problèmes financiers. Je désire savoir 2 choses :
– en quoi consiste un trackback?
– quelle est l’origine du mot « couture » utilisée dans les temps reculés pour parler d’une terre cultivée, (d’où le terme de couturier pour l’exploitant de cette terre).

Dispense de consanguinité Boulais Boisseau, La Selle-Craonnaise, 1734

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série G
Voici la retranscription de l’acte : Le 2 mars 1734 en vertu de la commission à nous adressée par monsieur l’abbé Le Gouvello vicaire général de Monseigneur l’évêque d’Angers en date du 24 de février signée R. Le Gouvello, pour informer de l’empêchement qui se trouve au mariage qu’ont dessein de contracter Jean Boulais et Marie Boisseau tous deux de la paroisse de La Selle Craonnaise, des raisons qu’ils ont de demander dispense dudit empêchement, de l’âge desdites parties, et du bien précisément qu’elles peuvent avoir, ont devant nous commmissaire soussigné lesdites parties scavoir
ledit Jean Boulais, âgé de 22 ans et ladite Marie Boisseau âgée de 23 ans,
accompagnez de Jeanne Godebille veuve de Jacques Boulais père dudit Jean Boulais, Jacques Boulais son frère, Nicolas Pointeau et François Mauxion ses beaux-frères,
Jacques Boisseau frère de ladite Marie Boisseau, Jean Lepron son oncle, Pierre Salé notaire son beau-père, et Jean Boisseau son oncle, tous de ladite paroisse de la Selle fort ledit Salle qui est de la paroisse de Brain, qui ont dit bien connaître lesdites parties
et serment pris séparément des uns et des autres, de nous déclarer la vérité sur les faits dont ils seront enquis, sur le raport qu’ils nous ont fait et les éclaircissements qu’ils nous ont donné nous avons dressé l’arbre généalogique qui suit :

Michel Boisseau

  • Jacques Boisseau – 1er degré – André Boisseau qui a épouse Perrine
  • Françoise Boisseau qui a épousé Jacques Boulais – 2e degré – André Boisseau qui a épousé René Houdouin
  • Jacques Boulais qui a épousé Jeanne Godebille – 3e degré – Jacques Boisseau qui a épousé Marie Girard
  • Jean Boulais qui veut épouser Marie Boisseau – 4e degré – Marie Boisseau qui veut épouser Jean Boulais de laquelle il s’agit
  • ainsi nous avons trouvé qu’il y a un empêchement de consanguinité du 4 au 4e degré entre ledit Jean Boulais et ladite Marie Boisseau
    à l’égard des raisons et causes qu’ils ont pour demander la dispense dudit empêchement ils nous ont déclaré que la mère dudit Jean Boulais ne peut à présent lui donner plus de 200 livres et qu’après sa mort il pourra avoir 20 livres de rente
    que ladite Marie Boisseau peut avoir environ 40 livres de rente, que les biens des 2 parties sont proches l’un de l’autre qui par ce moyen seront une plus grande valeur et mettre ledit Jean Boulais en état de soutenir son petit commerce
    que depuis plus de 3 ans ils se sont recherché pour le mariage sans se scavoir si proches parents, qu’il y a depuis ce temps une grande amitié entre eux et que dans le pays ladite fille n’a point trouvé et ne pourroit trouver d’autre parti qui lui convienne et comme leur bien ne monte à présent qu’à la somme de 50 livres de rente ils se trouvent hors d’état d’envoyer en cour de Rome pour obtenir la dispense dudit empêchement, ce qui nous a été certifié par lesdits témoins ci-dessus nommés, et qui ont signé avec nous fors ladite Jeanne Godebille mère dudit Jean Boulais, ladite Marie Boisseau et François Mauxion
    fait et arrêté dans notre presbitère

    Cliquez sur l’image pour l’agrandir :Cette image est la propriété des Archives Départementales du Maine-et-Loire. Je la mets ici à titre d’outil d’identification des signatures, car autrefois on ne changeait pas de signature.
    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Contrat de mariage de Jacques Bernard et Françoise Adron, Pouancé, 1694

    Contrats de mariage retranscrits et analysés sur ce blog.

    Voici une clause que nous n’avons pas encore vue, et qui est contraire au droit coutumier : la clause de réversion.
    Selon le Dictionnaire de L’Académie française, 6th Edition (1832)

    RÉVERSION. s. f. T. de Jurispr. Retour, droit de retour, en vertu duquel les biens dont une personne a disposé en faveur d’une autre, lui reviennent quand celle-ci meurt sans enfants.

    Il s’agit de savoir ce que deviennent les biens propres de la future épouse morte sans enfants. Or, si on en croit le texte qui suit, il est écrit que ce serait son père qui revoir les biens. Je m’en étonne, et je me demande si il n’y aurait pas une coquille (cela arrive) dans l’acte, et si ce ne serait pas le mari qui serait héritier, sinon, pourquoi avoir introduit cette clause puisque selon la coutume les biens propres de la femme morte sans hoirs revenaient dans sa lignée.
    Pourtant le futur est notaire, et il est peu vraisemblable qu’il ait laissé passer une coquille, alors force est d’avouer que je ne comprends pas…

    L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales de la Mayenne, série 3E14. Voici la retranscription de l’acte : Le 20 juillet 1694 avant midy par devant nous Thomas Huault notaire royal en Anjou résidant à Craon furent présents en leurs personnes establis et duement soumis chacun de Me Jacques Bernard notaire de la baronnie de Pouancé y demeurant cy-devant paroisse de St Aubin d’une part,
    honorable homme René Adron Sr de la Bouillant et honorable fille Françoise Adron fille de deffunte Julienne Audouard, demeurant au village de la Bouillant dite paroisse de St Aubin de Pouancé d’autre,
    entre lesquelles parties a esté traité et accordé des pactions et conventions matrimoniales qui suivent par lesquelles lesdits Bernard et Adron se sont réciproquement promis et promettent la foi de mariage et iceluy solemniser en face de notre mère la Sainte église catholique apostolique et romaine si tôt que l’un en sera par l’autre requis tous légitimes empeschements néanmoins cessant
    auquel mariage ledit Sr Bernard entrera avec tous ses droits noms raisons et actions mobiliers et immobiliers,
    et au regard de ladite furure épouse ledit Adron son père a promis et s’est obligé luy donner en avancement de droit successif tant sur la succession escheur de ladite Audouard que sur la somme à eschoir la somme de 800 livres en argent, 8 jours après la bénédiction nuptiale dudit futur mariage, la somme 4 livres de rente foncière à luy due sur le lieu de la Petite Hunaudière paroisse de Fontaine Couverte, la somme de 121 L 10 sols à luy due par André Grandin et femme pour arrérages de ferme du lieu de la Bouillant, suivant l’acte au rapport de François Hergault notaire dudit Pouancé du 1er novembre 1687 lequel acte il mettra en mains dudit futut époux avec les titres justiticatifs de ladite rente de 4 livres le lendemain des épousailles
    et encore la somme de 200 livres en meubles meublants,
    laquelle somme de 800 livre demeurera et dès à présent stipulée de nature de propres immeubles à ladite future épouse ses hoirs et ayant cause en ses estocs et lignée parternel et maternel à laquelle ledit futur époux promet et s’oblige convertir en acquet d’héritages un an après la bénédiction nuptiale sinon et à défaut en a dès à présent constitué rentes sur tous et chacuns ses biens meubles et immeubles présents et futurs et à profit de ladite future épouse rachetable et au cas que ledit futur époux ferait obliger ladite future épouse vendant ou aliénant ses propres, il demeure tenu et obligé l’en acquitter et faire le remplacement des biens aliénés sur les siens par hypothèque de ce jour en cas de renonciation par ladite future épouse ses hoirs et ayant cause à la future communauté qui s’acquérera entre les futurs conjoints par an et jour elle reprendra tout ce qu’elle justifiera avoir apporté en ladite future communauté franchement et quittement
    oultre accordé que ce qui proviendra à ladite future épouse soit en ligne droite ou collatérale luy demeurera pareillement à elle aux siens réputé de nature de propres sans que lesdites choses puissent entrer en ladite future communauté
    et en cas de prédécès de ladite future épouse qui aurait délaissé des enfants qui viendraient ensuite à décéder ledit Adron s’est réservé le droit de réversion nonobstant le contraire porté par notre coutume, (voici le droit de réversion. J’ai du mal à comprendre littéralement à qui iront les biens)
    et pour justifier en quoy pourraient consister les effets de la succession future dudit Andron ledit futur époux demeure tenu en faire faire inventaire pour que le contenu en iceluy demeure comme cy-dessus est dit de nature de propre à ladite future épouse ses hoirs et ayant cause
    lequel futur époux a assigné à ladite future épouse douaire coutumier en cas d’iceluy advenant par ce que le tout à esté ainsi voulu consenty stipulé et accepté par les parties lesquelles à ce tenir etc obligent respectivement renonçant etc dont etc
    fait et passé à notre tablier présents Me Jacques Gastineau advocat et Pierre Doyen Me tailleur d’habits demeurant audit Craon témoins à ce requis et appelés,
    lequel futur époux a déclaré et affirmé que ses effets mobiliers et immobiliers vallent la somme de 3 000 livres

    Cette image est la propriété des Archives Départementales de la Mayenne. Je la mets ici à titre d’outil d’identification des signatures, car autrefois on ne changeait pas de signature.
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