A la Saint Jean Baptiste, on payait son loyer

La Saint Jean est un fête, mais c’était aussi un terme pour payer.

    Autrefois on ne payait pas au mois. Plusieurs fêtes de saints étaient des termes.
    Ainsi, la saint Jean Baptiste était un terme souvent utilisé pour les baux à louage, et allait de pair avec le terme de Noël pour les paiements en 2 termes.
    Ici, nous avons le prix d’une maison à Angers, pour 34 livres par an en 1521, ce qui est élevé et atteste une maison de maître.

Le 30 janvier 1521, devant Lefrère Nre Angers, Me Jullien Cormier se faisant fort de Jehan Cormier son frère Sr de la Rinière et Katherine Coural sa femme héritière de †Me Joachim Coural, ledit Me Julien Cormier a promis faire rattifier ces présentes audit son frère, baille à ferme à François Peheu et Mathurin Marseul Dt Angers une maison court jardin et étable sise en la paroisse de Sainte Croix près la porte de St Eloy, ainsi que la tenait ledit †Joachim Coural, pour 5 ans pour 2 termes de 17 livres à St Jean Baptiste et Noël

Le 22 mars 1646 devant Louys Couëffe notaire Angers, Me René Pétrineau, bail à louage à Me René Hiret Sr de la Grand Hée, un corps de logis appartenant audit Pétrineau, dans lequel demeure ledit Hyret, proche iceluy ou demeure ledit Pétrineau, composé d’une salle basse, 2 chambres au dessus un grenier, une cave voustée, à côté de laquelle salle est une petite cuisine à cheminée & un privé, pour 90 livres payables à la St Jean Baptiste. (René Pétrineau, le propriétaire, est le beau-frère de René Hiret, le locataire, qui est mon ancêtre. Tous deux sont avocats à Angers, mais René Hiret a conservé à Senonnes sa maison de famille où il va plusieurs mois par an vivre. Je sais également que cette maison est située sur la place de l’église de Saint Michel du Tertre à Angers. Le prix est le même que celui de la maison précédente, comptetenu des 125 ans qui séparent les 2 loyers, et l’inflation importante de ce siècle précisément, doublant les prix.)

Ces locations de maison de maître à Angers sont d’un prix élevé. Mais n’en concluez pas que le locataire n’a pas de biens immobiliers. En fait, il s’agit de familles qui possèdent des biens immobiliers sur leur lieu de naissance, et les ont conservé, tout en montant travailler à Angers, le plus souvent dans la judicature. Ainsi, on travaillait plusieurs mois à Angers (6 à 8 mois) puis on estivait très longuement sur ses terres. En fait, ce mode de vie des notables est un peu l’ancêtre des résidences secondaires, si ce n’est qu’on estivait bien plus longement que de nos jours.

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Bail à ferme de la closerie de l’Anglaiserie à Saint-Sylvain (49), 1571

L’Anglaiserie, autrefois l’Anglesserie, est située à Saint-Sylvain-d’Anjou, autrefois Saint-Silvin. Selon le Dict. de C. Port :

Elle appartenait en 1513 au docteur Jean Binel, après lui à Pierre Doisseau, et relevait de la Roche-de-Monteaux, dans la baronnie de la Haie-Joulain.

Le preneur du bail n’est pas un exploitant direct, mais bien un fermier, qui va bailler le bien à sous-ferme, probablement à moitié.

  • Il est très rare de trouver dans un acte notarié la superficie, et encore plus la superficie respective des différentes cultures. Cet acte est donc plus riche d’enseignements que d’autres baux.
  • Nous sommes en pays de vigne, et du meilleur vin, mais tout n’est pas planté en vigne, et la closerie est en polyculture. Les 9 quartiers de vigne, représentent 24,63 x 9 = 221,67 ares, soit 2,2 hectares. De nos jours, il faut 20 à 30 hectares de vigne pour en vivre.
  • Il élève de bêtes car 44 quartiers de pré font 10,5 ha, donc elles sont sans doute destinées à la vente aux bouchers sur Angers ou ailleurs.
  • Efin, il cultive 22 journaux de terre. L’Anjou utilisait plusieurs valeurs du journal et Michel Lemené, in Les Campagnes Angevines à la fin du Moyen-âge, donne 52,72 ares, ce qui fait 11,6 ha, donc une belle superficie.
  • Soit une superficie totale de 24,3 ha, ce qui est quasiement la taille d’une métairie et non d’une closerie. A titre de comparaison, Annie Antoine, in Fiefs et villages du Bas-Maine au 18e siècle, p.135, donne une superficie moyenne de 29,6 ha par métaire, sur une étude portant sur 558 métairies. Et de nos jours, la superficie moyenne d’une exploitation est inchangée (source INSEE)
  • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire.
  • Voici la retranscription de l’acte : Le 18 janvier 1571, en la court du roy nostre sire à Angers et de monseigneur duc d’Anjou fils et frère de roy endroit par davant nous Mathurin Grudé notaire de la dite court personnellement estably honneste personne Louis Jourdan marchand demeurant Angers d’une part, et Charles Doysseau aussi marchand demeurant audit Angers d’autre part,

    soumettant lesdites parties respectivement l’une vers l’autre confessent etc c’est à savoir ledit Jourdan avoir baillé par ces présentes à titre de ferme et non autrement audit Doysseau qui a pris et accepté prend et accepte audit titre de ferme et non autrement du jour d’huy jusque à ung an prochainement venant et finissant à pareil jour et an révolu,

    le lieu closerie et appartenance de l’Anglesserie situé et assis en la paroisse de Saint Silvin (Saint-Sylvain-d’Anjou) composé de 22 journaux de terre ou environ et 9 quartiers de vigne en ung tenant et de 44 quartiers de pré

    comme lesdites choses se poursuivent et comportent sans aucune chose en réserver à la charge dudit preneur de tenir et entretenir lesdites choses en bonne réparation ladite ferme et en payer les debvoirs et rendre ledites choses en bonne réparation laboureur garnir et ensemencer comme elles sont à présent

    à la charge oultre dudit preneur de payer pour ledit temps audit bailleur la somme de 200 livres tournois rendable en ceste ville d’Angers le jour et feste de Nouel prochainement venant, et auxquelles choses dessusdites tenir etc obligent lesdites parties respectivement l’une vers l’autre etc renonçant etc foy jugement et condamnation etc (cette somme de 200 livres pour une closerie, à cette date, est élevée, et atteste un bon rapport, dû manifestement à la vigne)

    fait et passé audit Angers en présence de honorable homme Me Jehan Allain Sr de la Barre advocat audit Angers et Guy Planchenault demeurant audit Angers tesmoin

    Bail à ferme d’une pièce de terre par Pierre Poyet, Segré, 1659

    à Courtpivert à Saint-Aubin-du-Pavoil (Archives départementales du Maine-et-Loire, série 5E)

    Trouver un acte notarié ne relève d’aucune méthode encore moins de chance, uniquement de longue, très longue patience et persévérance. En effet, nos ancêtres ne fréquentairent pas les notaires selon la même logique que la nôtre actuelle.

    Ainsi, un bail est toujours chez un notaire du lieu de résidence du propriétaire. D’ailleurs, le paiement que ce soit en nature ou en argent, est lui aussi toujours au lieu de résidence du propriétaire.

    Pierre Poyet est mon ancêtre. Il est arquebusier à Segré, et propriétaire de sa maison, ce que je sais par des successions bien plus tardives, puisque les notaires de Segrés sont tardifs. Ce bail, découvert par hasard à Angers, est un plus pour ses revenus.
    Pierre Poyet m’est cher, car c’est l’un de mes premiers travaux de recherches généalogiques autrefois, il y a très longtemps, du temps du papier crayon, du registre original et de la voie postale, bien longtemps avant les microfilms et internet. Or, en ce temps là, un autre généalogiste descendait d’un Pierre Poyet à Segré, et je l’avais contacté par postal. Dans ma lettre j’avais mis tout ce que je savais jusqu’à Pierre Poyet, mais j’avais omis de mettre le métier. Et ce généalogiste m’avait répondu « Madame, sachez que nous ne cousinons certainement pas car moi je descends d’un arquebusier, qui n’est pas n’importe qui ». A cette époque il est vrai, la généalogie était encore quasiement l’exclusivité des familles très en vue, et les autres, moins en vue, en étaient à leurs débuts ! Mais ce jour là, j’ai compris que la loupe mondaine sévissait beaucoup en généalogie.

    Voici la retranscription de l’acte : Le 17 février 1659 après midy, par devant nous Françoys Crosnier notaire royal Angers furent présents establiz et duement soubzmis noble homme François Renoul sieur de la Ripvière juge des traites et impositions foraines d’Anjou duché de Beaumont demeurant en cette ville paroisse St Pierre d’une part,
    et Pierre Poyet arquebuzier demeurant en la paroisse de la Magdelaine de Segré d’autre part
    lesquelz ont fait entreux le bail à ferme qui suit c’est à scavoir que ledit Sr de la Ripvière a baillé et par ces présentes baille audit Poyet ce acceptant audit tiltre pour le temps et espace de 5 années et 5 cueillettes entières et consécutives qui ont commencé dès la Toussaint dernière et finiront à pareil jour scavoir est un morceau de terre appelé le Chastellet vallée de Courpivert, audit Sr de la Ripvière appartenant, sittué en la paroisse St Aubin du Pavoil ainsy qu’il se poursuit et comporte avec ses apartenances et dépendances sans en rien réserver que ledit preneur a dit bien scavoir et cognoistre
    à la charge par luy d’en jouir et user durant ledit temps comme un bon père de famille sans y rien malverser, de le tenir en bonne et suffisante réparation de clostures ordinaires, desquelle il est contourné,
    ledit bail fait et convenu pour en payer et bailler de ferme par medit preneur audit sieur bailleur en cette ville la somme de 15 livres (cette somme laisse à penser que la pièce de terre est presque l’équivalent d’une moitié de closerie, d’ailleurs ce qui suit et que j’ai graissé confirme cette hypothèse, et cette terre était sans doute en grande partie en châtaigneraie) au terme de Toussaint premier payement commençant à la Toussaint prochaine et à continuer et un bouesseau de chastaignes et deux perdrix aussy par chacun an
    ne pourra ledit preneur couper ny esmonder aucun arbre fruitaux marmentaux ne autres par pied branches ne autrement fors les esmondables en temps et saison convenables une fois seulement pendant le présent bail, cédder tout ou portion du présent bail sans le consentement dudit Sr bailleur auquel il fournira a ses frais copie des présentes dans 8 jours prochains …
    fait et passé audit Angers en nostre estude présents Me René Moreau et Godier praticiens demeurant audit Angers tesmoings ledit preneur a dit ne scavoir signer

    Ce bail est très intéressant, car il illustre le louage (c’est ainsi qu’on appelait le bail à prix ferme) d’une pièce de terre, assez importante surement en superficie, qui n’est pas faite pour être le revenu principal du preneur, seulement un supplément de revenus. Le plus intéressant est qu’il combine le prix ferme (loyer de 15 livres) avec un don en nature (un boisseau de châtaignes et 2 perdrix). Ce qui signifie que Pierre Poyet avait le droit de chasser la perdrix sur cette terre. Certes, fabriquant d’armes, il était bien placé pour en avoir, mais autrefois le droit de chasse était règlementé et réservé au seigneur (j’y reviendra longuement)

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    Une fouace le jour et fête des Rois : dans le bail

      « Une fouace de la fleur d’un boisseau de froment. »

    En Anjou (et souvent ailleurs) les closiers et métayers (les paysans) ne possédaient pas leurs terres, mais la prenait à bail à moitié dit aussi bail à métayage dans cette province.
    Dans ce bail, la moitié des fruits de la terre, c’est-à-dire des produits issus de son exploitation, revenaient au propriétaire, qui recevait aux 4 grandes fêtes, à son domicile, beurre, poulets, etc… soigneusement définis au bail. Nous y reviendrons.

    Dans certains baux, sans doute ceux dont la terre était en partie cultivée en froment, ce qui était rare en Haut-Anjou, le propriétaire précisait :

      « Au jour et fête des Rois, une fouace de la fleur d’un boisseau de froment. »

    Le terme utilisé est toujours fouace, et non fouée comme le donne l’ouvrage paru en 1993 (Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Région des Pays de Loire, Albin Michel, 1993).
    Ainsi, dans le bail fait en mars 1599 par Guyonne Bonvoisin Dt à Angers à Symphorien Doesnau et Jacquine Denis sa femme, de la métairie de la Salle à St Saturnin (49).

    Je le trouve même dès 1504 dans le bail du moulin à eau d’Armaillé. Ce qui fait 5 siècles (au moins) de fouace en Anjou !

    La recette ne contenait pas encore de sucre, alors trop récemment découvert pour être connu des paysans, mais seulement sans doute lait, beurre et œufs. En fait une sorte de galette améliorée, que le bail de 1504 définit « une fouace, un gâteau ». C’est une

    « sorte de pain fait de fleur de farine en forme de galette, et ordinairement cuit sous la cendre » (selon tous les dictionnaires anciens).
    Mais au fait, elle devait contenir un boisseau de froment. Or, le boisseau était une mesure de capacité des grains, qui variait d’une seigneurie à l’autre, parfois de 11,31 à 13,58 litres. Il faisait donc en moyenne environ 20 livres de blé-froment, soit 9,8 kg. Mais cette quantité, élevée, ne s’applique pas à la fleur de farine, mais au froment avant passage au moulin. La phrase en effet dit bien : de la fleur d’un boisseau de froment.

    Reste donc à trouver le rendement en fleur de farine d’un boisseau de froment pour avoir la taille de la fouace.

    Sachant qu’autrefois un moulin à vent avait un rendement de 30 à 45 % en farine, la fleur de farine ne peut dépasser 10 à 20 %, donc 1 à 2 kg.

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