Chapeau verni : la petite fabrique de monsieur Legué route de Clisson, Nantes 1851

Au début du 19ème siècle, la route de Clisson, partie nantaise, était « PARTIE RURALE » de Nantes, selon le vocabulaire utilisé lors des recensements. Elle commençait au cimetière Saint Jacques pour se terminer par une petite maison servant d’atelier pour fabriquer des chapeaux vernis.

En effet, le lieu-dit que nous nommons aujourd’hui « CHAPEAU VERNI », était en fait alors l’ultime maison de cette route de Clisson. Là, un certain LEGUÉ possédait une petite maison servant de fabrique de chapeaux vernis.

Mr Legué demeurait 8 rue du Château. Il n’avait pas boutique de chapelier, à cette époque où le chapelier était aussi fabricant. Les chapeliers étaient nombreux à Nantes, tous situés sur Vertais, sur ce que nous appelons maintenant l’île Beaulieu. En fait leur petite industrie était assez chimique, peu agréable pour le voisinage. Aussi quand vint l’art de fabriquer le chapeau verni (cf ci-dessous) Mr Legué eut l’idée d’aller les fabriquer « hors Nantes », enfin dans la partie rurale de Nantes. Il devint donc sous-traitant des chapeliers nantais. Et tout le monde portait alors chapeau.

Son atelier tournait dans les années 1850, mais semble bien avoir cessé le chapeau dans les années 1870, sans doute sous la concurrence.

Sans toute Mr Legué ignorait-il à quel point son petit atelier allait marquer Nantes. En effet, en 2019, la TAN (transports urbains) et GOOGLE ne connaissent que lui. Ou plutôt, ils connaissent le « chapeau verni »  mais pas Mr Legué. Alors, je me permets ici de rappeler la mémoire de ce monsieur Legué qui a laissé à Nantes un lieu-dit si bien connu.

Et voici ensuite cet art, ou plutôt « mode », du chapeau verni, techniquement :

chapeaux vernis, Paris 1835

Bulletin de la société d’encouragement pour l’industrie nationale, 15 avril 1835

Rapport fait par M. Labarraque, au nom du Comité des arts économiques, sur la fabrique de chapeaux et visières de casquettes vernis, du sieur Vincent, impasse Duris, à Belleville.

Messieurs, le sieur Vincent, fabricant de chapeaux et de visières de casquettes vernis, vous a adressé les produits de sa fabrication, et vous avez renvoyé leur examen à votre Comité des arts économiques.

Le Comité, dont j’ai l’honneur d’être l’organe, a dû considérer ce genre d’industrie sous deux points de vue : 1° s’il est nouveau ; 2° quelle est son utilité.

La fabrication du cuir verni est connue depuis longtemps, et, assez généralement, on a cru queles chapeaux et visières de casquettes vernis étaient faits avec du cuir ; cependant, et depuis plusieurs années, on a substitué au cuir le feutre plus ou moins bien fait, et au moyen de procédés fort simples, et dont nous croyons devoir vous donner un aperçu exact, puisque toutes les opérations ont été pratiquées en notre présence, les ouvriers sont parvenus à livrer des produits solides, durables, et à très bon marché. Le sieur Vincent ne se déclare pas inventeur de son industrie, mais il a simplifié le travail de manière à le rendre profitable à un très grand nombre de consommateurs.

Pour confectionner un chapeau verni, l’ouvrier prend une calotte de feutre qui a été faite avec la laine la plus commune, de la bourre de vache, ou autres poils d’une très médiocre valeur. Ce feutre est mouillé et placé sur une forme ou moule en tôle : cela fait, on enduit d’une forte couche de colle de farine le feutre qu’on étend et fixe convenablement pour lui faire prendre la tournure voulue, et on porte le moule à l’étuve. La dessication effectuée, et si le feutre offre assez de consistance, on le recouvre avec une couche d’huile de lin rendue très siccative, et le chapeau est encore remis à l’étuve. Cette dernière opération est répétée plusieurs fois ; ensuite le chapeau est enlevé de dessus le moule en tôle, placé sur un moule en bois, qui lui-même est adapté à un tour, où l’ouvrier passe la pierre ponce pour donner au chapeau un poli convenable ; cette opération exige du temps et de l’attention ; cependant l’ouvrier qui travaille aux pièces, a un prix excessivement faible, peut encore gagner plus de trois francs par jour. Pour terminer le chapeau, il ne faut plus qu’appliquer le vernis, et c’est le travail du sieur Vincent, qu’il a exécuté en présence des membres du Comité. Il a pris pour cela un chapeau poncé ; il l’a brossé et essuyé ; puis, avec un pinceau dit langue de morue, il a étendu le vernis avec soin pour qu’il fût d’égale épaisseur dans toutes les parties, et il a accroché le chapeau dans une étuve. Au bout de 24 heures, ce chapeau a été livré à la consommation.

… (je vous passe le § sur les visières) …

D’après ce que nous venons d’exposer, on voit que l’art de fabriquer des chapeaux et visières de casquettes vernis a été formé par des emprunts faits à d’autres métiers, et le sieur Vincent, simple ouvrier, a modifié ces opérations de manière à travailler vite, bien et avec économie, dans le but de livrer ses produits à très bas prix ; ce qui, suivant nous, est très appréciable, puisque ces objets sont d’une si grande utilisé à la classe la plus nombreuse de la société ; et, pour le démontrer, il suffit de dire qu’un chapeau rond en feutre verni est livré en fabrique pour la somme de 1,60 F, et à un moindre prix encore si la forme en est plus faible en toutes ses parties. Les visières de casquettes vernies se vendent, suivant leurs formes et grandeurs, depuis 0,90 F jusqu’à 2 F la douzaine. Ainsi, un homme du peuple, voiturier ou autre, exposé aux intempéries des saisons, peut être préservé de la pluie et coiffé proprement pour 32 sous, et la durée de son chapeau peut se calculer à plus de deux années, de sorte que, pour 5 centimes par mois, il peut suffire à cette partie de son habillement sans avoir besoin de recourir, par économie, à l’achat de vieux chapeaux de feutre, qui peuvent avoir précédemment servi à des individus affectés de maladies de peau. Le possesseur d’un chapeau verni apprendra que, pour lui rendre son lustre, il n’aura qu’à le laver avec un peu d’eau pour enlever la boue et la poussière, l’essuyer avec un linge et le frotter ensuite avec quelques gouttes d’huile.

Le sieur Vincent, en fabriquant des chapeaux vernis à très bas prix, seconde nos vues. Sa modestie, en outre, mérite nos éloges ; car, s’il a osé solliciter votre bienveillance, cela tient à une particularité que le Comité des arts économiques m’a prescrit de vous faire connaître, et je remplis ce devoir. L’autorité locale a cru devoir ordonner, dans l’intérêt de la santé publique, la fermeture de la fabrique du sieur Vincent, lequel s’est soumis et a réclamé auprès de M. le préfet de police. Le Conseil de salubrité a été chargé de l’examen de cette affaire ; il a délégué un de ses membres, qui, en présence de M. le maire de la commune de Belleville, a fait exécuter toutes les opérations auxquelles se livre le sieur Vincent ; il en a démontré leur inocuité, et il a eu le bonheur de rendre, jusqu’à plus ample informé, le travail à huit ou neuf ouvriers que la misère allait atteindre. Ce délégué du Conseil de salubrité a dû s’informer du prix des chapeaux, de leur utilité, et la Comité des arts économiques, dont il a l’honneur de faire partie, l’a engagé à vous les soumettre, parce qu’il a cru que le fabricant et l’objet fabriqué méritaient votre intérêt, ce que leur examen a démontré.

En conséquence, votre Comité des arts économiques a l’honneur de vous proposer de remercier le sieur Vinvent de l’envoi de ses produits, de renvoyer le présent rapport à la Commission des médailles, et d’en ordonner l’impression dans le Bulletin de la Société. Approuvé en séance le 15 avril 1835.

chapeaux vernis, beaucoup de brevets

dont :

274 – 28 janvier 1845. Application, aux chapeaux, d’un réseau imperméable : Brevet d’invention de 15 ans, pris le 22 octobre 1844, par Allié aîné, fabricant de chapeaux à Paris, 21 rue Simon-le-France

495 – 14 février 1845. Chapeau mi-feutre verni drapé : Brevet d’invention de 15 ans, pris le 2 décembre 1844, par Guyot-Brun, fabricant de chapeaux, à Paris, 14 rue des Vielles Etuves Saint Honoré.

700 – 19 mars 1845. Procédé de fabrication de chapeaux vernis dit chapeaux vernis sur tissu delaine, fil ou coton, dit chapeaux rouennais : Brevet d’invention de 10 ans, pris le 9 janvier 1845, par Papion frères, fabricants de chapeaux vernis, à la Villes en Bois à Rennes.

etc…

 

PS : la chimiste que je fus ajoute que j’ai de sérieux doute sur l’inocuité des vernis utilisés alors.