Contre-lettre de Jacques Doisseau mettant Pierre Doisseau hors de cause dans l’achat des draps de laine de la boutique de feu Richer, Angers 1530

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E121 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 29 mai 1530, en la cour du roy notre sire à Angers (Jean Huot notaire Angers) personnellement establys honnestes personnes sire Jacques Doyseau marchand drappier et Marguerite sa femme de luy suffisamment auctorisée par davant nous quant à ce qui s’ensuit demourans en ceste ville d’Angers soubzmectant eulx et chacun d’eulx seul et pour le tout sans division de partie ne de biens leurs hoirs etc ou pouvoir etc confessent que à leur prière persuiasion et requeste et pour leur faire plaisir seulement honneset personne sire Pierre Doysseau sieur de la Millardière demourant en la paroisse de saint Pierre d’Angers s’est ce jourd’huy lié et obligé en leur compaignie et chacun d’eulx seul et pour le tout envers honneste femme Peronnelle Richer veufve de feu sire Colas Ganches aussi demourant Angers en la vendition de tous et chacuns les draps de laine estans en la bouticque dudit feu Colas Ganches et demourés de son décès vendus et transportés par ladite Richer auxdits establis et audit sieur Pierre Doysseau et à chacun d’eulx seul et pour le tout pour le prix et somme de 700 livres 11 sols 6 denniers, et combien que en ladite vendition iceluy Pierre Doysseau se soyt constitué achacteur desdits draps et ayt promis payer icelle dite somme de 700 livres 11 sols 6 deniers à ladite Richer ce néantmoins iceluy Pierre Doysseau n’a eu ne receu aucune choses d’icelle marchandise mais est tout demouré es mains desdits establis qui l’ont eu et toute prinse et appliquée à leur profit ainsi que iceulx establis ont dit et cogneu et confessé par devant nous, et tellement que d’icelles dites marchandises et draps dessus dits lesdits establiz se sont tenus à contens et en ont quité et quictent par ces présentes ledit Pierre Doysseau ses hoirs etc et partant ont promis doibvent et par ces présentes sont demeurés tenus lesdits establis et chacun d’eulx seul et pour le tout sans division et icelle dite somme de 700 livres 11 sols 6 deniers tz pour l’achapt desdits draps rendre et paier à ladite Richer ses hoirs etc aux jours et termes et selon qu’il est contenu par ladite lettre et obligation sur ce faite et passé, et oultre acquiter garantir et descharger ledit Pierre Doysseau ses hoirs etc du contenu de ladite obligation et pour ce le garder de toutes pertes despens dommages et intérests, auxquelles choses dessus dites tenir etc et aux dommages etc obligent lesdits establis etc eulx et chacun d’euls seul et pour le tout sans division à prendre vendre etc renonçant par davant nous aux bénéfices de division de discussion d’ordre de priorité et postériorité et à toutes et chacunes les choses etc et par especial ladite Marguerite au droit velleyen elle sur ce de nous suffisamment acertene et de tout etc foy jugement et condemnation etc présents à ce honorable homme et saige Me Lancelot Alexandre licencié es loix sire Charles Grimaudet marchand apothicaire et Jacques Richer tous demeurant à Angers tesmoins, ce fut fait et passé Angers en la maison de ladite Richer les jour et an susdits

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René Lemelle et Pierre Ragot son beau-frère étaient associés pour la vente de draps de laine, Angers 1591

et ici, à travers l’un de leurs impayés, on découvre qu’ils ont mis fin à leur association et se sont partagés les impayés. C’est ahurissant ! Je vous avais déjà mis beaucoup d’achats de draps de laine ou de soie à crédit, mais il semble bien que le paiement comptant était très rare, et le crédit la pratique habituelle !!!

J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E1 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :
Le 13 avril 1591 avant midy en la cour du roy notre sire à Angers endroit par devant nous Françoys Revers notaire d’icelle personnellement estably Françoys Du Grand Moulin escuyer sieur du Grand Moullin demeurant en la paroisse de Challain estant à présent demeurant en ceste ville d’Angers paroisse de la Trinité, soubzmectant confesse debvoir et par ces présentes promet rendre payer et bailler en ceste ville d’Angers dedans le jour et feste de Toussaint prochainement venant
à honneste homme René Lemelle marchand demeurant audit Angers paroisse ste Croix à ce présent stipulant la somme de 75 escuz sol poru demeurer ledit sieur estably quite vers ledit Lemelle de pareille somme en laquelle ledit estably est tenu et redevable vers honneste homme Pierre Ragot aussi marchand demeurant audit Angers beau-frère dudit Lemelle, tant par une cédule montant la somme de 44 escuz du 24 mars 1589 signée Du Grand Moullin, que par plusieurs partyes durant la communauté desdits Lemelle et Ragot, revenant le tout à la somme de 75 escuz sol, et le tout à cause de marchandise de draps de layne vendues baillées et livrés auparavant ce jour tant par lesdits Ragot que Lemelle audit sieur estably comme il a confessé par devant nous et dont et de la livraison de laquelle marchandise ledit sieur estably s’est tenu à content, et auquel Lemelle seroit demeurée ladite cédule des partaiges fait entre luy et ledit Ragotdes obligations et cédules faites entre eulx ou l’un d’eulx durant leur association et communauté, et demeurent ladite cédule, partyes et autres escripts d’entre les partues et mesmes les quictances et acquits que ledit Lemelle ou Ragot ou l’un d’eux ont et peuvent avoir cy devant baillés audit sieur estably sans effet au moyen des présentes qui demeurent en leur force et vertu, laquelle cedulle et parties telles que dessus ledit Lemelle a présentement rendus audit sieur estably qui les a eues prinses et receues en notre présence et à veue de nous, au poyement de laquelle somme de 75 escuz sol ledit sieur estably soy ses hoirs etc a prendre etc renonçant etc foy jugement et dondempnation etc fait Angers maison dudit Lemelle en présence de François Raoul serviteur domestique dudit Du grand Moulin et honneste homme Julien Boudere maistre tailleur dabitz demeurant audit Angers tesmoins

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Draps de laine impayés, sans doute à cause des troubles, Angers, 1592

Cet acte nous apprend que quelques habitants de Challain sont réfugiés à Angers en 1592, année de troubles civils.

    Voir ma page sur Challain-la-Potherie
Challain-la-Potherie, collection particulière, reproduction interdite
Challain-la-Potherie, collection particulière, reproduction interdite

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E1 – Voici la retranscription de l’acte : Le 02 avril 1592 avant midy en la court du roy notre sire à Angers endroit par davant nous François Revers notaire de ladite court personnellement establi François Du Grandmoulin escuyer sieur du Grand Moullin en la paroisse de Challain estant à présent demeurant en ceste ville d’Angers paroisse de la Trinité,
soubzmectant etc confesse etc debvoir et par ces présenes promet payer et bailler en ceste ville d’Angers dedans d’huy en ung an prochainement venant à honneste homme René Lemesle marchand demeurant Angers paroisse Sainte Croix à ce présent stipulant et acceptant la somme de 105 escuz sol vallant 315 livres quelle somme et à cause de marchandye de draps de layne par ledit Lemesle vendue baillée et livrée audit Du Grandmoulin

    drap signifie alors TISSU, et il faut comprendre que Du Grandmoulin a acheté du tissu de laine pour faire tailler des habits. Pour cette somme, assez élevée, on peut supposer que ce sont plusieurs habits, un peu comme si c’était pour une noce ou autre occasion de faire faire plusieurs vêtements.

tant par 2 obligations passées par devant nous les 13 et 21 avril 1591 depuis lesdites 2 obligations jusques à ce jour, lesquelles 2 obligations demeurent nulles et sans effet du consentement dudit Lemelle par le moyen des présentes et au contenu en icelles qui demeurent en leur force et vertu et est ce fait sans toutefois desroger ne préjudicier par lesdites parties à la priorité et hypothèque desdites 2 obligations cy-dessus mentionnées, de laquelle somme de 105 escuz sol s’est ledit Du Grandmoulin obligé soy ses hoirs etc à prendre vendre etc renonczant etc foy jugement condamnation etc

    on peut supposer, au vue de la dernière phrase de cet acte, que Du Grandmoulin est réfugié à Angers à cause des troubles et que, toujours à cause des troubles ses finances vont assez mal, au point qu’il ne peut honorer le paiement des draps de laine qu’il a achetés depuis plus d’un an, et cet acte est en fait un report de délais de payement octroyé par vendeur

fait et passé Angers maison dudit Lemesle en présence de Pierre Delalande praticien demeurant Angers et Pierre Cocandeau demeurant audit Challain et à présent réfugié en ceste ville d’Angers à cause des troubles avec ledit sieur Du Grandmoulin

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Quand mon grand papa mourra j’aurai sa culotte de drap ! Qu’est ce que le drap à l’époque ?

Voici cette chanson ancienne, comptine, telle que mémorisée à Nantes, grâce au commentaire laissé avant-hier sur ce blog. Merci à vous ! La version chantée est sur la page du drap de laine.

Quand mon grand papa mourra j’aurai sa vieille culotte
Quand mon grand papa mourra j’aurai sa culotte de drap
Oui j’aurai sa ch’mise et sa casquette
Oui j’aurai sa dépouille complète
Quand mon grand papa mourra j’aurai sa culotte de drap

Manifestement il n’existe que ce couplet, comme dans d’autres ritournelles anciennes, telle Une poule sur un mur, etc… Elle est beaucoup moins connue car le sujet est difficile à comprendre de nos jours, voire terrifiant pour des enfants habitués maintenant à changer de tenue chaque jour.

Autrefois, tout était fait pour durer, donc un tissu devait être résistant. Lors d’un décès, le notaire dressait un inventaire estimatif. Quelques jours plus tard avait lieu dans la maison même du défunt, une vente publique, aux enchères, lors de laquelle les voisins venaient acquérir tous les objets et vêtements, un par un, quelque soit l’état d’usure, scrupuleusement noté. Les vieux poêlons, les vieux tabliers, les vieilles vestes, tout partait refaire ailleurs une seconde vie, voire une troisième ou quatrième vie.
Je suis née, comme on disait dans les années 50, avant-guerre. Même après la guerre, et durant de longues années, ma principale activité de petite fille fut de mettre des pièces carrées pour réparer les vêtements de travail de mon papa, retourner les draps avant l’usure totale : on les coupait par le milieu en longueur, puis on faisait à la main, un mince surjet pour lier les deux bords moins usés, devenus le milieu et assurant quelque temps encore la résistance du tissu.
N’allez pas en conclure que j’étais dans une famille pauvre, pas du tout. Ce qui signifie que ces pratiques étaient le lot de l’immense majorité des Français.
J’ai de quoi parler pendant des heures de toutes ces récupérations… qui feraient l’objet d’un billet entier. Mais revenons au drap de la chanson-comptine.

Le drap de la chanson devait être non seulement résistant, mais aussi chaud, car nous avons vu que les fenêtes étaient sans vitre.
Il fallait donc des vêtements plus chauds que ceux que nous portons aujourd’hui. Le terme drap est devenu pour nous au fil des siècles un faux-ami, car nous l’utilisons uniquement pour désigner un drap de lit.
Le drap fut longtemps une étoffe de laine. Par extension, on dit Drap d’or, drap de soie, Étoffe dont le tissu est d’or ou de soie.
La fabrication du drap est liée au très ancien élevage du mouton. L’homme inventa de multiples façons de le tisser, mais l’achèvemement consistait à fouler, laver, lainer etc… ce qui était fait dans les multiples moulins à foulons qui ornaient autrefois nos rivières.
Notre drap de lit fut longtemps Linceul : drap de toile qu’on met dans un lit pour se coucher, et pour ensevelir. C’est ainsi qu’il est désigné encore dans des contrats de mariage ou inventaires après décès, mais en Anjou, je trouve toujours le terme plus moderne de drap pour désigner les draps de lit.
Dès 1639, dans mon plus ancien inventaire après décès mis en ligne il y a quelques années, les draps de lit sont désignés ainsi : 18 draps de toile de brin de 8 aulnes 44 L \ 16 draps de toile de brin en brin 22 L \ 12 essuiemains de grosse toille 2 L 10 s (Inventaire après décès de Madgeleine FEILLET, hôtellerie de la Fleur-de-Lys, La Membrolle 1639)
Un linguiste vous expliquerait alors que c’est le drap, un drap, et que l’étoffe est du drap. Quoiqu’il en soit, ma génération aura vu s’effondrer les vêtements résistants et chauds, d’origine natuelle, au profit du tout jettable et surtout pas si chaud que cela quoique la pub veuille bien chanter !
Mais me direz vous, et le lavage des vêtements en drap ! Ceci est un autre sujet, où j’ai des anecdotes croutillantes … mais retenez pourtant que ce tissu avait une qualité essentielle : il ne prenait pas les odeurs (sous entendu, comme les tissus modernes)

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