Demande de Bon d’Achat de Vêtements et d’Articles Textiles, pendant la seconde guerre mondiale

LE SUJET DE CE BILLET EST l’Achat de Vêtements et d’Articles Textiles PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE.
IL Y AURA D’AUTRES SUJETS ICI CONCERNANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE, merci de les attendre.
En attendant, merci de comprendre que j’éliminerai tout commentaire n’ayant pas l’Achat de Vêtements et d’Articles Textiles pendant la seconde guerre mondiale pour thème.

Il y aura 4 billets concernant les vêtements, merci de réserver vos commentaires par sujet exclusivement pour une meilleure lisibilité du blog :
… Demande de Bon d’Achat de Vêtements et d’Articles Textiles
… le tricot
… le jeudi à Nantes
… les chaussures
Merci de patienter quelques jours pour les 3 autre sujets, à savoir le tricot, le jeudi à Nantes, et les chaussures.

  • Les textiles sont rationnés, et introuvables.
  • Pour resituer tout de même le contexte, je tiens à témoigner qu’à l’époque, même dans les familles aisées, on avait un seul vêtement, qu’on usait le plus souvent jusqu’à la corde. Pour les enfants on passait les vêtements de l’un à l’autre etc… et mieux, chose qu’on n’apprend plus à faire de nos jours, on rapiéçait, reprisait, raccomodait etc… et on ne jettait pas, quitte à retailler un vêtement pour en faire autre chose : une jupe dans un manteau etc…
    Par contre, on tentait souvent d’avoir un meilleur vêtement pour Dieu à la messe le dimanche. Ainsi, on avait une garde-robe du dimanche et une autre pour le tout usage et travail.
    On portait, enfants comme adultes dans beaucoup de corps de métier, des tabliers enveloppant jusqu’au poignet.

  • Demande de Bon d’Achat de Vêtements et d’Articles Textiles
  • Le formulaire à remplir est imprimé sur une page format ancêtre de notre A4 actuel. Il est disponible en mairie et à rendre en mairie.
    Les mairies n’ont pas conservé ces documents, mais j’ai trouvé 5 demandes non détruites car récupérées pour être pliées en deux sur l’envers et servir de sous-chemise dans les archives de la seconde guerre mondiale de la commune de Guérande.
    Voici ce que contient un formulaire :

    Commune de
    Demande de Bon d’Achat de Vêtements et d’Articles Textiles
    Nom du demandeur
    Prénoms
    Adresse complète
    Date de naissance
    Carte d’alimentation N°
    Délivrée par la Mairie de
    ARTICLES DEMANDÉS
    (suit un tableau comportant les colonnes suivantes)
    QUANTITÉS OU MÉTRAGES DEMANDÉS
    ARTICLES DEMANDÉS
    QUANTITÉS POSSÉDÉES ACTUELLEMENT PAR LE DEMANDEUR
    En état de servir
    Hors d’usage
    Circonstances spéciales de nature à justifier la demande (à remplir soigneusement)

    Voici 5 demandes extraites des Archives de Guérande où elles ont servi de sous-chemises ce qui les a préservées.
    J’ai ajouté un titre, le reste est fidèlement retranscrit selon le plan ci-dessus du formulaire.

  • 1-costume trop petit
  • Commune de Guérande
    Une veuve pour son fils né le 9 avril 1928
    carte d’alimentation N° 5375
    ARTICLES DEMANDÉS un complet paletos et pantalon (ici l’employé de mairie à rayé « paletos et pantalon » et écrit « 2 pièces »)
    QUANTITÉS POSSÉDÉES ACTUELLEMENT PAR LE DEMANDEUR

      En état de servir 1
      Hors d’usage trop petit

    Il a qu’un complet qui est trop petit
    8 mars 1941

  • 2-tablier trop usé, pour deuil
  • Commune de Saint-André-des-Eaux (eh oui ! ceci a échoué en sous-chemise dans les Archives de Guérande)
    Une dame née le 21 juin 1894
    Carte d’alimentation N°1213
    4 mètres tissus noir ou une blouse tablier satinette noire confectionnée

      En état de servir 1
      Hors d’usage trop usé

    Pour le deuil de ma jeune fille décédée récemment

  • 3-pantalon de deuil
  • Commune de Guérande
    Monsieur né le 28 février 1895
    Carte d’alimentation N° 2154
    Pantalon laine noir rayé

      Hors d’usage 1

    Pour deuil
    24 juin 1942

  • 4-petit manteau
  • Commune de Piriac (et cette demande a été trouvée transformée en sous-chemise dans les Archives de la ville de Guérande, sans doute parce que la commune de Guérande gérait le canton)
    Petite fille née le 17 septembre 1937
    Carte d’alimentation N°896
    1,20 mètre en 140 de lainage pour manteau
    Bon périmé ci joint
    9 septembre 1942

  • 5-mauvais état
  • Commune de Guérande
    Fille née le 14 mai 1932
    Carte d’alimentation N°5173
    5 m de percale en 0,70 m ou caliquot en 1 m
    2 m de cotons moltonné en 1 m de largeur
    2,20 m de Vichy en 0,80 m de largeur
    Hors d’usage : Mauvais état
    5 mars 1941

    Ces demandes illustrent tant la nécessité d’avoir un vêtement neuf que je suis très émue à leur lecture qui rappelle ces temps de privation.
    D’autant que notre époque est l’inverse : celle du tout à pas cher en profusion et tout jettable dès que porté une fois, tellement peu solide…

    Dans ces conditions, ma maman a parfois fait des merveilles de récupération ! Ici, en 1944 je suis manifestement costumée en ange pour une fête de l’école tout à fait particulière puisqu’en maison rue du Tricot. Mon costume d’ange est manifestement taillé soit dans la robe et long voile de mariée de ma tante, mariée quelques années plus tôt, et chez laquelle nous sommes alors réfugiés, à moins que ce ne soit dans les rideaux. Pour les étoiles en papier décoratif, c’était surement du papier d’emballage, ma tante étant dans le commerce d’épicerie.

    A votre avis, ces anges étaient-ils pour Noël ?
    Car, à la vérité je ne sais pas si nous sommes arrivés à Guérande avant Noël 1943, et je sais que nous en sommes repartis par le train des Alliés et de la Croix Rouge en octobre 1944.
    Une chose est certaine la photo est bien prise rue du Tricot à Guérande, car il y a 2 vues et la seconde est bien sur les marches du perron de la maison de la rue du Tricot où nous sommes allées toutes deux à l’école en 1944 apprendre à lire et écrire. Nous avons ici 4 et 5 ans.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog.

    /ol

    Tireur d’étaim, et non pas tireur d’étain : proche du serger, travaillant la laine, faisant matelas

    Si vous avez la curiosité de tapper sur un moteur de recherche du Web « tireur d’étain », avec les crochets, comme je viens de le faire, vous aurez la surprise de voir que le métier est bel et bien présent. Mais que signifie-t-il au juste ?

    Pour le comprendre, il faut oublier l’étain, en se souvenant que la langue française est parfois délicate phonétiquement, et qu’autrefois on faisait ce qu’on pouvait en orthographe souvent phonétique. De nos jours, armés et bardés de dictionnaires plus ou moins numériques, tous n’y parviennent pas ! Mais autrefois, ils ne possédaient pas tous ces dictionnaires et ils faisaient ce qu’ils pouvaient, donc l’essentiel est de lire un texte phonétiquement, en étant chaque fois sur ses gardes, en train de flairer l’autre sens.

    Voici les meilleures définitions que j’ai trouvées, l’une dans un dictionnaire ancien, l’autre dans le magnifique ouvrage sur les étoffes, extrêmement documenté, et mieux, rempli d’illustrations qui font rêver :

    ÉTAIM, ÉTAIN, s. m. Ces deux mots se prononcent de même: dans l’Orthographe, c’est l’m ou l’n finale, qui en fait la diférence. — Le 1er se dit de la partie la plus fine de la laine cordée. « Filer de l’étaim. Le 2d est le nom d’un métal blanc très-léger. Étain commun; etain fin ou sonant. Etain de Cornouaille, Province d’Angleterre. (Jean-François Féraud, Dict. critique de la langue française, Marseille, Mossy 1787-1788)
    estaim : longue laine peignée en grande carde, c’est-à-dire avec un peigne aux dents longues, fortes, droites et pointues. Dans le Nord, « estaim » est souvent synonyme de chaîne. Plus précisément l’estaim forme la chaîne des tapisseries. L’expression « serge à deux estaims » signifie que chaîne et trame sont en fils d’estaim (in Les Étoffes. Dictionnaire historique, Textes de : Élisabeth Hardouin-Fugier, Bernard Berthod, Martine Chavent-Fusaro, ISBN : 2-85917-418-4)

    Pour vous affirmer qu’il était bien tireur d’étaim je dispose de plusieurs actes notariés, l’un ci-dessous à Angers est un banal accord, mais le notaire souvent mentionne les métiers avec plus de précision que l’eut fait un curé, les autres sont des mentions de contrats d’apprentissage à Nantes. Tous ces actes attestent le milieu du travail de la laine.

  • L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E4.
  • Voici la retranscription intégrale de l’acte : Le 22 mai 1625 après midy, devant nous Pierre Bechu notaire royal Angers, furent présents et personnellement establis et soubzmis
    Léonard Trioche Me drappier drappant audit Angers et y demeurant paroisse de St Maurille d’une part,
    et François Belue tireur destaing (j’ai laissé le terme qui est barré dans l’acte, mais souvent les passages barrés en disent long, c’est le cas ici) compagnon tireur destaing fils de Jehan Belue tireur destain et Renée Niagère paroisse de St Denys, estant de présent en cette ville d’autre part,
    lesquels ont faict et font entre eulx ce qui ensuit c’est à scavoir que sur la prière et requeste présentement faicte par ledit Belier audit Trioche son cousin germain à cause de sa femme de luy voulloir donner temps et délay de trois ans de luy payer la somme de 21 livres ou aultre somme contenue par une obligation que ledit Trioche dit avoir à l’encontre dudit Belue et laquelle somme ils n’ont peu déclarer attendu qu’ils n’ont à présent ladite obligation entre mains, et de ce que ledit Belue n’a à présent moyen de payer le contenu en ladite obligation, ledit Trioche a donné et donne audit Belue tems et delay de luy payer le contenu en ladite obligation dans du jour d’huy en trois ans prochains …
    fait et passé audit Angers en nostre tablyer en présence de Me Guillaume Phellipeau praticien et François Dureau marchand demeurant à Angers. Signé de tous.

    D’autres actes notariés donnent :

      André Malgogne, tireur d’étain et faiseur de matelas, à Nantes (1655, AD44 série 4E2)
      Elye Rouaud, serger et tireur d’étain, Nantes (1659, AD44 série 4E2)
      Guillaume Barbereau, Nantes Ste-Rad. vivant tireur d’estain et faiseur de matelas. (1679, AD44 série 4E2)

    Le notaire a d’abord écrit tireur destaing puis a écrit à la place compagnon tireur destaing fils de Jehan Belue tireur destain. Cette rectification est tout à fait parlante, et le notaire lui-même était perdu dans le tissage… Il n’avait sans doute jamais vu tirer de l’étaim avec les grands peignes… moin non plus !

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Cardeur de laine : paillasse et matelas

    Le matelas était fort rare autrefois et nos ancêtres dormaient sur la paille,

    c’est ce qui ressort des inventaires après décès. J’y trouve le plus souvent le terme paillasse.

    De nos jours, le matelas sort d’une grande surface, c’est bien connu, d’ailleurs c’est là qu’on trouve tout… et on ne sait plus rien des sources et fabricants. Mais, qu’il soit à ressort, de mousse synthérique, ou de laine, le matelas est maintenant répandu. L’artisan qui les fabriquait ayant disparu, c’est le tapissier qui de nos jours refait ces matelas de laine, alors qu’autrefois le tapissier ne faisait que les fauteuils garnis.

    Autrefois, la majorité de nos ancêtres dormait sur une paillasse, car c’est l’unique garniture que j’ai rencontrée dans la majorité des charlits dans les inventaires après décès que j’ai dépouillés. Comme son nom laisse à penser, elle était de paille, tandis que le matelas était de laine, crin et bourre. Voici les deux définitions selon le Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition,1762.

    PAILLASSE. s.f. Amas de paille enfermé dans de la toile, pour servir à un lit.
    MATELAS. s.m. Une des principales pièces de la garniture d’un lit, couverte de futaine, remplie de laine, de bourre ou de crin, & piquée d’espace

    Mais quel artisan fabriquait donc ces matelas de laine si rares ?
    C’est le contrat d’apprentissage de cardeur peigneur de laine, qui m’a fait comprendre quel artisan fabriquait autrefois le matelas. Eh oui, malgré tout ce que j’ai déjà fouillé, je découvre chaque jour encore des détails sur les modes de vie, et c’est fabuleux, car c’est chaque fois une joie de comprendre comment cela se passait alors.

    Donc, j’ai mis en ligne un contrat d’apprentissage de cardeur peigneur de laine. Comme il s’agissait de laine, je l’ai mis sur ma page des foulons, qui eux aussi travaillent la laine pour le drap de laine.

    Le maître, Jean Guyon, marchand cardeur peigneur de laine installé à Angers la Trinité, devra entre autres, montrer à faire les matelas quand il en fera. Notez qu’il est installé à Angers, où on livre plus souvent des matelas qu’en campagne. Pourtant la phrase laisse à penser qu’il n’en faisait pas tous les jours.
    La formation durant 3 ans, j’avais trouvé d’abord qu’elle était bien longue pour quelqu’un qui peigne la laine sur des cardes (grands peignes). L’Encyclopédie Diderot est formelle, il s’agit d’une corporation réglementée :

    Par ces statuts & réglemens, les maîtres de cette communauté sont qualifiés Cardeurs, Peigneurs, Arçonneurs de laine & coton, Drapiers drapans, Coupeurs de poil, Fileurs de lumignons. Aucun ne peut être reçû maître qu’après trois ans d’apprentissage, & un de compagnonage… Outre le pouvoir attribué aux maîtres Cardeurs de Paris, de carder & peigner la laine ou le coton, de couper toute sorte de poil, de faire des draps, &c. ils ont encore, suivant les mêmes statuts, celui de faire teindre ou de teindre dans leurs maisons toute sorte de laine, en noir, musc, & brun…

    Certes, ceci est le règlement de Paris, et date des années 1691, alors que le contrat d’apprentissage angevin date de 1681. Quoiqu’il en soit, en y regardant de plus près, le métier de cardeur s’avère bien plus spécialité qu’un vulgaire peigneur, et j’y vois là un artisan ayant un réel savoir faire.
    Comme quoi un terme peut en dire plus qu’au premier abord, et je dois beaucoup à ces contrats d’apprentissage, car ils me permettent de mieux situer certains métiers dans leurs compétences… oubliées…
    Ceci dit on dort fort bien sur la paille, j’ai connu. Un été, lorsque j’étais jeune, j’étais en camp en Haute-Savoie dans une étable : on nous avait fait remplir une poche de paille, avant de nous allongés sur les pavés de l’étable. C’était très confortable (enfin pour un jeune), et l’odeur pure nature. A vivre une fois absoluement !

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