Pierre Beziau, fermier des ruines de l’abbaye du Pairay, Juigné sur Loire et Saint Jean des Mauvrets 1618

ici, il fait faire le procès verbal de l’état des lieux : les ruines sont telles qu’il n’y a plus de portes, fenêtres, et même murailles, et que le tout est inhabitable et inutilisable.

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E90 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le lundi 29 octobre 1618, à la prière et requête de Pierre Besiau vigneron demeurant en la paroisse de st Jean des Mauvrets fermier des maisons et appartenances appellées l’abbaye du Pairay, nous Abel Peton sergent et notaire des chastelenies de st Jean des Mauvrets et Juigné sur Loire, je me suis exprès transporté du bourg de Juigné ma demeure en ladite appartenance dite Labaye du Pairay et autres appartenances d’icelle sise en ladite paroisse de st Jean, ou estant a ledit Besiau déclaré vouloir faire ostention et monstrée de l’estat de ruine et démolition que sont à présent lesdites appartenances, à quoi me suis accordé et pour cest effet prins et appellé avec moi pour mon adjoint Me André Letessier sergent et notaire soubz ladite cour de st Jean des Mauvrets, et mandé quérir pour faire ladite montrée Noel Guesdon maçon, René Rideau charpentier et Jacques Peton couvreur d’ardoise tous demeurans en ladite paroisse de Juigné, en présense de tous lesquels sommes transportés en ladite appartenance dite abbaye du Pairay et y estant avons enjoint auxdits Guesdon Rideau et Peton de bien et duement voir et visiter lesdites choses et nous en faite fidèle et loyal rapport, et pour ce faire avons serment pris desdits experts en tel cas requis et nécessaire et ont promis ce faire et estre âgés savoir ledit Guesdon de 32 ans ou environ, ledit Rideau esetre âgé de 67 ans ou environ, et ledit Jacques Peton âgé de 46 ans ou environ, et ayant veu et visité lesdits logis tant de l’abbaye du Pairay que le logis de la Tochere et maison appellée la Maillarderye le tout dépendant de ladite abbaye du Pairay, nous ont dit et rapporté scsavoir ledit Guesdon avoir trouvé en la maison ou logis … à ladite abbaye du Peray en la porte d’entrée en 2 chambres un fretteau rompu et le foier de ladite chambre estre aussi pareillement tout rompu et dissipé et à la porte et entrée de ladite chambre avoir aussi pareillement trouvé le freteau de ladite porte rompu, plus qu’il trouve un tet à pourceaux présentement tout desmuraillé et sans aucune fermeture en sorte qu’il ne sauroit à rien servir ; Item nous a rapporté en la grange ou autrefois y avoit ung pressouer le fretteau de la porte de ladite grange est rompu et au regard des pignons de ladite grange y en a ung qui n’est tenu que au quart et l’autre qui est à panché de plus d’ung pied vers cheveron en façon qu’il est présentement prest à tomber ; Item avoir trouvé ung petit appentis en ladite appartenance qui est au bour de la grand grange dont la longère est tombée en sorte qu’il ne sauroit à rien servir ; Item nous a ledit Guesdon rapporté avoir trouvé une petite chambre haulte tendant vers aval qui aboutte sur le pré vers le meurier descarrelée et la place d’icelle rompeue à l’entrée de ladite chambre ; Item ledit Guesdon nous a rapporté qu’en la maison appellée la Touchere près ladite appartenance avoir trouvé le fiotteau de la porte et entrée de ladite maison rompu, plus avoir trouvé en ladite maison ung doualage rompu d’ung costé et le pignon dudit logis du bout vers amont estre rompu aux deulx coigns de façon qu’on y pourroit aisément passer et avoir trouvé en ladite maison de la Touchère les planchers et terrasses dudit logie pourritz à faulte d’entretien et couverture et au regard des terrasses et planchers de l’appartenance de ladite abbaye du Pairay avoir trouvé en ladite chambre ou on a coustume de se tenir le plancher et terrasse de ladite chambre rompu et despourvu en plusieurs endroits et n’y paraistre en beaucoup d’endroits de bareaux à cause de quoi on y a mis des moutons autrefois ainsi qu’il apparaist ; Item avoir trouvé le plancher du pavillon qui est sur le portans fellé en plusieurs endroits epar dessoubz, et le reste desdits planchers et terrasses desdites appartenances avoir esté rompeues en beaucoup d’endroits et nous a encore rapporté avoir trouvé audit pavillon ung quaré de voyer ? qui est rompu. Ledit René Rideau nous a dit avoir [trouvé] en la chambre où est le four de ladite abbaye du Pairay aucune porte nu fenestre pour fermer ladite chambre fors à l’entrée de ladite chambre où y a une porte de peu de valeur sans fermeture ny croullois de façon qu’on ne sauroit s’y tenir et outre avoir trouvé en une autre chambre appellée la chambre du mitan une fillière fompue disant qu’à faulte en icelle d’y mettre une autre fillière il en pourroit advenir inconvénient audit logis ;

Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) http://www.atilf.fr/
FILIERE, subst. fém.
C. – « Grande pièce de bois posée de travers pour supporter les chevrons »

au bout de ladite chambre y a une autre petite chambre où n’y a aucuns soulliveaux mais seulement apparence d’y en avoir ; de plus avoir trouvé en la grange ou autrefois y avoit pressouer faulte de deux chevrons savoir ung de chaque costé du bout vers solleil levant et y avoir point de porte à entrée en ladite grange ; plus nous a raporté que les solliveaux du pavillon qui est sur le portail ne sont suffisants à cause qu’ils sont trop courts ; plus nous a raporté avoir veu et visité une autre grange en ladite appartenance tendant sur le chemin de st Jean des Mauvrets aux commungs dudit st Jean, en ladite il a trouvé les tirants de ladite grange destranés ? de sablères et le bout d ela charpente du bout vers soleil couchant descouvert poury et endommagé par le pluie par faulte d’entretien de couverture et au bout de ladite grange vers aval y avoir trouvé des murailles descouvertes aux dedans y a encores 3 poutres pouries et à tous les dits logies estables et pavillons n’y avoir trouvé aucune porte ny fenestre fors 3 portes de peu de valeur et sans sa… ny fermetures dont y en a une cy devant spécifiée, et aussi avoir trouvé en la maison de la Jonchère qui joint la pièce de terre où est le cormier faulte au plancher dudit logis de 3 soliveaux et n’y avoir aucune porte ny fenestre fors une porte de peu de valeur. Et ledit Jacques Peton a dit faloir sur lesdits logis et appartenances quantité d’ardoises lattes et chanlattes ? et chapentes, réparations d’icelle et en l’appartenance de ladite abbaye joignant la maison où on a de coustume se tenir y a apparence qu’il y a eu ung appentis couvert et est nécessaire de mettre de la chanslatte ? au bas dudit logis qui tient sur ledit appentif et y fault pareillement que des coyaux et d’autant que ceulx qui y sont sont pourris et oultre avoir trouvé ung petit appentif au bout de la grande grange qui est présentement du tout en ruine et ne sauroit en rien servir que premier il y soit réparé, et oultre ce que dessus lesdits Guesdon Rideau et Peton nous ont raporté que le logis appellé la Maillardière despendant dudit lieu de l’abbaye du Pairay est présentement du tout en ruine et y avoir du quaré peu de couverture et estre du tout inhabitable mesme pour estre desclos de murailles portes fenestres planchers et terrasses et nous ont dit et déclaré que tous lesdits logis sont inhabitables, duquel procès verbal cy dessus lecture faite auxdits experts nommés chacun de ce qu’il a dit et rapporté nous ont dit contenir vérité et ce requérant ledit Besiau luy avons décerné et décernons acte pour luy servir et valoir en temps et lieu ce que de raison, fait par moy sergent susdit et pour adjoint comme dit est ledit Lebecheux en présence de Mathurin Chesnet vigneron et François Daniau chapentier demeurants en la paroisse de Juigné tesmoings en outre ce que dessus, lesdits experts nous ont pareillement raporté avoir veu et visité l’ayre et enclose en ladite appartenance pour estre descloses en plusieurs endroits et avoir trouvé le lieu inutile sans aucuns foings pailles chaumes ny gressins

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Sucre de Rouen, arrivé en mauvais état à Laval, 1639, procès verbal de réception

Je suis Nantaise, et à ce titre j’ai baigné dans l’histoire du sucre liée à celle des ports. Nous avions vu sur mon billet du 21 décembre, la confiserie de Noël en 1633 à Angers, véritable nouveauté, puisque ce n’est qu’en 1632 que le sucre n’est plus le monopole des apothicaires.
Avec ce billet, nous revenons à cette période du début du 17e siècle, mais cette fois, pour suivre le sucre d’un port, en l’occurence Rouen, à l’intérieur des terres, Laval. Je suis personnellement très attachée au contrôle du poids, ayant travaillé dans un service Qualité. A ce titre, j’ai plus qu’un Français moyen, la notion de contrôle du poids, tel que celui qui figure sur tous nos emballages actuels, contôle dont vous ne vous doutez certainement pas, mais qui sont plus que rigoureux et strictement règlementés de nos jours.

L’acte qui suit est extrait des Archives départementales de la Mayenne, série 3E – Voici la retranscription exacte de l’acte, orthographe comprise : Le 7 février 1639 avant midy nous Jean Barais notaire de la cour de Laval et y demeurant sommes en présence et assistance et ce requérant Berthélémy Lehirbec marchant demeurant en cette ville transportez en la maison de François Carré tenant à ferme le grand poids de cette ville sous les grandes halles, pour voir peser certaine basle pleine de marchandises de pains de sucre qui luy ont esté envoyez par Marie de Caulx veuve de Jacques Suny marchand de la ville de Rouen par sa lettre escritte du 29 janvier dernier par l’ordre de François Goutier messager (ce François Carré occupe à Laval un poste important, puisqu’il pèse officiellement les marchandises, qui sont le plus souvent des balles de toile en partance.)

ou estant avons trouvé ledit Goutier lequel nous a présenté une basle pleine desdits pains de sucre pour estre pesée audit poids, lesquelles ont sommé et interpellé ledit Carré de la peser, lequel après l’avoir pesée en présence desdits Lehirebec et Goutier s’est trouvée que toute ladite balle pesoit avec ladite marchandise 81 livres, (il n’y a qu’une balle, et j’ignore si le cheval avait une autre balle de l’autre côté, comme lorsqu’on voit les iconographies de charroi de marchandises)

laquelle basle a esté despliée en notre présence et des tesmoins cy après et se sont trouvés en icelle 20 pains de sucre couvertz de papier bleu lesquelz ont esté trouvez la pluspart en cassonnade et l’autre partie ne pouvoit servir qu’à cassonnade estant tous rompus et desfectueux et ne sont marchands (on voit l’utilité des témoins lors des échanges commerciaux, et du notaire pour dresser le procès verbal officiel de l’état de la marchandise)

lequel Goutier nous a dit lesdits pains de sucre luy avoir esté apportez dans son hostellerye de la Pomme de Pin en la ville de Rouen par ladite de Caulx pour estre apportez en cette ville audit le Hirebec, et estoient enballez lors qu’ilz luy furent apportez et envoyez par ladite de Caulx sans qu’il les ayt veus enballez et a juré et affirmé lesdites marchandises n’avoir souffert aucune incommodité par les chemins son cheval n’estant tombé en façon quelconque ny n’ont esté mouillez par lesdits chemins sy ce n’a esté par cas fortuis de lesgout (égoût) des hayes (les messagers sont souvent liés de famille aux hôteliers, dont le métier est aussi lié aux voyageurs. Ici, on voit que leur responsabilité peut être mise en question si le transport s’est mal passé, or, le sucre craint l’humidité, et nous sommes le 7 février, saison d’hiver. Il y a 240 km de Rouen à Laval, sachant qu’un cheval fait 40 km par jour, la marchandise a voyagé plusieurs jours sur le cheval, environ une semaine. Le messager a donc quitté Rouen au plus tard le 1er février. C’est un transport écologique certes, et à l’abri du prix du pétrole…)

et après lesdits pains de sucre avoir esté ostez de ladite basle icelle auroit esté pesée avec ses cordages et pailles par ledit Carré, lequel auroit trouvé qu’icelle cordaiges est pailles et serpillière pèsent neuf livres, (le poids net du sucre est donc de 81 – 9 = 72 livres)

desquelles dires et de la vacation avons décerné acte auxdites partyes pour leur valloir et servir ce que de raison en présence de Michel Robeveille marchand espicier et Michel Garnier marchand espicier expertz lesquelz pareillement le serment d’eux pris nous ont dict que ledit sucre n’est loyal ny marchand estant nul et en poussière comme cassonnade et ne peut valloir et estre vendu que pour prix de cassonnade et recogneu que ce n’a esté par déni ny manque du voicturier, dont avons aussy décerné acte audit Lehirebec ce requérant, fait et passé audit Laval en présence de François Salmon marchand et honorable Jean Garnier Sr du Pin demeurant en cette ville tesmoings à ce requis et appellés et ont lesdits Goutier Carré et Garnier dict ne signer. (l’épicier est celui qui vient de prendre à l’apothicaire le commerce du sucre, voyez le début de ce billet et le billet de décembre. Les procès verbaux dressés par notaire sont toujours très complets, et font toujours appel à des témoins experts, ce sont des actes très modernes en ce sens)

cassonade. s. f. Sucre qui n’est point encore affiné. Ces confitures ne sont faites qu’avec de la cassonade. (Dictionnaire de L’Académie française, 1st Edition, 1694)

Pain, se dit aussi de certaines choses mises en masse, comme, Pain de sucre. pain de cire. pain de savon. pain de bougie. (même dictionnaire)

Avec ce billet, je viens de créer une nouvelle catégorie ALIMENTATION, et je vais tenter d’y remettre les anciens billet en relevant… Certes, ce billet concerne aussi bien le TRANSPORT, mais comme je pense que comprendre le peu de sucre autrefois sur la table de nos ancêtres, voire l’abscence totale, c’est important…

La famille Le Hirbec, à laquelle appartient Barthélémy, est une ancienne famille lavalloise dont les aînés se qualifièrent de sieurs de la Brosse (Argentré). – Daniel, petit-fils de Barthélémy Le Hirbec, apothicaire, et de Marie Fréard, e fils de Daniel Le H. et de Renée Corneau, serait né en 1621 ; il est connu par ses voyages aux Antilles, dans les Pays-Bas et en Italie, dont il a laissé le récit en deux petits cahiers autographes que possède Mr de la Bauluère à qui je les signalai et qu’a publiés Mr Moreau. Parti de Laval le 3 mars 1642, le voyageur, après diverses péripéties qui n’ont rien de dramatique, arrivait aux Antilles le 3 juin au soir et séjournait à la Martinique jusqu’au 22 août « pour y traicter de marchandises ; » il longea ensuite « la Dominique, » la Guadeloupe, tout l’archipel, se rembarqua le 31 décembre 1642 avec le « fribuste » anglais Denis, qui venait « de couvrir le Pérou » et, en vue de Belle-Isle, continua vers la Hollande qu’il visita, pour rentrer à Laval par Saint-Malo le 31 mai suivant. Deux mois plus tard, le 9 aoput, il repartait pour l’Italie, sans idée mercantile, semble-t-il, en touriste qui possède des connaissances historiques, qui sait voir, qui raconte sobrement, sans admiration outrée. A son retour, Daniel Le Hirbec, sieur de Chambray, se maria avec Françoise Pinart, dont il n’au pas d’enfants, et mourut en 1647. – Barthélémy, frère aîné du précédent, né en 1615, eut de Françoise Chasteigner Daniel Le Hirbec, apothicaire, mari de Françoise Beudin, 1665, qui, veuve avant 1712, mourut le 23 janvier 1742, âgée de 100 ans moins treize jours. – Jean, sieur du Murger, fils du précédent, mari de Françoise Joly, fut élu à Laval. – Daniel-Charles, époux de Marie Heulin, se fixa comme médecin à Evron. (Abbé Angot, Dict. de la Mayenne)


Sur les bords de la Loire (on voit le quai au premier plan) l’une des dernières raffineries de sucre en France, celle de Beghin Say, prise en 1998, à Nantes (photo Grelier). Ce sont bien des nuages (cela arrive à Nantes !) et non de la fumée, qui obscurcissent l’horizon.

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