Fraude fiscale sur le voiturage de toiles de Laval pour l’Espagne et le Portugal par le Poitou pour éviter l’impôt, Angers 1603

Nicolas Blanche, dont il est ici question est un mien « tonton », car frère de mon Pierre Blanche.

    Voir mes travaux sur la famille BLANCHE

Il a pris à ferme, avec d’autres, la traite d’Anjou, qui comportait aussi un nouvel impôt. Mais, les voituriers ont trouvé la parade pour éviter de payer cet impôt et au lieu de passer par la Loire, traversent le Poitou pour ne payer l’impôt. Le manque à gagner à annuel de Nicolas Blanche est estimé à 1 000 livres, somme très importante pour une perte.

Et puisqu’il s’agit du transport des toiles vers l’Espagne et le Portugal, je vous recommande encore une fois l’ouvrage de Joselyne Dloussky, Vive la Toile, Editions de Mayenne, 1990, que j’avais acheté aux Editions régionales de l’Ouest

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E121 – Voici la retranscription de l’acte : Le 20 juin 1603, en présence de nous Jullien Deille notaire royal Angers et des tesmoins cy après nommés honneste personne Nicolas Blanche marchand demeurant en ceste ville d’Angers, sous-fermier de la Traite et imposition anciens d’Anjou par terrre, s’est adressé vers et à la personne de honorables hommes sire Claude Seguier sieur de Luigné et Me René Gaignard tant pour eulx que pour leurs consorts cofermiers subrogés au lieu et droits de Nicolas Foucquin adjudicataire et fermier général de ladite traite imposition et trépas de Loire d’Anjou pour trois années qui ont commencé le 1er octobre 1602

    Claude Saguier est orthographié ci-dessus Seguier et ci-dessous Saguier

lequel Blanche a déclaré auxdits Saguier et Gaignard que à leurs périls et fortunes et de leurs consorts les bailleurs par bail conventionnés du 18 septembre 1602 qu’il a depuis ledit bail avec l’intérest de luy et de ses cofermiers déploré

    je lis « desarmet », mais ne comprends pas ce terme et je pense que le sens est une plainte car il déplore une perte

la perte qui est en ladite ferme procédant tant en partie d’autres subsides comme sont les droits de réapréciation le subside d’un escu et demi appelé le nouveau subside, les cinq escuz par pipe de vin entrant en Bretagne octroyés par le roy aux estats de ladite province et encore d’habondant que le sieur de Monceau conseiller du roy en la cour des Aydes à Paris depuis deux mois a par tous les tablers de ladite traite et imposition d’Anjou estably et mis un nouveau subside appellé le sol pour livre sur les toiles canevats fil estoupes et autres marchandises contenues en la pancarte sur ce fait qui est le mesme droit que lesdits Saguier et Gaignard ont baillé audit Blanche
lequel subside ledit sieur de Monceau a estably mesmes sur les marchandises qui sont transporté d’Anjou et du Maine en Bretagne nonobstant que le roy par déclaration de sa majesté du (blanc) 1601 ait permis le transport et traficq libre desdites toiles dans le royaume sans payer ledit subside et d’iceluy exempte les marchands trafiquant dans le royaume
tous lesquels subsides mesmes celuy du sol pour livre sont tellement préjudiciables audit droit ancien que l’on voit ordinairement et de jour à autre les marchands voituriers qui avoient acoustumé mener et conduire les toiles à Nantes Saint Malo et Vitré pays de Bretaigne et qui souloient payer les anciens debvoirs de ladite traite et imposition d’Anjou, à présent les font mener et conduire par le Poitou et de là en Espagne Portugal et Bretagne, le tout pour frauder tant ledit droit ancien de ladite imposition d’Anjou réapréciation et autres subsides non establis audit Poitou encores que soit la province par laquelle à présent passent toutes lesdites toiles pour aller hors le royaume, prenant lesdits marchands et voituriers au lieu d’acquiter ladite ancienne imposition ung simple biais de depry

DÉPRI. s.m. Terme de Pratique, dont on se sert en parlant de la remise qu’on demande au Seigneur du Fief, pour les lods & ventes d’une terre qu’on veut acquérir. (Dictionnaire de l’Académie française, 4th Edition, 1762)

sans payer aucuns debvoirs et d’iceulx aporter certifications de leurs marchandises aux prinses par depry estant acquiter comme elles ont esté vendues distribuées usées et consommées dans le pays de Poitou encore qu’elles soient transportées en Espaigne Portugal et Bretagne et par ce moyen fraudent tous les debvoirs du roy et mesme l’ancien droit d’imposition d’Anjou
dont est advenu que ledit Blanche et ses associés ont receu et recoivent une perte toute apréciée de 1 000 escuz par an et plus et proteste ledit Blanche de se pourvoir contre lesdits Saguier et Gaignard ses bailleurs afin de se voir déchargé dudit bail comme estant la commission dudit sieur de Mouceau et establissement par luy fait dudit subside que le dit Blanche n’a peu percevoir et que n’a peu entrer ès charges et conditions du bail ineffectives parce que dessus comme à semblable la cessation de traficq en estoit par le moyen des dits faits comme à occasion de la contagion survenue en la ville de Nantes
lesdits Saguier et Gaignard ont fait response qu’il a présentement … nuire ne préjudicier ne à semblable à leurs … estant de leur part … pour occasion de ce que dessus et … par leur propre propriétaires ils sont prests le faire au sol par livre si mieux ledit Blanche n’aime se pourvoir … promettant …

fait audit Angers le 20 juin 1603 avant midy, présents Me Jacques Berthe et Pierre Frescher clercs audit Angers tesmoins

Cette vue est la propriété des Archives Départementales du Maine-et-Loire. Cliquez pour agrandir. Et sur l’image au dessus, vous pourrez déchiffrer si vous voulez.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog. Tout commentaire ou copie partielle de cet article sur autre blog ou forum ou site va à l’encontre du droit d’auteur.

Tissier en toile, filassier , pour le lin et le chanvre – Sarger, sergier, serger pour la laine

Contrats d’apprentissage

C’est fou ce que la lecture (que dis-je la retranscription et frappe, seule méthode que j’utilise, car la lecture pourrait être en diagonale) des contrats d’apprentissage donne d’indications sociales et de détails des modes de vie. Je sais, j’ai la manie de prendre chaque mot pour une merveille, mais si je suis si émerveillée dans les notaires depuis plus de 15 ans, c’est que j’y ai lu beaucoup de petits détails qui nous restituent la vie autrefois, et qui sont à mes yeux de grandes informations.

Nous avions vu le cardeur, artisan travaillant la laine, et capable de faire un matelas, ce que je découvrais moi-même, car j’avais sous-estimé cet artisan auparavant.

Cette fois je vous emmêne au travail du lin et du chanvre, car le Haut-Anjou est pays de culture du lin et du chanvre sous l’Ancien Régime.
Le lin, plus noble donne un fil plus fin que le chanvre. Après la récolte, il y a d’abord le rouissage en rivière, mais il semble que cette phase ne soit pas toujours effectuée : on laissait parfois sur le pré. Une fois les parties dures ramolies, on passe à la braie ou broie.

Puis les filassiers (appelés aussi poupeliers en Anjou) en prépare la filasse mise en poupées, qui sera ensuite filée par toute la population.
Le filassier, aliàs poupelier, travaille à la journée, à l’extérieur, et comme tout journalier, il a des journées sans travail de filassier. C’est ce qui ressort du contrat d’apprentissage.
En fait il se déplace chez ceux à qui appartient la récolte. Or, la récolte appartient pour moitié à l’exploitant pour moitié au propriétaire, et certains propriétaires ont de véritables entrepôts. Le filassier n’est propriétaire d’aucune filasse, seulement un journalier. C’est selon moi, le plus bas échelon du travail du lin et du chanvre.

Selon Jocelyne Dloussky, dans son ouvrage « Vive la toile« , p. 26, le filassier ne lave pas toujours avec la méthode à l’eau et aux cendres, dite lessive, qui blanchit mieux le fil que les stratagèmes tels que le lait, le savon et l’indigo. Attention ce billet n’aborde pas le travail en blanchisserie, qu’on rencontre à Château-Gontier, Laval… qu’on pourra voir plus tard.

Ensuite, tout le monde file, partout, homme comme femme, et je dirais même dans beaucoup de milieux : dans les inventaires après décès, je suis surprise de trouver le rouet et le travaouil un peu chez tout le monde. Il n’y avait pas la télé, Internet et les SMS pour perdre son temps ! Alors il fallait bien s’occuper.
Le fil produit par chaque famille sera ensuite acheté par les marchands de fil, passant chez chacun, qui iront vendre à la foire de Craon, le fil qui partira à Laval ou chez des tissiers plus proches du Haut-Anjou. Je vous ferai ces marchands de fil une autre fois, car les inventaires après décès montrent leur fortune et leur mode de vie : il existe tous les échelons de fortune, et au sommet de cette pyramide, voir l’étude de Jocelyne Dlouskky citée plus haut, de la famille Duchemin, à la fortune considérable. Donc aujourd’hui, j’étais dans le bas de la pyramide sociale.

Le chanvre servira en partie à faire des essuie-mains, draps grossiers etc… partie à faire les cordes, à Angers surtout…

Le contrat d’apprentissage de Jean Dumesnil pour devenir tissier en toile, précise que son maître devra lui fournir « un pourpoint de toile, haut de chausse de meslin, bas de chausse de toile et une paire de choulier ». Le haut de chausse est l’ancêtre de la culotte. Il couvrait les hommes de la taille au genou, mais je ne pense pas que ce soit dans ce cas la culotte bouffante, courte, qui nous est familière avec les images connues d’Henri IV. Je m’imagine plus une sorte de bermuda (excusez la pauvreté de mes images), mais c’est ainsi que j’imagine mon apprenti, en pantacourt.

Le meslin ou meslinge est un produit local, qui est une toile mi-linge, toile intermédiaire entre la toile fine et la grosse toile. Ne m’en demandez pas plus et tant pis pour moi aussi si je ne comprends pas à quoi cela ressemblait.
La paire de choulier, vous avez compris, donc je passe.
Reste le pourpoint, qui est la veste courte, serrée, et arrivant à la taille. Une chose est certaine, il s’agit d’un costume d’été, car les deux éléments (le pourpoint et le haut de chausse) sont en toile. Une chose est certaine cependant, pas de sous-vêtement à cette époque, surtout dans ce milieu. On portait tout à même la peau, et ce qu’on a appelé chemise, lorsqu’elle existait car je la trouve peu dans les inventaires, était souvent en chanvre, et dure à la peau. Ouille ! (désolée mais il n’y a pas d’autre expression à cette idée, qui n’effraie moi-même).

Merci à Françoise pour cet essuie-mains de chanvre, datant de plus de 100 ans et toujours là (qu’en sera-t-il dans 100 ans des fabrications d’aujourd’hui, sans doute rien, même dans les musées). J’ai laissé la photo détaillée afin que vous puissiez voir le grain épais. Je peux aussi vous mettre un drap, qui est dans mon armoire, mais il faudrait un grand écran…

Et le sarger me direz-vous ? J’ai deux contrats d’apprentissage, mais je ne peux les mettre sur la page de la toile, car la serge, qui était le tissu le plus solide qui existe, était fait de laine (enfin, pour d’autres on en a fait de soie, mais je suppose que les sargers du Haut-Anjou, travaillaient la laine). Ce sont des tissiers en serge de laine…

Vous en avez assez de l’apprentissage, vous avez raison, vous saurez que ma page se mettra peu à peu à jour et qu’elle existe, et si vous avez des contrats vous-même, merci de coopérer, je vous citerai. Demain, nous voyons encore des documents rencontrés avant le contrat de mariage. Devinez lesquels ? Pour vous mettre sur la voie, souvenez vous que papa maman n’avaient pas la vie bien longue…

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