Carnet de guerre d’Edouard Guillouard 84° RIT : janvier-février 1915


Vous êtes sur le carnet de guerre d’Edouard Guillouard et photos de Fernand Leglaive au 84° RIT et il y a beaucoup de pages dont table des matières Edouard Guillouard (carnet de guerre) Fernand Leglaive (appareil photo)

DANS LA BOUE – LA FERME GASTINEAU
photo Leglaive « février 1915 Agny bords du Crinchon, emplacement du PC »

1er janvier 1915 vendredi – Nous recevons les sous-officiers chez Ferron, Bichon, Faucheron, Liclou, Moreau, Goron, Bridonneau, Pierre, Pavageau, Deslandes, Charron, Guitard, Faucheron, cap. Tourrien, Pineau coiffeur, Marchais cycliste.
[ces noms sont ceux de la photo datée décembre 1914, voir ma page précédente]
Réception chez le Ct, le colonel envoi un mot qui donne satisfaction
[le PC doit être ce qui est camouflé par les branchages au bas de la photo]
2.1 samedi – Les cavaliers 3e Dragon, de [Mesobesbion] de Landemont
5.1 mardi – Relève dans la soirée
6.1 mercredi – Chemin de fer
10.1 dimanche – Dainville, nouveau cantonnement d’affron
11.1 lundi – exercice
12.1 mardi – Le Ct de Hermini évacué et remplacé par le capitaine Letailleur. Relève à Agny
14.1 jeudi – Chemin creux d’Agny, grand ouvrage [photo ci-dessous, qui est sans légende dans le fonds Guillouard, alors je suppose que c’est le « chemin creux »]
15.1 vendredi – Les cavaliers 3e Dragon

je suppose que cette photo donne le chemin creux, mais je n’ai trouvé aucune preuve

16.1 samedi – Tranchées d’Agny
18.1 lundi – Chemin de fer
22.1 vendredi – Dainville, cantonné près le clocher
23.1 samedi – Mr Pommier
24.1 dimanche – Une pièce éclate, artilleurs tués, travaux de nuit dans le champ de course d’Arras
26.1 mardi – Grand ouvrage
27.1 mercredi – Chaussé va chercher avec Papi les cartouches
28.1 jeudi – On remplace la vieille tranchée
30.1 samedi Chemin de fer, la neige, bataille
31.1 dimanche – Vetter, Goffri
1.2.1915 lundi – Félicitations à Chaussé, visite du colonel, présentations du Ct Derancourt, départ du capitaine Letailleur
3.2 mercredi – Dainville, travaux, popote avec la 4e chez Solon
[photo  ci-contre « février 1915, Agny, PC du grand ouvrage », à gauche Guillouard. Le terme « popote » revient plusieurs fois dans le carnet d’Edouard Guillouard, de même les photos très parlantes, avec parfois beaucoup de bouteilles. Voici la définition : (POPOTE. n. f. Cuisine commune, table commune. Faire popote, Prendre ses repas en commun. Le capitaine et les lieutenants faisaient popote ensemble. Il est populaire. (Dictionnaire de l’Académie française. Huitième Édition. T.2, 1932) ]
4.2 jeudi – Conférence du nouveau Ct, revue des vivres de réserve, le caporal Marot cassé
6.2 samedi – Créhalet rentré tard, langouste avariée
7.2 dimanche – Départ pour Agny, mauvais temps par le village, par nuit noire, Créhalet va commander le 4e
9.2 mardi – Les photos de Mr Leglaive
11.2 jeudi – Chemin de fer, Créhalet avec le Ct
14.2 dimanche (gras) – Départ pour Dainville
15.2 lundi – Bruits de départ, Mr Leglaive va reconnaître

(ci-contre : « février 1915, voie ferrée de Dainville », la partie de cartes, à gauche Edouard Guillouard) [sur la photo datée mars 1915 à Bailleulval vous avez la séance chez le coiffeur Pineau, surtout pour tailler la barbe, et on voit aussi le linge étendu, preuve qu’on lavait un peu]

16.2 mardi (gras) – 5 h nous partons pour Basseux, arrivé en ligne à 1 h le mardi gras, dans la boue, on remplace le 92e et nous sommes en liaison avec le 41e qui est remplacé par des Hussards, Provost de Launay
20.2 samedi – Campagne, centre gauche Gastineau. Nous restons dans la boue sans abri pendant 5 jours et 6 nuits, les hommes malades, pas de boyaux, les balles sifflent, relève pénible, nuit très noire, arrière à Bailleulval

21.2 dimanche – Bailleulval chez Dupin, popote chez Noiret, repos, Mr Leglaive rentre dans la journée [voir la photo de la famille Noiret et ajouter des commentaires]

22.2 lundi – 75 malades le 1er jour, les hommes se reposent et tout se rétablit, les saluts sont très suivis

24.2 mercredi – Nous avons des théories chez Derancourt

27.2 samedi – Tranchées Gastineau Cie extrême gauche

 

 

[Le chemin creux était situé à Agny et le voici en février 1915.]

ils jouent aux cartes

photo Leglaive « février 1915 » à gauche Edouard Guillouard

ils sculptent leurs têtes dans la tranchée

[il y avait des moments d’inactivité, qu’ils occupaient parfois à se détendre, comme le jeu de cartes, et ici, modeler dans la terre la tête des camarades – sur la seconde photo, ce sont Leglaive et Guillouard, aussi je vous les ai agrandis tant j’étais heureuse de les voir encore ensemble avec leur sourire]

Leglaive et Guillouard, moment de détente près de la tête qu’ils ont modelée dans la terre, qui leur ressemble à tous deux

la ferme « Gastineau » (texte et dessin d’Edouard)

carte dessinée par Edouard Guillouard, surement d’après la carte du PC et sans doute pour avoir la carte sur lui

Située sur la route de Berles à Rivière, la ferme de Gastineau était habitée par un vieux ménage, qui travaillait un peu les terres environnantes et faisait le commerce d’engrais.

Cette maison, qui avait certaines dépendances, avait servi de débit et possédait de grandes caves dont l’une superposée sur l’autre. Derrière la maison existe également un ancien four de briqueterie.

Vers les premiers jours d’octobre 1914, les propriétaires de la maison n’avaient pas quitté leur demeure à l’arrivée des Allemands. On ne sait au juste ce qui s’y est passé.

« avril 1915, maison Gastineau »

Mais suivant les racontards on avait dit que Monsieur et Madame Gastineau avaient été tués et jettés dans leur puits derrière la ferme.

Pendant longtemps cette légende avait tenu et le puits rigoureusement consigné avec défense de se servir de l’eau.

Après des combats et attaques successifs entre Berles et Ransart, nos troupes ont gagné du terrain vers le 15 octobre la ferme Gastineau était à nous.

Progressivement nous la dépassions et nous venions occuper des tranchées jusqu’à 600 m au-delà dans la direction de Ransart où malgré beaucoup d’attaques très audacieuses nous n’avons pu les déloger.

[voyez une autre photo de la maison Gastineau, qui avait un surnon plein d’humour dans Les hommes du 84° RI manient l’humour : voyez leur « muraille de Chine » en 1915]

« avril 1914 maison Gastineau », sur cette photo on ne voit pas à gauche de la maison de qui sera « la muraille de Chine »

Le 15 février, quand nous sommes arrivés à ce secteur par une nuit noire et froide, la pluie qui était tombée en abondance les jours précédents avait rendu les boyaux impraticables.

 

La tranchée pleine de boue et bien mal installée n’avait aucun abris sérieux. C’est sous de simple toile de tente et sans paille que nos bons hommes ont passé les premières nuits.

 

Nos débuts dans ce secteur étaient pénibles mais avec de bons travailleurs nous n’avons pas tardé à rendre la tranchée propre et les boyaux praticables. Il y en avait besoin pour plusieurs raisons.
Il n’était pas agréable d’y patrouiller jusqu’à demi jambe et ne pas y passer c’était s’exposer aux balles qui à ce moment sifflaient continuellement de jour et de nuit.

Le boyau principal (que je marque N°8) nous menait au poste de commandement du secteur nommé Gastineau, nom des propriétaires.

Un chef de bataillon ayant quatre compagnies en ligne et deux en soutien, s’y tenait en permanence, logeant dans les caves de cette maison, qui servait en même temps de poste d’observation à l’artillerie.

L’infirmerie avec un major et un aide major était installée dans l’ancienne briqueterie dans des espèces de caves pouvant résister au bombadement car ce coin est très souvent visé par le canon allemand et les allées et venues dé-sigent bien ce point comme poste de commandement.
Quatre jours en première ligne, quatre jours à Bailleulval. Le temps s’est écoulé petit à petit.
Nos hommes ont bien travaillé.
Nous avons en sommes refait complètement toutes les tranchées, creusé quantité de boyaux profonds, qui nous préservent. On vient maintenant jusqu’à Basseux par les boyaux, ce qui nous fait au moins deux kilomètres.
Nous avons changé plusieurs fois d’emplacement. Nous sommes maintenant à Th le poste de commandement de Mr Leglaive est marqué n°3 et nos abris à droite n°4. J’ai un poste d’écoute assurée sur la route et assez dangereux marqué n°5.
Nous avons occupé pendant longtemps n°6 comme poste de commandement et popote et ma section a été à n°7.

Là, les Boches, comme vous pouvez vous en rendre compte, étaient assez rapprochés. On ne comptait pas plus de 20 m pour aller à leur poste d’écoute.
Les lignes bleues vous donnent exactement l’emplacement des tranchées boches devant Ransart.
Les lignes rouges sont nos tranchées avec les divers boyaux où nous sommes maintenant. C’est plus éloigné, mais assez canonné se trouvant sur une hauteur car entre nos lignes il y a une espèce de petit ravin qui sillonne un ruisseau insignifiant.
[ci-contre les cuisines et je ne vois pas de femmes sur les photos, que des hommes. Voir les autres photos de cuisines et repas car ils ont pris beaucoup de photos concernant la nourriture]

Ransart est entouré d’arbres comme tous les villages de la région, mais les maisons sont complètement démolies. Il n’y a plus de civils.
Notre artillerie y tire souvent, car les Boches y cantonnent soit disant plusieurs compagnies. Sur la route où je note n°9 c’est là que j’ai fait tiré sur des Boches et nous en avons vu deux tomber.
Nous tirions près du n°4.
[Sur cette photo on voit Leglaive lui-même, et un périscope, mais le carnet d’Edouard Guillouard signale l’arrivée des périscopes plus tard. Je suppose que Leglaive a écrit ses légendes de photos après la guerre tandis que Guillouard avait un carnet de notes qu’il tenait journellement pendant la guerre, donc ses dates sont probablement plus fiables]

Près de Gastineau, à 100 m derrière, se trouve les soutiens de deuxième ligne SI SII successivement nous allons de temps à autre. C’est quelquefois bombardé, mais comme j’ai eu l’occasion de vous l’écrire, nous y sommes tranquilles. Nos bons hommes sont employés aux travaux de corvées, c’est de là que j’ai plusieurs photos.
Nos cuisines dans le ravin, près du ruisseau. Elles sont bien dissimulées et à l’abri ; Des photos vous en donnent une idée. Les cuisinières [je ne vois pas de femmes sur les photos, que des hommes] ont une rude corvée comme de venir trois fois par jour chercher assistance, car il faut passer par les boyaux et par les jours de pluie vous voyez avec la boue qui est inévitable dans le fossé que présente les boyaux.

Je crois que cet aperçu de notre secteur vous donnera une idée de ma vie de tranchée. Cette simple maison isolée sur la grand route est pour nous un point inoubliable pour la vie. Avec la carte d’état-major, vous pouvez reconstituer ce petit coin et savoir ou je me trouve.
Il y a encore une quantité de tranchées, de points fortifiés, d’emplacements d’artillerie et de munition qu’il est de mon devoir de ne pas mentionner.

Note

Les caporaux doivent s’assurer avant de prendre le service que tous les hommes ont bien sur eux
1-les 120 cartouches
2-la cagoule et le paquet de pansements
2-pendant le service de jour, le caporal de garde dans la tranchée de tir doit veiller à la propreté des cartouches et de l’eau qui se trouve dans les récipients
3-de jour comme de nuit, prévenir immédiatement le chef de section des moindres incidents et du passage des officiers supérieurs
4-remettre au poste du chef de section les étuis de cartouches brulées
5-les chefs d’escouades feront faire chaque matin une corvée de nettoyage des boyaux près de abris. Les pionniers en plus du fil de fer feront l’entretien de la tranchée.
6-organiser chaque jour une corvée d’eau pour la section : le tonnelet et récipients de tranchée.

J 201 (6 mois 18 jours) en plein hiver, dans la boue sans abri pendant 5 jours et 6 nuits
Le même jour, 21.2.1915, tandis que la neige tombe, un déluge de feu s’abat sur Verdun

Télécharger l’original du carnet de guerre d’Edouard Guillouard

Je ne vous mets pas les vues directement car ce serait trop lourd pour visionner ma page, donc je mets seulement les liens, et cliquez pour télécharger : janvier  1915  –  début février 1915  – fin février 1915

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