Histoire de la quincaillerie en gros Guillouard, rue St Jacques, Nantes

De la graineterie à la quincaillerie en gros

Je vous ai déjà parlé de la graineterie Moriceau à l’angle de la rue St Jacques et la rue du Frère-Louis 1814-1860 La petite-fille des Moriceau, Victorine Grelet, est aussi issue de maçons et serruriers qui avaient la bonne idée de ne pas avoir trop d’enfants, mieux d’avoir des célibataires qui gagnaient bien leur vie, et laissaient tout à l’unique nièce, de sorte qu’elle était aisée. Elle épouse un bel homme du quartier, Francis Guillouard, et ensemble ils reconstruisent le bâtiment un peu vétuste de l’ancienne graineterie et y créent un magasin de quincaillerie en gros, qui répond sans doute à un tel besoin qu’il va bientôt livrer plusieurs départements, de la Vendée au Morbihan.
Francis et Victorine vont vivre dans l’appartement au dessus du magasin toute leur vie. Ils vont avoir 7 fils, aucune fille. Sur ces 7 fils, 2 meurent en bas âge, un meurt au front en 1914, 2 vont créer en 1911 l’usine ALG et 2 vont avoir en partages égaux la quincaillerie en indemnisant les autres. Ils vont élever leurs fils non dans les études supérieures mais dans une multitude de contacts avec les fournisseurs, leur visite, et la visite de l’exposition universelle de 1890 foires à Paris etc…, leur inculquant ainsi des connaissances de la fabrication des articles ménagers.

articles de ménage et de bâtisse

Le papier à lettre de la maison de commerce de François Guillouard en 1909 montre l’étendue des produits, alors surtout destinés à des artisans plus qu’aux particuliers : Pointes fines et ordinaires – Clouterie forgée et mécanique – Clous à cheval – Vis à bois, boulons – Fourches acier – Baldaquins – Outils de forge, de charpentier, charron, menuisier, plâtrier, couvreur, sabotier – Carton bitumé – Poterie de fonte – Grillages, fil fer, meules à aiguiser – Fourneaux, cuisinières – Chaines – Huile, essence, vernis – Peinture – Verres à vitre  

la livraison avec 19 chevaux

Pour livrer il faut beaucoup de chevaux, et ils sont en partie rue de Bonne Garde, en partie à Rezé, et pour mesurer les distances des lieux géographiques éloignés, et même très éloignés, Francis Guillouard a des cartes et même un ouvrage qui donne les distances, alors mesurées en lieues. Donc il sait combien de lieues pour atteindre le FInistère etc… Il faut aussi beaucoup de personnel, et les photos ci-dessous datent d’avant la première guerre mondiale, environ 1909. Il faudra attendre après la seconde guerre mondiale pour voir la disparition des chevaux de livraison.

le magasin rue St Jacques et rue du Frère Louis

Pour stocker les marchandises, Francis Guillouard loue des maisons à l’arrière, donnant rue du Frère Louis, et il les acquiert pour 8 500 F en 1899, d’un vendeur incroyable : la ville de Nantes, qui est le plus généralement acquéreur pour expulser et agrandir les voies.

Cet acte, rare, car le vendeur est la ville de Nantes, concerne :
Un immeuble sis rue du Frère-Louis, porté au plan cadastrail de la commune de Nantes sous les n°2022 de la section P, comprenant une maison composée d’un rez-de-chaussée, de trois pièces et un cabinet servant actuellement de magasin – une cour à l’est et au sud de cette maison – hangar, puits et water-closets dans la cour, le tout en un seul tenant, d’une contenance de 350 m2
environ, borné au Nord par Mr Guillouard acquéreur, à l’Est par la propriété Haudemont, au Sud et à l’Ouest par la rue du Frère-Louis avec entrée sur cette rue. Suivent 4 pages sur l’’origine de propriété et on apprend que « ladite parcelle avait été distraite d’une propriété qui était échue aux consorts Maillard et Grelet sus-nommés, dans diverses successions, ainsi qu’il est expliqué ». Ainsi, pendant des décennies, on peut se demander à quoi la ville de Nantes jouait en spoliant pour revendre enfin.

En 1909 vient l’heure de placer les 5 fils

Et ce n’est pas rien, mais tous ont appris la dynamique de la fabrication, des circuits commerciaux, des besoins évolutifs des clients, et la comptabilité, tous les 5 sont armés pour l’avenir, et les parents font les partages. Victor-et y installent un atelier de ferblanterie, car le fer-blanc, acier doux étamé, est à la base des boîtes de conserve qui se développent et des articles de ménage comme seaux, brocs, lessiveuses… Edouard et Charles prennent la quincaillerie, qui vend toujours à des artisans menuisiers, charpentiers, forgerons, charrons et le bâtiment.

 

1914 arrive la guerre

Edouard passe les 4 années au front, notant tout, tandis que le lieutenant Leglaive photographie. J’ai publié ces rares documents de la guerre de 14-18 Joseph meurt au front dès les premières hostilités. Charles garde la quincaillerie, et Adrien et Louis sont plus utiles à la France à fabriquer des seaux etc.. pour l’armée, et bientôt des armes. L’une des images du cahier de guerre d’Edouard Guillouard résume cette production utile, car pour ces millions de soldats il fallait tant de seaux, gobelets pour boire, etc… pour la nourriture etc… et Edouard quand il voyait une nouvelle munition allemande, s’empressait de l’envoyer à Adrien, le surdoué en inventions.

La guerre enfin terminée, le commerce qui a manqué de clients, la plupart au front, va cahin caha, tandis que l’atelier de production a prospéré.

La quincaillerie est bombardée en 1943

Le 23 septembe 1943, la seconde vague des bombardiers alliés touche St Jacques, détruit des immeubles, fait un immense trou devant l’église et touche la quincaillerie Guillouard. Comme de nombreux magasins bombardés, le commerce s’arrête, le personnel est sans travail, et le pillage, fléau de toutes les guerres, mais dont on parle généralement moins, s’ajoute à la douleur.

reconstruction de la quincaillerie

Fin de la quincaillerie

Dans les années 1950 le plastique remplace beaucoup le fer galvanisé ; il est bien meilleur marché et le chiffre d’affaires baisse en conséquence. Puis dans les années 1960 les grandes surfaces apparaissent et détruisent tous les commerces au détail de proximité, y compris les quincailleries donc la quincaillerie de gros. La fermeture entraîne les primes de licenciement des salariés, reste seul le bâtiment, qui est loué en 1982 à Meuble Inter jusqu’au 17 février 1989 ou un feu de poubelle sur la rue entraîne l’incendie du magasin. C’est la fin, et le bâtiment est vendu à un promoteur immobilier quelques mois plus tard.

Voici la cadastre moderne montrant bien la plan de l’immeuble de l’angle de la Rue du Frère-Louis, qui fut l’ancienne quincaillerie Guillouard.

 

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