Son chef d’oeuvre pour être maître cordonnier a été refusé : il a porté plainte et a été entendu, Angers 1526

Introduction

Le cordonnier était autrefois un artisan fabricant de chaussures, et pour devenir Me cordonnier il devait produire devant les Jurés de sa coorporation un chef d’oeuvre.  L’acte ci-dessous est une transaction car l’un d’eux a vu son chef d’oeuvre refusé, mais ensuite il a porté plainte, et un jugement a été rendu en sa faveur. Une transaction a donc ici lieu entre les jurés des maîtres cordonniers et Pierre Heurtebize qui avait fait un chef d’oeuvre refusé.
Vous allez découvrir comment le notaire a écrit le mot « chef d’oeuvre », et à cette occasion, je tiens à vous raconter comment je fais mes retranscriptions. Je suis sur un grand écran DELL, que je partitionne en 2 horizontalement, en haut WORD et en bas la vue a retranscrire bien agrandie. Mes doigts connaissent si bien le clavier depuis mes études de chimie en 1958 que je n’ai pas besoin de les regarder, et mes yeux ne regardent donc que la vue en bas de l’écran, mais je ne la lis pas seulement avec les yeux, je lis oralement dans ma tête. Cette lecture orale est un très grand outil, et vous allez pouvoir en juger avec ce chef d’oeuvre.
Et concernant ce chef d’oeuvre, je suis aussi très pensive, car je ne peux imaginer une chaussure seule. Pourtant, vous ne devez pas oublier que nos ancêtres n’ont connu les chaussures différenciées gauche et droite que depuis 1857 et auparavant les 2 pieds portaient la même chaussure, sans différenciation. A chaque fois que j’y pense, j’en ai mal aux pieds, et je me demande à quoi ces chaussures pouvaient bien ressembler pour ignorer pied gauche et pied droit. Et oubliez les films actuels car on a fait aux acteurs des chaussures qui ne font pas mal aux pieds, et on a respecté leurs pieds.
Par ailleurs, cet acte comporte les signatures du témoin Jean Gouyn maître cordonnier à Angers, pour lequel j’ai déjà mis un acte en ligne et j’en ai un autre encore qui est la prise d’un apprenti, aussi je vais vous la mettre, afin que vous puissiez admirer (il n’y a pas d’autre terme) l’extraordinaire signature de ce Jean Gouyn. Il a une magnifique signature digne d’un grand bourgeois ou officier de justice et pas d’un artisan. Il y met une splendide floriture, et curiosité absolue, il la met entre son prénom et son nom.

retranscription

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, AD49-5E121 

Le 2 mars 1525 (avant Pasques donc le 2 mars 1526) Sur les procès questions et différens (Nicolas Huot notaire Angers) qui estoient et sont pendant par appel par devant le sénéchal d’Anjou ou son lieutenant à Angers contre les maîtres jurés et gardes du mestier de cordonnier en ceste ville d’Angers appelant de certaine sentence donnée par le juge de la prévosté d’Angers ou son lieutenant audit Angers et anticipés d’une part et Pierre Heurtebize compagnon cordonnier anticipant d’autre part, touchant ce que ledit de Heutebize anticipant au principal de la matière demandoit et requeroit au moyen du chef deuvre[1] qu’il avoit fait, estre receu et passé maistre dudit mestier en cestedite ville, ce qui eust esté impugné[2] et débatu par lesdits commissaire jurés et gardes par plusieurs faictz et raisons par eux alléguées audit procès, lesdites parties ont sur ce transigé et appoincté en la manière qui s’ensuit, c’est à savoir que ledit Heurtebize a déclaré et sera tenu déclarer par devant le sénéchal ou son lieutenant qu’il ne veult et n’entend soustenir ladite sentence donnée en son proffilt par ledit juge de la prévosté (f°2) mais a consenty et consentira qu’elle soit mise au néant et en ce faisant lesdits maîtres jurés ont promis et seront tenus passer et recevoir ledit Heurtebize à maître dudit mestier en paiant valablement les droictz et autres choses selon les statuz dudit mestier à la peine de tous dommages et intérestz, et en faisant ung autre chef deuvre lequel lesdits maîtres jurés et gardes recepvront et auront pour aggréable, en soy pourtant 8 jours davant la feste de Penthecouste prochainement venant, et tous despens dommaiges et intérestz compensez d’une part et d’autre de leur consentement : ausquelles choses dessusdites tenir etc se sont soubmises lesdites parties et chacune d’icelle respectivement soubz la court royal d’Angers obligent etc renonçant etc foy jugement et condemnation etc présents à ce Jehan Gouyn et Guillaume Lorgerie maistres cordonniers à Angers tesmoings faict et donné à Angers

[1] Chef d’oeuvre

[2] Impugner : Attaquer, combattre qqc., contester qqc., aller à l’encontre de qqc. (Dictionnaire du moyen français, ATLIF en ligne)

 

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