Une seigneurie
est un territoire, propriété d'un noble ou d'un roturier, qui la fait
valoir soit directement, soit le plus souvent indirectement par bail
à ferme à un fermier, parce que le propriétaire vit dans une autre terre
ou en ville au loin. La possession de la seigneurie ne lui donne pas
droit à la noblesse. La seigneurie n'a rien à voir avec la sieurie,
qui est une simple métairie ou closerie roturière, mais par esprit d'imitation,
certains roturiers se sont mis à porter le titre de « sieur de la Métairie
», quand ils n'ont pas tout simplement troqué leur patronyme pour celui
« de la Métairie » toujours par imitation des nobles issus du système
féodal, qui portaient le nom de leur terre.
Le territoire
d'une seigneurie peut être groupé ou éclaté géographiquqement. Le Moyen-âge
et la féodalité sont loin et au fil des siècles et des alliances successives,
il est souvent constitué de territoires dispersés. Ainsi, Cuillé, pointe
avancée à l'extrême Nord-Ouest de l'Anjou face à la Bretagne, relève
de la baronnie de Pouancé parce qu'autrefois il y a eu une alliance.
Le territoire d'une seigneurie n'est pas calqué sur celui d'une paroisse,
encore moins sur celui de l'evêché ou du grenier
à sel, ce qui signifie clairement que nos ancêtres relevaient au
quotidien de multiples unités territoriales fort différentes. En voici
quelques exemples : Candé : la baronnie de Candé
relevait de la baronnie de Châteaubriant de l'ancien comté de Nantes ; La
Cornuaille relevait de l'évêché de Nantes ; Cuillé
: partie de la baronnie de Pouancé, partie de la baronnie de Craon ;
Saint Juliende Vouvantes n'est pas du comté de Nantes
; Soudan : comté de Nantes, evêché de Nantes, baronnie
de Châteaubriant ; Villepot : n'est pas du comté de Nantes, vicomté
de Fercé ; Vritz : comté de Nantes, évêché de Nantes etc...
Le nom d'une
seigneurie n'a souvent rien à voir avec les noms de lieux existant de
nos jours, et pour identifier le lieu géographique d'une seigneurie,
aucune carte, aucun dictionnaire n'est exhaustif, quand ils existent.
De tels travaux pharaoniques seraient du bénévolat et releverait du
mécènat car la publication n'est pas rentable comme beaucoup de
recherches. A mon humble niveau, je m'efforce de donner toutes les infos
que je trouve, ainsi dans mon "dictionnaire", si vous regardez
"verrie" car j'ai mis V, vous voyez "relève de Soudan".
Et vous savez immédiatement qu'il y avait à Soudan une seigneurie de
ce nom.
Les seigneuries
sont dépendantes le plus souvent hiérarchiquement : un petit seigneur
relevant d'un plus grand. Le teneur peut posséder plusieurs seigneuries.
Dans ce cas, il énumère ses titres en ordre décroissant : roi, prince,
duc, marquis, comte, vicomte, baron, chevalier. La cour joue le rôle
d'aspirateur parisien, et dans les autres cas, les aristocrates préfèrent
leurs châteaux plus importants ou plus modernes, laissant les autres
à la garde des fermiers. Voici en 1513 dans un aveu à la baronnie de
Pouancé, les titres du teneur de Pouancé : « A vous
très haut & puissant monseigneur Charles duc d’Alençon pair de France,
comte du Perche, comte de Beaumont, seigneur de la Guerche & baron
de Pouencé, je René de La Chapelle écuyer seigneur de la Roche-Giffard,
du Plessis-Mesle, de Saint-Mars, de Senonnes & de la Recordelyère
cognait être votre homme de foi lige au regard » (AD44-B13130).
Ceci illustre l'absence de liens entre les terres, qui peuvent être
géographiquement éloignées. En 1547, Anne d’Alençon marquise de Montferat
est dame de la baronnye de Pouancé.
Le seigneur
fait gérer la seigneurie par une multitude d'officiers seigneuriaux
pour chaque fonction, mais comme dans toute PME, si la seigneurie
est petite les fonctions peuvent être cumulées par une même personne,
qui sait tout faire. Les offices sont souvent baillés à ferme,
parfois avec possibilité de transmettre, et toujours révocable. La baronnie
de Pouancé est une baronnie vide de son teneur, pire, peu ou pas auditée
ni visitée par ceux-ci.
La défense
militaire de Pouancé est confiée à un capitaine : lorsqu’il n’y
avait pas de garnison au château, il surveillait les autres officiers
et fermiers, en assistant au bail du fermier, à la vidange des étangs…
— capitaine du château de Pouancé : 1424 Jean de Villiers Sgr du Hommet
†/1477 inhumé à l’abbaye de la Roë, l’un des capitaines qui reprirent
Laval aux Anglais en 1429. « On envoie continuellement des messagers
et des provisions vers « monseigneur » de la Brardière à Pouancé ;
ses gens et officiers sont toujours sur le même chemin. Sans doute lui
qui commande à Pouancé quand le duc de Bretagne attaque et prend la
place en 1432. La paix faite, il fait bâtir somptueusement le château
de la Brardière » - 1633, 1646 Charles Verdier écuyer Sr de Lorière
Me des Eaux & Forests de la baronnie de Pouancé » (Abbé Angot)
La direction est
confiée à un fermier, qui
prend le titre de châtelain au 16e et début 17e pour la
baronnie de Pouancé, office acquis à plusieurs reprises par la famille
Allaneau non sans un certain enrichissement
personnel de Nicolas
La justice
et la police sont confiées à un juge appellé bailli ou sénéchal,
assisté de greffier,huissier,sergent et
les sujets étaient défendus par un avocat
Les intérêts
financiers sont confiés au procureur fiscal qui audite et
poursuit les sujets récalcitrants, tandis que le receveur encaise
La baronnie
s’étend sur Pouancé, La Prévière, Armaillé,
Vergonnes, La Chapelle-Hullin, Grugé, Senonnes,
La Rouaudière, Congrier, StErblon,
Renazé, et une partie de Noëllet,
Chazé-Henri, Combrée, Challain,
Noyant et Cuillé. Cuillé est excentrée
de la baronnie, et cet héritage des barons de Pouancé a créé au fil
des siècles une véritable « Cuillé-Connexion » dans le Haut-Anjou,
avec des liens permanents entre Cuillé-Laubrières-Méral et Pouancé.
Les postes d’officiers seigneuriaux sont échangés en permutant entre
Cuillé et Pouancé, comme ce sera le cas de Goussé
notaire seigneurial, etc… La baronnie a perdu Chatelais : « la
terre et Sgrie de Chastelaye était de la baronnie de Pouancé et fut
transportée par †Mgr Jean duc d’Alençon que Dieu absolue pour sa rançon
quand il fut prisonnier aux Anglais à Louis de Rohan » selon
l’aveu au roi en 1541 d’Anne d’Alençon Mquise de Montferat Dame de la
baronnie de Pouancé. On notera qu’elle ne se dit pas « baronne » mais
« dame de la baronnie ».
Anne
d'Alençon nous les décrit en 1541, dont un « chapeau
de roses vermeilles ».
Voici intégralement le contenu de son aveu au roi le 26.9.1541
« Aveu au roy d’Anne d’Alençon Mquise de Montferat
Dame de la baronnye de Pouancé : 1er ville & faubourg de Pouancé,
close de murailles lesquelles murailles sont démolies & rompues
en deux endroits ; le château & forteresse dudit lieu avec l’enclose
pourprier & jardins d’iceluy, le tout contenant 8 journeaux ; les
prieurés de la Magdelaine faubourg dudit Pouancé & le prieuré conventuel
de la Primaudière sis en ladite baronnie étant de la dotation &
fondation de ladite baronnie, & tenant d’icelle plusieurs fiefs,
dixmes & rentes à prières & oraisons, combien que à présent
le Sgr ou Dame dudit lieu de Pouancé n’en ont la collation ny provision
; les chapelles ou chapelenies de StPierre & SteCatherine, ladite
chapelle de StPierre sise en ladite ville de Pouancé, & ladite chapelle
de SteCatherine près les faubourgs d’icelle, desquelles apartiennent
à ladite Dame Marquise à cause de ladite baronnie de Pouancé la présentation
toutes fois que vacation y ait, néanmoins que l’évêque d’Angers y a
pouvoir par quelque temps qu’il voulant évoquer ledroit de pourvoir
auxdite choses, combien que de tout temps les prédécesseurs de ladite
Dame y aient pourvu comme étant lesdites chapelles de la fondation de
ladite baronnie & en leur patronage ; les halles situées en ladite
ville où se tient le marché ordinaire de ladite ville une fois par semaine,
qui est le jeudi & 8 foires par an, savoir le jour de StAubin, de
la mi-carême, la foire appellée « la foire babeu », la foire du jeudi
d’après l’ascencion, la jour de la Ste Madeleine, la foire d’Angevine,
la foire de StMartin d’hyer, & de StAndré, & une autre foire
au jour de StLaurent tenue à la Prévière ; la prévosté & coutume
de ladite baronnie terre & Sgrie avec les branches d’icelle coûtume,
laquelle le prieur de la Madeleine prend le dixième denier & vault
communs ans charges desdites ; le ban de la vendition des vins, cidres
& autres breuvages vendus en détail en ladite ville & faubourgs
pendant 40 jours chacun an commençant la vigile de la Magdeleine a 1er
son de vêpres que l’on sonne en ladite église de la Madeleine, &
finissant à pareil jour qui advient ladit vigile les 40 jours révolus
dont le revenu vaut communs 35 s ; le greffe & scel de contrats
de la juridiction tabellionnage de ladite baronnie vault communs ans
50 L ; la geolle & prison sont au dedans du château qui ne sont
d’aucun revenu ; le moulin appellé « le Grand Moulin de Pouancé » sis
en la chaussée du grand estang de ladite baronnie sous le château dudit
lieu y a 2 murailles & rouetz & 2 moulages lesquels vallent
communs ans 150 L ; le moulin appellé « le petit Moulin » vault communs
ans 60 L ; le moulin de la Prévière sis en ladite paroisse, lequel vault
de revenu communs ans 70 L ; le moulin de la Gillaudière sis en la paroisse
d’Armaillé avec le refoul & étang lesquels moulin refoul & étang
peuvent valoir communs ans 80 L ; & ladite Dame a droit de contraindre
tout ses sujets au dedans de la banlieue, venir moudre leurs blés auxdits
moulins & au défaut qu’ils feroient pour ladite dame ou les meuniers
aller ou envoyer de par ladite dame quérir le pain & farine desdits
sujets jusques en leurs maisons & les appliquer à son profit ; le
moulin à draps appellé « le Moulin de Terre » auquel son tenus
tous les sujets de ladite baronnie & seigneur de Pouancé, faire
fouler leurs draps & au défaut que lesdits sujets ou aucun d’eux
en feroient, ils sont condamnables en l’amande & droit et émolument
du foulage selon la coûtume d’Anjou & vaut communs ans 55 L ; le
moulin à tan lequel vaut chacun an de revenu 60 s ; l’étang appellé
« l’étang de Pouancé » sis en la paroisse de StAubin dudit Pouancé,
sous le château dudit lieu ; l’étang appellé « l’étang de la Prévière
» en ladite paroisse de la Prévière ; l’étang de la Rochette en ladite
paroisse de la Prévière ; l’étang & refoul de Trécé aussi en ladite
paroisse de la Prévière ; lesquels étangs vallent communs ans de revenu
130 L ; le lieu & métairie de Trecé à Pouancé StAubin, la Prévière
& Armaillé en ce compris la métairie de Pihirier où n’y a aucune
maison, ledit lieu de Trécé contenant tant en maison, herbergement
près & autres terres 80 journeaux & vault de revenu 60 L ; le
lieu domaine du Bois Basset tant en herbergement que maisons jardins
vergers chesnays que autres terres contenant 57 journeaux & vault
communs ans 45 L ; le lieu & métairie du Bois Juget sis en la paroisse
de StErblon contenant tant en maisons, herbergements chesnays p rés
que autre terres 100 journeaux & vault communs ans 50 L ; le lieu
& métairie de la Gaillaudière sis en la paroisse d’Armaillé contenant
maisons, près & autrs terres 35 journeaux & vaut communs ans
30 L ; le lieu de la Haue en la paroisse d’Armaillé contenant maisons
vergers jardins & autre terres 34 journeaux & vault communs
ans 25 L ; un pièce de pré appellé « la prée de Versée » sis en Pouancé
StAubin contenant 50 hommées de pré & vault communs ans 50 L ; la
forêt d’Ombrée avec ses libertés appartenances & dépendances sise
en la paroisse de Vergonnes, la Chapelle-Hullin & de Grugé &
contient de longueur 2 lieues françaises & de largeur 1 lieue ;
la forêt de Lourzais sise en la paroisse de Congrier & Renazé contenant
de longueur 1,5 lieue & de largeur 0,25 lieue ; le bois & buissons
de Cornillé sis près la forêt de Juigné contenant tant en haults bois
buissons que bois taillables & landes & bruyères 60 journeaux
; le buisson de Versée étant près ladite prée de Versée en Pouancé StAubin
contenant 100 journeaux ; le buisson du bois appelée le Claray sis en
la paroisse de Chazé-Henry contenant 30 journeaux ; le buisson de bois
appellé « le Teilleul » sis près le bois de Cornillé contenant
60 journeaux ; le bois & garennes appellés « la Hermelinière » sis
entre la Marqueraye & le Plessis de Vergonnes contenant 3 journeaux
; la garenne sise près la ville de Poancé au dessous du jardin Baré
garnie de faux & cornils contenant 3 journeaux ; les garennes de
Phirir au dessus & au dessous du chemin de Pouancé à Armaillé contenant
5 journeaux ; la haye & garenne appelle « la Haye V.. » (mangé)
contenant 0,25 lieue de longueur sis en Pouancé StAubin entre le chemin
de Pouancé à Armaillé & le chemin de Pouancé à Château-Gontier ;
les garennes appellées les bois & garennes de la Haye d’Armaillé
sis près ledit lieu de la Haye contenant 1 journeau ; les garennes de
la Prévière sises près le bourg dudit lieu de la Prévière contenant
2 journeaux, la place ou souloit avoit maison & chastel contenant
2 journeaux ; les garennes bois & couldrays du bois Basset sis près
ledit Bois Basset, contenant 10 journeaux, toutes lesdites fôrets &
buissons peuvent valoir par chacun an communs ans de revenu 200 à 300
L tant en glandées que vendition de bois taillable – les amendes
& forfaitures desdits bois & buissons valent communs ans 40
L, il n’y a aucun revenu des forêts pour les herbages & paturages
à bêes à cornes pour ce qui il est déffendu d’y en mettre ; aussi n’y
a aucun revenu des herbages & paturages des bêtes chevalines par
ce que les Mes des eaux & forêts de Pouancé laissent le Sgr de la
Benestaye le prendre à son profit pour le don qui lui en a été fait
des roi & reine de Navarre durant l’usufruit qu’ils ont sur ladite
baronnie de Pouancé, ce qui valait communs ans 16 L ; les devoirs gardes
tailles cens rentes dus chacun an à la recette dudit Pouancé par les
vassaux hommes & sujets de la baronnie de Pouancé se montent par
an 233 L 4 s 2,33 d pile & un chapeau de roses vermeilles (sic)
; il y a en ladiz des devoirs 50 à 60 L en l’article di-dessus pour
fortunes des guerres & mortalités – avoine grosse à la recette dudit
Pouancé 22 septiers due par une part par le Sgr d’Armaillé & 2 septiers
par autre part dus par ledit d’Armaillé le
tout mesure d’Angers qui valent à la mesure de Pouancé 12 septiers 16
boisseaux pour septier - & par le
fief de La Forest 6 septiers 2 boisseaux 2/3 de boisseaux & une
Rée soit pour le tout 27 septiers 2 boisseaux 2/3 & 1 rée – avoine
menue 659 truelles demie & deux parts de truelle, un petit boisseau
& demi tiers de boisseau évaluée à septiers grand mesure à 16 boisseaux
pour septier 100 septiers 3 boisseaux 1/3 de boisseau dont fault rabattre
77 truelles & un petit boisseau, & par autre part 7 septiers
7 boisseaux 2/3 de boisseaux pour ce que les 77 truelles & un petit
boisseau sont en ladiz. – avantages ladite
dame marquise en sadite baronnie rentes vassaux hommes & sujets
juridiction Sgrie & obéissances fidélités hommages chambellans &
rachats de plusieurs maisons terres fiefs & juridictions … à communes
landes, pascages … Aussi a ladite dame droit de contraindre ses vassaux
à la garde de sa ville & de sa personne & réparations des murailles
& douves de ladite ville quand le cas échet ; a ladite Dame capitaine
audit château de Pouancé de contraindre ses sujets au guet, & faire
ledit guet une fois le mois chacun sujet ou sur chacun d’eux lever 3
d tz pour défaut de guet dont le capitaine en est en procès avec les
manans & habitans de ladite ville ; vin du à ladite recette par
le sergent du Plessis-Mesle sur la rivière Heurtault 1 pipe ; gélines
dues à ladite recette 76 gélines ; gages, pensions d’officiers &
aumosniers se montent chacun an 150 L ; il y a plusieurs frais &
mises de procès tant criminel que civils pour iceux conduire par appel
jusqu’en parlement de Paris & des réparations des ponts de ladite
ville & château, des ponts de Rochepoulain Champion Roche Normand,
planches de Noëllet, que des chaussées desdits étangs & portes d’iceux,
maisons de métairies, moulins & halles qui peuvent monter chacun
an 120 L ; aussi grand frais à faire la dépense des officiers aux assises
ordinaires tenues 4 fois/an ; toutes lesquelles choses sont à présent
affermées par Michel Peccot
- Démenbrement de ladite baronnie : la terre &
Sgrie de Chastelaye était de la baronnie de Pouancé & fut transportée
par †Mgr Jean duc d’Allençon que Dieu absolue pour sa rançon quand il
fut prisonnier aux Anglais à Louis de Rohan – les dixmes de Renazé » (AD49-E1133-f°226)
L'avoine
menue est le principal droit dû au seigneur, mesuré au boisseau. Seulement
voilà, il y a boisseau et boisseau, seigneur direct et seigneur indirect
Le
système seigneurial est à plusieurs niveaux. Ainsi, le seigneur de Senonnes
relève du seigneur de la baronnie de Pouancé, qui relève lui-même
du roi. Or, chacun de ces 3 niveaux a droit à une partie de l’avoine
due. Le tout est de savoir combien, à qui, où, quand et comment verser
son avoine due. Généralement au seigneur direct, en l'occurence Senonnes,
qui rendra sa part au seigneur de la baronnie de Pouancé, qui lui-même
rendra sa part au roi. La moindre mésentente dans le système hiérarchique,
et c'est le dysfonctionnement. Mais pour quelques seigneuries, en particulier
sur la paroisse de Pouancé, c'est le receveur de la baronnie qui encaisse
dans la salle du château, et qui redonne ensuite sa part au seigneur
direct.
Le
boisseau est une mesure de capacité qui désigne aussi bien
le contenu que le contenant. Hélas, il y a plus de 100 boisseaux
différents en 1500 en Anjou . Dans la baronnie de Pouancé, il existe
même un boisseau qui répond au nom charmant de « petite
mesure de Pouancé ». Il fait 6 mesures alors que que le boisseau
« mesure de Pouancé » fait 8 mesures. L’avoine mesurée avec la petite
mesure représente donc 25 % de moins. Inutile d'ajouter que certains
sujets aient voulu payer leur avoine à cette mesure. La 1ère mention
connue de cette petite mesure date du 15.11.1513 , dans l’aveu rendu
par René de La Chapelle à Charles d’Alençon, seigneur de La Guerche
et baron de Pouancé : « suivent les avoines d’avenaige
qui me sont dues par mes hommes et sujets environ le terme d’Angevine,
laquelle avoine est menue qui se nomme la petite mesure de Pouencé dudit
lieu de Pouencé, le nombre en est 278 truelles 1 boesseau, et
laquelle avoine mesdits hommes et sujets tant par mesdits fiefs de Saint-Mars,
de Senonne, de la Recordelière et la Benassisaye sont tenus payer et
rendre à leurs despens au chastel dudit lieu de Pouancé o avenance et
semonce icelle avoine appellée « l’avoine de la salle » et lesquelles
avoines je vous dois et suis tenu vous en faire somme bonne et de laquelle
avoine ensuivent les noms de ceux qui me les doivent rendre au chastel
et salle dudit Pouencé au jour qu’elles sont assignées o avenance semonce
d’icelle recevoir par mesdits dujets de mes fiefs, j’aczoit qu’il en
y a en plus grand nombre qui me les doivent que le nombre de 278 truelles
1 boesseau rendues et me doivent retourner à mon profit outre lesdites
278 truelles 1 boesseau à vous dues et lesquelles avoines mesurées devant
vôtre receveur qui les reczoit au jour qu’elles sont assignées par votre
receveur recues, outre autres avoines qui me sont dues par mesdits hommes
et sujets tant en mesdits fiefs de StMars, Senonne, la Recordelière,
la Haye de La Leu que de la Benassisaye dont ci-après aussi sera fait
état, lesquelles me reviennent à ma recepte outre celles que vous dois
». Pour toutes les textes de ces seigneuries citant l'usage du petit
boisseau, voir mon ouvrage «l'Allée de la Hée
des Hiret »
Non seulement
il existe beaucoup de boisseaux différents, mais il existe aussi plusieurs
façons de le remplir. En fait, pour mesurer la capacité d'une
céréale, aujourd'hui encore, il faut un récipient étalonné à l’aide
d’une graine standardisée. à température et humiditée donnée, et selon
un mode de remplissage standardisé pour éviter les écarts dus au tassement
des grains. Les chartriers sont généralement muets sur la température,
l'humidité et le tassement, mais parfois ils précisent bien à comble
ou à ras. Or, la différence entre le remplissage à comble et à ras est
de 25 à 30 % de plus. Toutes les interprétations étaient possibles en
cas de mauvaise foi, d’un côté comme de l’autre. Je vous suggère de
faire chez vous un essai dans un bol jaugeur transparent, avec du lait
en poudre si vous n'avez pas de céréales.
Hélas pour
les sujets de Charles du Hirel, cette dernière précision ne figure pas
dans les aveux du début du 16e de ces seigneuries, sans doute parce
que la pratique est uniquement coutume orale. En 1596, Jean Armaron
occupe la charge de procureur fiscal au nom du duc de Cossé-Brissac
alors seigneur de la baronnie. Ayant probablement reçu des consignes
du duc, qui le soutiendra tout au long du procès qui va suivre, il rejète
l’existence coutumière du petit boisseau et n'utilise que le boisseau
à 8 mesures, non marqué et non ferré, remplit sans entonnoir en s’arrangeant
pour qu’il en tombe par terre pour lui, et en tassant. Bref, les sujets
concernés voient donc leur impôt augmenter induement de 50 %, et portent
plainte. S'ensuit un long procès, qui se terminera par un jugement équitable
en 1606 : cf ouvrage «l'Allée de la Hée des
Hiret