pêche en étang, poissonniers et carême

par O. Halbert tous droits de reproduction réservés

Pas de viande pendant le carême, uniquement du poisson, ainsi le veut la religion.

Le droit de pêche en rivière ou étang est seigneurial, et vendu à l'occasion par le seigneur, généralement pour une durée limitée. Le plus souvent la seigneurie est gérée par un fermier (intendant), qui baille le droit de pêche aux poissonniers, protégeant les droits du meunier qui sera au chômage technique quelque temps.

Pour approvisionner Angers, les poissonniers d'Angers achêtent le droit de vider un étang et tout le poisson contenu, les pêchent eux-mêmes, et le propriétaire se réserve un quota. Voici quelques baux de pêche : grand étang de Pouancé 1499 | étang de Piard au Louroux-Béconnais en 1595 | étang de la Prévière 1623 | étang de Chazé-Henri 1626 | étang Girard à Vergonnes 1654 | étangs de Freigné | le métier de compteur de morues

Le grand étang de Pouancé relève de la baronnie de Pouancé, dont le chatelain (intendant) en 1499 est Nicolas Allaneau. voir le document original en ligne

Le poisson, essentiellement carpes, brochets et brèmes, est destiné à la consommation de la ville d'Angers pendant le carême 1500.

Il est pêché par des poissonniers d'Angers qui ont passé le marché avec Nicolas Allaneau, puisque le droit de pêche est réservé au seigneur, en l'occurence la duchesse d'Alençon dont il est le représentant.

La pêche est effectuée sur des chalands, loués par Nicolas Allaneau, qui assiste à la pêche (sans doute avec d'autres officiers de la baronnie). En effet, lorsque le bateau arrive à quai, les poissons sont triés car le prix est au cent selon l'espèce et la taille.

La longueur est mesurée entre œil et bat. La quantité au cent est de 120, et la brème est marchandée sur la chaussée par Nicolas Allaneau voir le document original en ligne

poisson	entre œil et bat, 32,5 à 35,2 cm	entre œil et bat, 37,9 cm à 48,7 cm	entre œil et bat, 48,7 à 65 cm	entre œil et bat, plus de 65 cm
carpe	11 L le cent	16 L le cent
brochet	11 L le cent	16 L le cent	35 L le cent	1 L la pièce

Le brochet de plus de 65 cm est un plat de luxe, car rendu à Angers le poissonnier doit manifestement le vendre le double compte tenu de ses frais de pêche et de transport. Seule une élite peut se l'offrir.

Les poissonniers peuvent ensuite stocker ce poisson vif dans l'étang de Tressé. Ceci met le meunier de cet étang au chômage technique, qui doit être indemnisé par les poissonniers eux-mêmes.

Cet étang beaucoup plus petit permet ainsi d'échelonner l'approvisionnement de la ville d'Angers, distante de 63 km, pour avoir du poisson frais plus souvent.

L'histoire ne dit pas si chaque jour du Carême, un cheval quittait Pouancé pour Angers, ou seulement une fois par semaine ! Ce qui est certain c'est que le cheval devait être robuste pour faire les 63 km et gageons qu'il y avait relais au Lion d'Angers pour changer de cheval. voir le document original en ligne

Pêche à la saine, et prix à l'étang et non au 100 par catégorie : « Le 2.12.1595 dvt Garnier Nre à Angers, Jehan Laulnay Md dt au moulin de Piard paroisse du Louroux Béconnais d'une part, et Laurent Bellot et François Charnières Md poissonniers dt en [Recullée] d'aultre soumettant confessent avoir faict et font entreux le marché qui s'ensuit c'est à scavoir que ledit Laulnay a vendu et vend auxdits Bellot et Charnières acceptant tout le poisson qui est et se trouve en et au dedant de l'estang de Piard dicte paroisse du Louroux que lesdits Bellot et Charnières seront tenus pescher dedans Caresme prenant prochain ou plus tôt sy faire le peuvent et voyent que leur commodité, et leur rendra ledit Laulnay bonde estanche et courante et offre de fayre ladicte pesche et ledit Laulnay commencera dedans quinze jours prochains après les rois à laisser courir l'eau et dont / ledit acheteur l'avertira pour l'y trouver et acommoder ledit estang en sorte que le poisson ne se perde laissant courir l'eau, et leur vend tout le poisson de carpe, brochet et autre qui se trouvera audit étang réserve la prise qui passe au travers la sayne, et est faict pour et moyennant la somme de cent escus sol que lesdits Bellot et Charnières promettent payer audit Laulnay dedans caresme prenant prochain et au cas que ledit Laulnay ne fut pressé de payer les denier de sa ferme il attendra jusqu'à la mi caresme prochaine ... »

«Le 17.1.1623 Louis Gault sieur de Beauschêne, fermier de la baronnie de Pouancé, vend à Thomas Morin & René Lesourd marchands poissonniers à Angers tout le poisson qui est à présent & se trouvera dans l’étang de la Prévière sans rien en retenir fors seulement les carpes, anguilles & poissons dont sont parlé ci-dessous, moyennant 150 L payables à Pouancé dans le jour & fête de Pâques prochain, & outre leur vend toutes les carpes qui se trouveront audit étang de quelque qualité & grandeur qu’elles soient, qu’ils seront tenus prendre sans en relaisser aucune, moyennant 280 L le mille à raison de 124 carpes le cent, payables dans le même terme, feront ladite pêche à leurs despens & fourniront les engins nécessaires, & commenceront à y travailler dans les premiers jours du carême prochain & continueront jusqu’à perfection sans discontinuation & la rendront sous 3 semaines après que l’eau aura été baissée à peine de toutes pertes despens dommages & intérêts, fera led. Gault couper la chaussée & baisser l’eau au temps ci-dessus en sorte qu’ils puissent facilement pêcher & leur fournira son bateau, qui est à présent audit étang, pour leur servir lors de ladite pêche, se ... Gault le nombre de 300 carpes comme elles & telles qu’elles viendront à la baille sans néanmoins qu’il soit obligé en prendre plus de 20 à chacune baille, & outre 4 des plus beaux brochets qui se trouveront en ladite pêche qu’il les voudra choisir 8 brochets communs de 13 à 14 poulces entre oeil & bat & 6 ... de menu peuple de vermillon, gardons & autres poissons comme il se trouvera à la baille, sans néanmoins qu’il y ait du brochet & perches, & environ toutes les anguilles qui se trouveront audit étang, le tout sans aucun payement ni diminution du prix cy dessus, recognaissant lesd. Morin & Lesourd avoir vu & visité ledit étang et le poisson pour en avoir pêché depuis un mois, & danc ce mois ne pourront prétendre aucune diminution ni rabais du prix pour quelque suject que ce soit, ains y rennoncent, d’ailleurs led. Gault n’aurait consenty les présentes ne pourra led. Gault faire aucunement pescher aud. étang d’autant que le bail à ferme dudit Gault expire à Noël prochain, est d’accord que Mr le Duc de Brissac ne lui veuillent promettre d’attendre ladite pêche au carême prochain, en ce cas Morin & Lesourd le pêcher au mois de décembre prochain, auquel led. Gault fera baisser l’eau, sinon ne pourront tirer le présent marché à conséquence, ains demeurera nul sans dépens dommages ni intérêts de personne & à cette fin lesd. parties seront tenues s’en avertir respectivement dans la fête de Toussaint prochaine, fait à notre tablier en présence de Me Olivier Hiret Sr du Drul » (AD49-5E6/95 dvt Louis Couëffe Nre à Angers)

Le 28.1.1626 Ollivier Hiret Sr du Drul se disant en charge de Mgr Henri de la Guette Sgr de Chazé-Henry conseiller du roi en son conseil d’état, vend à René Lesourd marchand poissonnier à Angers la Trinité le poisson du grand étang de Chazé et du petit étang appellé Greffier, pour 300 L à Caresme & 150 L à la mi-carême (AD49-5E6/103 dvt Louys Couëffe Nre Angers)

Le 22.9.1635 Olivier Hiret Sr du Drul procureur & ayant cause de Nicolas Legras Sr de la Gosnière fermier de la terre fief & Sgrie de Chazé-Henry, comme il a fait aparoir par son escript soulz seing privé du 12 de ce mois, qu’il a relaissé pour attacher d’une part, & René Lesourd & Louise Gaignard Md poissonniers dt Angers Trinité, Md de la pescherie du grand étang de Chazé ; attaché Je soussigné Legras confesse avoir ce jour d’hui 12.9.1635 donné charge à mon oncle le Drul de passer contrat & escript avec René Lesourd & Louise Gaignard pour la ? de 350 L en pistolles d’Espagne pour réserver 4 des plus beaux brochets qu’ils paicheront dans un estang de la paische, 50 carpes comme elles viendront à la sainne, une douzaine des plus belles tanches, lad. ? payable dedans le jour & feste de Pasques prochain venant (AD49-5E6/112)

Le 7.3.1654 Delle Anne Belocier veuve de Jean de La Rivière chevalier Sgr du Plessis de Vergonnes Dt en la maison seigneuriale du Plessis de Vergonnes, tant en son nom que comme mère et tutrice naturelle de François de La Rivière leur fils, baille à ferme pour 9 ans commençant à la fin du bail ci-devant fait par le †de La Rivière à Jacques Pinson, à Guillaume Cheussé Md tanneur Dt à Noëllet et Appoline Faoul sa femme, le bois taillis appellé « le bois de Vergonnes » à Vergonnes, avec l’étang qui joint ledit bois appellé « l’étang Girard », pour 130 L payable le 8 mai, et à chaque pêche dudit étant 12 des plus belles carpes et 2 des plus beaux brochets qui y seront pêchés, et ne pourra écouler les eaux si basses que le menu poisson et fray n’y soit conservé (AD49-5E6/130)